Loi immigration : exit la dissolution ou le 49.3, Macron s'en remet à la commission mixte paritaire

Par latribune.fr  |   |  1103  mots
Lord d'un dîner à l'Elysée, le chef de l'Etat a fustigé ceux « qui, autour de la table imaginent une dissolution, alors qu'il n'y a même pas lieu de tirer de conclusion générale de cette séquence ». (Crédits : Reuters)
Malgré la gifle reçue à l'Assemblée nationale, le projet de loi sur l'immigration poursuit son parcours en commission mixte paritaire à la recherche d'un compromis. Elisabeth Borne, la Première ministre, est à la manœuvre, Emmanuel Macron ayant écarté tout recours au 49.3 ou dissolution.

[Article publié le mercredi 13 décembre 2023 à 07h15 et mis à jour à 14h49] Ni 49.3, ni dissolution, mais une commission mixte paritaire (CMP), qui devra trouver un compromis, afin d'obtenir l'adoption de la loi immigration. Les consignes d'Emmanuel Macron, après l'adoption de la motion de rejet, ont été dévoilées hier soir à la suite d'un dîner de trois heures à l'Elysée. Résultat, Élisabeth Borne a reçu ce mercredi à Matignon plusieurs parlementaires, dont à 11h30 les dirigeants des Républicains (LR), pour tenter de trouver un accord.

La Première ministre, accompagnée du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et du ministre chargé des Relations avec le Parlement Franck Riester, a échangé avec Éric Ciotti, Olivier Marleix et Bruno Retailleau, respectivement président du parti, chef de file des députés et chef de file des sénateurs LR. Ils repartis après plus de deux heures de rendez-vous sous tension, sans aucune déclaration à la presse. Les ténors de LR ne veulent de toute façon plus discuter exclusivement avec un Gérald Darmanin « qui (les) insulte en permanence », à l'inverse d'une Première ministre « un peu plus respectueuse ».

Elle devait également s'entretenir à 12h30 avec le président du groupe des sénateurs de l'Union centriste Hervé Marseille, avant de recevoir les responsables de la majorité « en milieu d'après-midi », avait précisé Matignon. Mais la majorité est pressée car « plus vite c'est fait, mieux on se porte », a reconnu le porte-parole du gouvernement Olivier Véran.

En effet, « le temps est facteur de divergence », a expliqué le chef des sénateurs macronistes François Patriat, qui redoute que « chacun se rigidifie sur sa position », y compris dans son propre camp où un texte trop coercitif pourrait mettre à mal « l'unité » de la macronie.

La commission convoquée « au plus vite »

Le président de la commission des lois Sacha Houlié (Renaissance) a annoncé à l'AFP que la commission mixte paritaire entre députés et sénateurs, qu'il présidera, se réunira lundi à 17 heures à l'Assemblée.

Plus tôt ce matin, la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, avait tablé qu'elle se réunirait début de semaine pour dégager un compromis sur le projet de loi immigration du gouvernement.

« Cette commission se met au travail informellement dès aujourd'hui » afin de « préparer » les débats, a-t-elle assuré sur France 2, espérant si ces derniers sont « conclusifs » un vote de la loi « avant Noël ».

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La veille, le président de la République a fustigé ceux « qui imaginent une dissolution, alors qu'il n'y a même pas lieu de tirer de conclusion générale de cette séquence », affirme un des convives. Selon le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, le gouvernement convoquera « au plus vite » cette CMP. Deux sources affirment qu'une option a été posée lundi prochain, sans que cela soit tout à fait tranché.

« Il faudra que les LR soient raisonnables en retirant les articles inconstitutionnels. Il faudra aussi que la majorité fasse un pas et accepte en partie ce qu'elle refusait hier », a renchéri le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, interrogé par la Voix du Nord, à la veille d'un déplacement mercredi à Calais.

Une CMP, outil parlementaire classique, réunit à huis clos sept députés et sept sénateurs pour tenter de s'accorder sur une mouture du texte. En cas d'accord sur une version commune, celle-ci doit encore être votée par le Sénat et l'Assemblée nationale. En cas de désaccord, c'est l'Assemblée nationale qui a le dernier mot après une ultime navette.

Elisabeth Borne reprend la main

En attendant, les grandes manœuvres ont déjà démarré : Elisabeth Borne a échangé à deux reprises mardi avec Eric Ciotti, selon le patron de LR, mais aussi avec le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau, d'après une source parlementaire. Alors que la droite a ciblé Gérald Darmanin, qui a reconnu son « échec » lundi et présenté sa démission, refusée par Emmanuel Macron, la locataire de Matignon semble reprendre la main sur les négociations.

Et pour cause, afin d'obtenir un accord en CMP, où la droite est incontournable du fait de la majorité sénatoriale, le camp présidentiel va devoir faire des concessions sur la régularisation facilitée de travailleurs dans les métiers en tension, le volet qui cristallise l'opposition de LR et du Rassemblement national.

Un pas de deux est donc une nouvelle fois engagé avec LR, qui s'accroche à la version du projet de loi issue du Sénat. Un texte qui penche résolument à droite, mais qui est « le seul que nous soutiendrons » en CMP, a réaffirmé Eric  Ciotti, mardi à l'Assemblée nationale.

« Nous avons besoin de solutions, nous avons besoin d'un texte rapidement », a répondu la cheffe du gouvernement depuis le palais Bourbon. Et d'insister : « La recherche d'un accord reste notre méthode ». Mais la remise en cause du volet intégration provoquerait une crise au sein de la majorité. Un compromis ne « doit pas se faire au détriment de l'unité de la majorité », a tenté de rassurer Elisabeth Borne lors d'une réunion devant les députés du camp présidentiel à l'Assemblée nationale, selon des participants.

La Première ministre fonde désormais tous ses espoirs sur une entente avec la droite, après avoir encore eu des échanges houleux avec les bancs de gauche mardi. « Hier (lundi), une fois de plus, vous avez fait le choix délibéré de la compromission avec l'extrême droite », a-t-elle attaqué, après avoir essuyé des questions véhémentes de la gauche. « Partez le plus vite possible » venait en effet de lui lancer la cheffe des députés Insoumis, Mathilde Panot, tandis que le président du groupe PS, Boris Vallaud, demandait à Elisabeth Borne de « retirer ce texte qui ne satisfait personne ».

Mathilde Panot a par ailleurs saisi mardi la justice « sur des faits pouvant s'apparenter à de la corruption d'élus par Gérald Darmanin » afin d'obtenir le vote de députés en faveur de son texte sur l'immigration, le ministre de l'Intérieur répliquant dans la soirée par l'annonce d'un dépôt de plainte en retour.

(Avec AFP)