Logement : quelles réponses face au risque Airbnb  ?

Par Mathias Thépot  |   |  634  mots
Comment encadrer intelligemment Airbnb ?
Le parlement crée progressivement un cadre réglementaire autour des plateformes de type Airbnb. Mais la France semble s'engager sur un chemin complexe.

Le développement exponentiel de la plateforme Airbnb et de ses concurrentes est un vrai casse-tête pour le législateur. En effet, les revenus peu fiscalisés de leurs usagers, les secteurs de l'économie qu'elles font tanguer, et la crise du logement qu'elles risquent d'accentuer obligent le parlement français à plancher sur un encadrement de ces plateformes dites de « l'économie collaborative ». Progressivement, des règles leurs sont ainsi appliquées. La dernière en date étant l'obligation à partir de 2019 pour ces plateformes de déclarer au fisc les revenus de leurs usagers afin que l'administration alimente la déclaration préremplie des contribuables, et de calculer l'impôt dû.

Mais la principale mesure concernant Airbnb date de la loi Alur du 26 mars 2014 : elle interdit à un particulier de louer son appartement plus de 120 jours par an. Au-delà, celui-ci encourt une amende de 25.000 euros. Importante, cette mesure est pourtant très permissive au regard de ce qu'il se passe ailleurs à New-York, à Berlin, à Barcelone, à Londres ou à Amsterdam, où l'on est beaucoup plus sévère.

Différencier les usages

Il y a donc encore beaucoup à faire dans le domaine de la réglementation en France. C'est pourquoi le gouvernement a commandé un rapport à des experts sur ce sujet, sous l'égide de France Stratégie. Publié en novembre, ce rapport propose concrètement de différencier les usages afin d'éviter les abus, tout en respectant un principe d'équité. Les auteurs estiment ainsi qu'il faut « traiter les nouveaux usages de location temporaire avec des textes spécifiques et en distinguant chacune des situations ».

Et de détailler ces situations : « l'accueil d'un tiers pour un temps déterminé dans une partie de son logement », « l'accueil dans son logement pendant son absence pour courte durée », ainsi que « l'accueil dans son logement pendant son absence pour une durée plus longue ou bien de façon répétée », et le « logement principalement consacré à l'accueil de tiers pour des durées déterminées ». Enfin, il est proposé une réglementation spécifique pour les locataires souhaitant sous-louer leur logement. Le traitement distinct de chacun de ces types d'occupation permettra, selon les auteurs du rapport, d'être attentif à « l'équilibre de la relation locative » et « d'éviter que ces nouvelles pratiques ne créent des rentes de situation » freinant notamment la rotation du parc déjà très faible dans les zones tendues.

Souci d'équité

En différenciant tous ces cas de figure, c'est donc un travail d'une précision extrême que proposent les auteurs de ce rapport au législateur. Bref, on est ici, il faut le dire, dans une conception très française de la régulation: d'un côté, on ne veut pas pénaliser les usagers « de bonne foi » qui bénéficient de l'économie collaborative pour se procurer des compléments de revenus indispensables pour boucler leurs fins de mois ; et de l'autre, on souhaite éviter de mettre en difficulté des « vieux » secteurs de l'économie, pourvoyeurs d'emplois, qui s'appliquent les réglementations nationales. Autrement dit, pour limiter au maximum les injustices, on crée un système complexe, avec de multiples niches.

Le rapport France stratégie dit même qu'une fois ces situations différenciées, il suffira ensuite d'en informer les usagers. Nul besoin, dès lors, d'imposer aux plateformes les « vieilles loi » régulant les professions concernées : « la loi Hoguet (détention de carte professionnelle, garantie financière, responsabilité civile professionnelle), le code du tourisme (état descriptif des lieux) et le code de la consommation pour les contrats conclus à distance (information pré-contractuelle, droit de rétractation) ». Reste à savoir si ce principe fondamental de recherche d'équité à la française suffira à contenir « l'invasion barbare » des plateformes de l'économie collaborative...