Macron face au défi de la transformation de l'économie française

Par Fabien Piliu  |   |  1049  mots
Cadeau de départ de François Hollande à Emmanuel Macron : une légère reprise de l'économie.
Le locataire du Palais de l'Élysée peut se réjouir d'une chose : la situation économique est plutôt bien orientée. C'est désormais au nouveau gouvernement de tenter de briser le cercle vicieux qui frappe depuis trop longtemps l'économie française.

Le quinquennat de François Hollande se termine plutôt bien. Selon l'Insee, le PIB n'a pas progressé de 0,3% au premier trimestre, comme estimé initialement, mais de 0,4%. Certes, cette révision à la hausse annoncée ce mardi est modeste, mais elle permet à l'ancien président de la République et à son gouvernement de rendre une copie un peu plus présentable. Elle l'aurait été davantage si le redémarrage de l'investissement s'était conjugué avec une augmentation de la consommation des ménages, qui reste le principal moteur de la croissance, et des exportations. Ce ne fut pas le cas.

Mieux, cette "reprise" s'accompagne d'un petit reflux du nombre de demandeurs d'emploi. Au premier trimestre également, le taux de chômage de la population active a reculé de 0,4 point pour s'élever à 9,6%. La France est malheureusement loin d'en avoir fini avec le chômage de masse, mais il semble que l'inversion de la courbe du chômage espérée depuis 2013 se produise enfin.

Et après ? Le nouveau locataire du Palais de l'Élysée peut se réjouir d'une chose. La situation économique est plutôt bien orientée. Les enquêtes de conjoncture anticipent une reprise très progressive, mais continue de l'activité. Les créations d'emplois devraient se poursuivre au cours des prochaines semaines et des prochains mois.

La consommation progresse à nouveau

Deux indicateurs publiés ce mardi par l'Insee confirment les résultats des dernières enquêtes de conjoncture. Plus confiants qu'au cours des derniers mois, les ménages ont retrouvé le chemin des magasins. En avril, la consommation a progressé de 0,5%. Cette hausse intervient après deux mois de repli qui, on l'a vu, ont pesé sur la performance de l'économie française au premier trimestre. Les achats de produits alimentaires et les dépenses énergétiques se sont particulièrement ressaisis quand celles de produits manufacturés se sont repliées. Par ailleurs, les mises en chantier ont fait un bond de 14,6% sur douze mois en avril, toujours selon l'Insee. Au total, le mois dernier, 391.500 logements avaient déjà été commencés. C'est un sommet inédit depuis septembre 2013.

Dans ce contexte, l'acquis de croissance à la fin juin est estimé à 0,9%. Si la croissance est nulle au second semestre, donc, la France est garantie d'afficher une croissance annuelle de 0,9%. Dans ce contexte, Denis Ferrand, le directeur général de COE Rexecode envisage de relever légèrement sa prévision de croissance annuelle, jusqu'ici fixée à 1,3%.

Pour l'instant, rien ne laisse augurer une dégradation brutale de l'activité. La politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) est toujours très accommodante. Le taux de change euro/dollar reste à un niveau qui permet de stimuler les entreprises qui exportent hors de la zone euro ou qui facturent leurs importations en dollar. Quant aux cours des matières premières et en particulier du brut, ils ont certes remonté depuis cet automne, mais ils ne sont pas élevés pour rogner le taux de marge des entreprises.

L'économie française se dirige donc vers une sortie de crise progressive et molle de la crise de 2008 - 2009 ? Il serait temps.

Des aléas existent

Cette hypothèse est probable, mais des aléas existent. La politique de la BCE ne durera pas. Les cours des matières premières sont soumis à d'importants risques géopolitiques. L'euro pourrait s'apprécier face au dollar si la reprise en cours dans la zone euro se confirme.

Mais sur ces sujets, le gouvernement français n'a pas la main.

En revanche, par son action budgétaire, fiscale et sociale, il peut influer sur le cours des choses. Pour l'instant, les détails de celle-ci sont méconnus. Dans quelques jours, on en saura plus sur la prochaine réforme du marché du travail. À la fin de l'été, c'est la politique fiscale qui sera dévoilée. Les mesures contenues dans le projet de loi de finances 2018 sont attendues avec impatience. En fonction de leur degré d'intensité et de leur accueil par les partenaires sociaux et les entreprises, les mesures économiques et sociales du gouvernement pourraient stimuler l'activité. Elles pourraient aussi la freiner, si les Français descendent dans la rue. Pour protester contre la réforme du marché du travail par exemple.

Un cercle vertueux

À plus long terme, le gouvernement parviendra-t-il à transformer en profondeur l'économie française - en favorisant un développement accéléré des entreprises par exemple -, ce qui permettrait de briser le cercle vicieux qui la frappe depuis trop longtemps ? En clair, peut-on espérer qu'un jour, une reprise de la consommation ou de l'investissement ne se solde pas une aggravation de la balance commerciale, dans le rouge depuis 2003 ? "Cette hypothèse est peu probable à court terme", estime Denis Ferrand.

Deux raisons peuvent être avancées. Il est illusoire de penser que la France puisse cesser d'importer les biens manufacturés qu'elle ne fabrique plus aujourd'hui. À moins de mettre en place une politique protectionniste, ce qui remettrait en cause le projet européen, le salut ne peut venir que de l'export et notamment de biens à forte valeur ajoutée.

Le problème, c'est que la France se classe actuellement au huitième rang européen dans le secteur des biens d'équipements. De fait, la reprise actuelle de l'investissement, fortement stimulée par la fin de la mesure de suramortissement le 15 avril dernier, ne peut qu'aggraver le déficit commercial.

Et à plus long terme, quelle issue envisager ? L'incertitude est de mise.

"Certaines conditions sont réunies pour que l'économie tricolore redresse la tête. Le relèvement du taux de marge des entreprises en fait partie", indique l'économiste qui fait un parallèle avec la situation observée entre 1983 et 1990. "Après avoir chuté sous le coup de l'austérité, le taux de marge est remonté, dans le sillage de la désindexation des salaires décidée en 1983. Il avait ensuite fallu quatre-cinq ans pour les entreprises françaises qui avaient massivement réinvesties regagnent des parts de marchés à l'export. Mais, compte tenu du retard d'investissements accumulés ces dernières années et des difficultés actuelles de formation des entreprises, rien n'indique que ce scénario puisse se reproduire", avance-t-il.