Menaces sur le prélèvement à la source !

Par Fabien Piliu  |   |  700  mots
Lancé par Bercy, le projet de prélèvement à la source a du plomb dans l'aile.
Vendredi, Benjamin Griveaux, le porte-parole d'En Marche! a annoncé la réalisation d'un audit au mois de juin sur ce dispositif. Lors de la campagne électorale, Emmanuel Macron s'était déjà montré dubitatif quant à l'intérêt et à l'utilité du dispositif.

Emmanuel Macron veut révolutionner la politique ? Très bien. Dont acte. Toutefois, il y a un point sur lequel il ne semble pas vouloir se distinguer de ses prédécesseurs: défaire ce qui a été précédemment acté.

C'est le cas du prélèvement à la source, une réforme votée par le Parlement fin 2016 qui consiste à collecter l'impôt sur le revenu lors du versement du salaire, et non plus un an après comme dans le système actuel.

Forcer la main

Mercredi, l'actuel gouvernement a publié au Journal officiel un décret et deux arrêtés précisant notamment les informations que devront envoyer les tiers collecteurs à l'administration fiscale et les conditions dans lesquelles le fisc leur transmettra le taux de prélèvement qu'ils devront appliquer aux contribuables. Pour certains, Michel Sapin, le ministre de l'Economie et des Finances, qui ne s'est jamais entendu avec Emmanuel Macron, et Christian Eckert, le secrétaire d'Etat au Budget ont voulu mettre le nouveau président de la République devant le fait accompli. Pour d'autres, la publication de ces dispositions était attendue. Interrogé par l'AFP, les services de Bercy ont indiqué que ces textes étaient rédigés depuis le mois de mars.

Toujours est-il que la mise en place de ce dispositif, prévue en 2018, a du plomb dans l'aile. Vendredi, sur le plateau de LCI, Benjamin Griveaux le porte-parole d'En Marche! a précisé les intentions du nouveau chef de l'Etat sur ce sujet.

"On va regarder cet audit et, si l'expérimentation peut être lancée dans de bonnes conditions, elle sera lancée et si ce n'est pas cas, il y aura un report ", a-t-il expliqué sans donner plus de précision sur la manière dont cet audit serait mené, promettant que la réforme ne serait pas "mise à la poubelle".

"L'objectif est que ce soit hyper efficace, que ça ne pose pas de difficultés notamment aux très petites et petites entreprises, et il y a certaines administrations dont on nous dit qu'elles ne sont pas tout à fait prêtes", a-t-il poursuivi.

Un sujet de campagne électorale

Cette annonce n'est pas surprenante. A plusieurs reprises lors de la campagne électorale, Emmanuel Macron a émis des doutes sur le bien-fondé et l'utilité réelle de cette mesure.

Il n'est pas le seul. Le Medef, la CPME, l'U2P, le Syndicat des indépendants (SDI). Le patronat redoute que ce dispositif rende le quotidien administratif des entreprises encore plus compliqué qu'aujourd'hui.

Au sein de l'administration fiscale, les craintes sont également vives. Dans un communiqué commun, mais aussi les syndicats Solidaires Finances Publiques, CGT et FO mettent en garde contre des "risques d'accident industriel susceptibles de se produire tant sur le niveau des recettes fiscales de l'État que sur le consentement à l'impôt, les conditions d'accueil des contribuables ou encore les conditions de travail des personnels de la Direction générale des Finances publiques (DGFiP)".

Christian Eckert est furieux

Après avoir défendu ce projet pendant des années au nom de la transparence fiscale et de la simplification administrative, l'opposition de droite s'y est également opposée pendant la campagne présidentielle, promettant de revenir dessus en cas de victoire lors de l'élection présidentielle ou des législatives.

Pour les initiateurs de ce dispositif, ces craintes ne sont pas fondées. Sur son blog, Christian Eckert a jugé qu'Emmanuel Macron "méprisait" le vote du Parlement fin 2016, mais aussi "l'intelligence" des Français, et remettait en question le professionnalisme du ministère des Finances, en voulant procéder à une "expérimentation d'un an" du dispositif.

"Comme si les services de Bercy, les cabinets et les ministres ne s'étaient pas préoccupés des modalités techniques, des systèmes informatiques, des cas particuliers, des expérimentations à conduire !", écrit-il, craignant par ailleurs "un gaspillage d'argent de plusieurs dizaines de millions d'euros" alors que la réforme est déjà sur les rails.

Pour mémoire, le gouvernement sortant avait prévu de procéder cet été à un test d'échanges d'informations avec un panel d'entreprises pour s'assurer de la fluidité du dispositif.