Logement social : ça chauffe avant la présidentielle

Par Mathias Thépot  |   |  762  mots
François Fillon propose notamment de « baisser le plafond de ressources pour le logement social pour que seul ceux qui en ont véritablement besoin puissent en bénéficier ».
Le mouvement HLM s'insurge contre les propositions de certains candidats qui pourraient restreindre l'accès au logement social aux seuls plus démunis.

En cette période électorale, le logement social est un sujet qui divise. A droite et à l'extrême droite, on n'hésite pas à critiquer le système actuel en le décrivant injuste. « La question du logement et notamment du logement social est aujourd'hui un sujet d'opposition entre les Français, alors qu'il devrait être un sujet de rassemblement... », déplore Frédéric Paul, directeur général de l'Union sociale pour l'habitat (USH), qui fédère le mouvement HLM. Parfois stigmatisé, le modèle généraliste du logement social - 70 % de la population française pourrait théoriquement avoir accès à un logement conventionné - est notamment remis en cause pour des questions budgétaires par ceux qui souhaitent réduire les dépenses publiques.

Baisser les plafonds de ressources?

La Cour des comptes a notamment publié un rapport très critique vis à vis du système des HLM français. Les magistrats de la rue Cambon proposent d'abaisser les plafonds de ressources permettant de bénéficier d'un logement social, afin que les ménages les plus démunis y aient davantage accès. En effet, « le parc social, qui excède pourtant d'un million de logements l'effectif total des ménages situés sous le seuil de pauvreté, n'accueille encore que la moitié d'entre eux ! », déplorait Didier Migaud, le Premier président de la Cour des comptes. Pour remédier à cette injustice très préoccupante, le candidat de la droite François Fillon propose dans son programme de « baisser le plafond de ressources pour le logement social pour que seul ceux qui en ont véritablement besoin puissent en bénéficier. » Plus nuancé, le candidat d'En Marche! Emmanuel Macron indique de son côté qu'il concentrera, s'il est élu, « les aides de l'Etat sur les logements aux plus faibles loyers et dans les zones où la demande en logement social est la plus forte ».

Vers un modèle "assitanciel"

Cette vision de rediriger les aides de l'Etat vers les logements sociaux les plus pauvres augurerait un réel basculement du modèle actuel, basé sur le principe de quasi universalité (70 % des français pourraient dans l'absolu avoir accès à un logement social), vers une logique plus « assitancielle ». Autrement dit, vers un modèle qui se concentrerait sur l'assistance de ceux qui risquent de tomber dans le dénuement le plus total. Une vision restreinte du logement social qui rebute le monde HLM. Pour Frédéric Paul, réduire le logement social aux plus démunis ne fera que « concentrer la pauvreté » et donc renforcer les phénomènes de ghettoïsation. Un constat empirique des acteurs du logement social : « Nous constatons chaque jour dans notre métier que les choses ne peuvent pas fonctionner lorsque l'on concentre les populations les plus pauvres entre elles », indique Marianne Louis, secrétaire générale de l'USH. Pire, rien qu'en évoquant la nécessité de réserver les logements conventionnés aux plus pauvres, « on oppose les ménages pauvres aux ménages moins pauvres qu'eux ! », ajoute-t-elle. Ce qui alimente terriblement les divisions. Par ailleurs, dans les faits, exclure du logement social les ménages par exemple du second quartile - le deuxième quart de la population par ordre croissant de revenus - engendrerait des taux d'effort démesurés pour ces ménages dans le parc locatif privé, dont le coût dans les villes est trop élevé.

Loger les plus démunis

Toutefois, il n'est pas concevable que le monde du logement social ne loge pas suffisamment les ménages pauvres, comme l'a noté la Cour des comptes. Dès lors comment procéder ? La réponse du monde HLM réside dans l'offre nouvelle de logements sociaux, qui devrait, selon lui, intégrer une part obligatoire de 50 % de logements à très bas loyers. En parallèle, dans l'ancien, le monde HLM propose que les pouvoirs publics donnent les moyens aux bailleurs sociaux de capter des logements privés, afin de proposer immédiatement plus de logements sociaux à loyers très bas aux ménages. Surtout, le monde du logement social demande à l'Etat de ne pas réduire ses efforts en matière d'aides à la pierre, qui sont la condition sine qua non à la production de logements à loyers très bas, rappelle Frédéric Paul. Car sans argent public, il est très compliqué de faire perdurer un modèle économique pour un service d'intérêt général qui s'adresse aux ménages ayant de très faibles revenus.