Tony Estanguet : "Les Jeux olympiques doivent laisser une trace dans la société"

Par Propos recueillis par Fabien Piliu  |   |  901  mots
" Outre la dimension sportive et festive de ce type d'événements, les Jeux doivent laisser une trace dans la société, un héritage. Le sport doit permettre de renforcer la cohésion sociale, de créer une société meilleure par le sport. Nous y sommes très attachés. La notion d'héritage - tangible et sociétal, est au centre de notre projet ", explique Tony Estanguet à La Tribune.
Depuis février, Paris est officiellement candidate l'organisation des Jeux olympiques en 2024. Tony Estanguet, triple médaillé d'or olympique, aujourd'hui co-président avec Bernard Lapasset de Paris 2024, fait un premier bilan et fait un point sur les prochaines échéances.

LA TRIBUNE - En février 2016, le comité de candidature de Paris 2024 pour l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques d'été présentait son projet à la Philharmonie de Paris. Depuis cette date, quel est l'état d'avancement du projet ?

TONY ESTANGUET - Cette année fut réellement décisive, depuis cette présentation au grand public, qui fut en effet un moment très important pour nous, très fort, jusqu'au premier oral face aux Comités nationaux olympiques rassemblés mi-novembre à Doha. Au cours de cette année, nous avons réussi à réunir toutes les garanties techniques, financières, juridiques et politiques, à fédérer les forces, les énergies et à créer un consensus pour que ce projet soit couronné de succès. Nous nous sommes donné les moyens et nous sommes là où nous voulions être avant d'entamer le dernier tour de piste.

Le monde politique est derrière Paris 2024 ?

Le chef de l'État, Valérie Pécresse et Anne Hidalgo nous soutiennent très fortement, les parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat également, qu'ils soient de droite ou de gauche. Ceci étant dit, à la différence des précédentes candidatures parisiennes, je rappelle que ce projet est initié et porté par le mouvement sportif. Le monde politique vient seulement en appui.

Quels sont les points forts de la candidature de Paris ?

Dans notre projet, 95% des sites sportifs existent déjà, tous ou presque à Paris ou à proximité. Pour les athlètes et les spectateurs, toutes les conditions sont réunies pour les Jeux à Paris soient une belle célébration du sport, une belle fête.

Que reste-t-il à construire ?

Le centre aquatique et le village olympique qui seront situés en Seine Saint-Denis. Ces investissements ne sont pas superflus. La France attend ce centre aquatique depuis des années. Quant au village, il sera reconverti en 4.500 logements après les Jeux.

Il n'y a donc pas de risque que la facture explose ? Ce fut le cas à Athènes, Pékin Sotchi, Londres... Une partie des Français, qui sont également des contribuables, sont inquiets, même s'ils soutiennent en masse ce projet.

Le risque est éminemment faible. Le CIO est vigilant sur ce point. Dans l'histoire récente, c'est la construction d'infrastructures lourdes et notamment de transports qui ont provoqué l'envolée de la facture. A Paris, ces infrastructures existent déjà. C'est donc un moment idéal pour accueillir les Jeux.

Ce n'est pas la première fois que le CIO met en garde sur la viabilité financière des Jeux. Pourtant, les dérives n'ont pas cessé. Le « business » l'a souvent emporté...

C'est exact. Mais la crédibilité du CIO est en jeu. S'il veut que les Jeux continuent à faire rêver, que des villes postulent pour les organiser, il faut absolument que les conditions financières ne soient pas un obstacle. De notre côté, nous n'avons pas le droit de mentir. C'est la raison pour laquelle notre projet est totalement transparent. Le budget d'investissement de 3 milliards d'euros avec 50% de financement public est au niveau de ce nous avions évoqué il y a deux ans. Nous devons absolument créer une relation de confiance avec les citoyens.

Deux semaines après le premier oral passé à Doha, quels enseignements tirez-vous ?

Notre projet tient bien la route. Le CIO a, semble-t-il, apprécié que Paris 2024 soit piloté par le mouvement sportif. Nous ne sommes pas en avance par rapport à Los Angeles ou Budapest, nos concurrents, mais nous sommes très bien positionnés. Il ne faut pas avoir de complexe. Il ne faut pas non plus être trop confiant, car le chemin est encore long jusqu'au 13 septembre 2017, date de la désignation de la ville-hôte à Lima, au Pérou.

D'ici cette date, quelles sont les échéances pour le comité ?

Le 3 février, nous remettrons notre dossier final et c'est alors que la campagne internationale débutera. Nous allons prendre nos bâtons de pèlerin pour convaincre la famille olympique aux quatre coins du globe.

Cette campagne de séduction avait déjà commencé, non ?

Lors des Jeux olympiques et paralympiques de Rio organisé l'été dernier, nous étions en effet sur place pour évoquer la candidature et affiner notre projet

Quelles sont les valeurs que porte Paris 2024 ?

Le CIO est très strict sur ce point. Outre la dimension sportive et festive de ce type d'événements, les Jeux doivent laisser une trace dans la société, un héritage. Le sport doit permettre de renforcer la cohésion sociale, de créer une société meilleure par le sport. Nous y sommes très attachés. La notion d'héritage - tangible et sociétal, est au centre de notre projet

Vous parlez d'héritage. Certains équipements construits pour les Jeux olympiques de 1900 et 1924 sont encore utilisés par les sportifs. C'est par exemple le cas du stade Pershing et du Vélodrome de la Cipale dans le bois de Vincennes ou du Pré Catelan dans le bois de Boulogne. Ces lieux mythiques seront-ils mis à l'honneur ?

Bien entendu et nous avons d'ailleurs prévu d'organiser le hockey sur gazon au Stade olympique Yves du Manoir à Colombes. En amont des Jeux, des olympiades festives et culturelles seront organisées dans ces lieux iconiques pour célébrer l'olympisme et contribuer à développer la pratique sportive en France.