Négociations commerciales  : pour le patron de Système U, la grande distribution sert « de bouc émissaire »

Par latribune.fr  |   |  890  mots
Le patron de Système U s'est félicité que les contrôles concernent aussi davantage les industriels, dont certains « ne jouent pas le jeu ». (Crédits : Apaydin Alain/ABACA via Reuters Connect)
Le patron de Système U Dominique Schelcher a déclaré, ce mardi, s'attendre à recevoir une amende après un renforcement des contrôles des négociations commerciales par la DGCCRF annoncé pour calmer la crise agricole, affirmant que la grande distribution « sert un peu de bouc émissaire ». Un discours qui fait écho à celui tenu lundi matin par Michel-Edouard Leclerc.

Rares sont les clients qui sortiront des mouchoirs pour pleurer les déboires de la grande distribution même si elle a le sentiment de servir « un peu de bouc-émissaire », selon Dominique Schelcher, patron de Système U, interrogé ce matin sur Radio Classique.

« C'est quand même curieux, que des gens viennent nous dire: "En fait on ne vous a pas dit mais on savait qu'on fraudait. Mais on préfère vous le dire comme si c'était à moitié pardonné" », a réagi le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, interrogé lors de la conférence de presse de présentation du 60e Salon de l'agriculture, mardi matin.

Pour rappel, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a indiqué lundi avoir identifié 124 contrats, signés entre industriels et distributeurs dans le cadre des négociations commerciales, qui ne respectent pas la loi Egalim et a envoyé des injonctions pour contraindre les entreprises concernées à s'y conformer. « Nous sommes extrêmement contrôlés. Pour l'instant, à ma connaissance, nous ne faisons pas partie des 124 », s'est défendu Dominique Schelcher.

 « La question pour moi n'est pas "si" nous allons recevoir une amende, mais "quand" nous allons la recevoir puisque les choses sont très claires : vu le contexte cette année, où il faut trouver des responsables de tout ce qui se passe, nous clairement, on s'attend à une amende », a-t-il ajouté. « Il y a une loi, on la respecte, il y a des contrôles, on les assume et on en assumera les conséquences aussi s'il devait y avoir une anomalie. »

Pointé du doigt, le patron de Système U a « formellement » démenti la semaine dernière « toute volonté de Système U de détourner la loi française avec nos partenariats européens ».

« Système U n'a pas monté une centrale d'achat en-dehors de la France basée à l'étranger, Système U a rejoint un partenariat existant monté par une coopérative allemande (...) et des Hollandais. C'est eux qui ont décidé de mettre le siège de cette organisation aux Pays-Bas », s'est-il défendu. « On met nos quantités d'achats ensemble avec les Allemands et les Hollandais pour peser face à des groupes pour qui la France n'est pas grand-chose. »

« Certains industriels ne jouent pas le jeu »

Le patron de Système U s'est toutefois félicité que les contrôles concernent aussi davantage les industriels, dont certains « ne jouent pas le jeu », selon lui, notamment sur la transparence sur la part de matières premières agricoles dans les produits. Dans les rayons, il a annoncé que les produits à base de blé pourraient baisser un peu tandis que ceux à base de lait augmenteraient. Il a aussi affirmé que les perturbations logistiques dues aux blocages des agriculteurs entraîneraient « encore une petite semaine de flottement dans les entrepôts ».

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Lundi matin, sur France Inter, le porte-voix de l'enseigne leader du secteur E.Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, s'était montré un peu moins diplomate : « Nous aurons probablement des assignations » des autorités en lien avec les négociations commerciales avec les industriels, a estimé le président du comité stratégique de l'enseigne Leclerc.

« Dès que les accords commerciaux sont finis à minuit, le lendemain l'administration vient pomper dans les ordinateurs tous les accords commerciaux, ils vont faire leur marché et probablement nous aurons des assignations, soit des injonctions de faire autrement, soit des assignations pouvant conduire à des procès », a-t-il déclaré.

Michel-Edouard Leclerc a en outre « assumé » négocier avec les gros industriels hors de France, en l'occurrence en Belgique, où est basée la centrale d'achat Eurelec que le distributeur partage avec l'allemand Rewe. « En Belgique, on négocie avec Nestlé », groupe suisse « qui a augmenté ses dividendes de 13% » l'an dernier, avec PepsiCo, Procter&Gamble, Unilever ou encore Coca-Cola ou le groupe français Pernod Ricard. « Quand je vois qu'ils ont distribué autant de dividendes, nos acheteurs sont fondés d'aller leur demander de baisser leurs hausses ou de redemander des baisses ». Dans Le Parisien jeudi, le patron des Mousquetaires/Intermarché Thierry Cotillard a déclaré que « face à Coca-Cola, L'Oréal, Unilever, ces centrales d'achats sont une arme de lutte contre l'inflation, au service du consommateur ».

Michel-Edouard Leclerc s'estime visé « personnellement »

Interrogé sur les manifestations d'agriculteurs ciblant l'enseigne qui porte le nom de son père, Michel-Edouard Leclerc a estimé qu'il s'agissait d'un classique depuis 2015. « Toute manifestation paysanne se finit sur les parkings des hypermarchés, c'est une manière pour les pouvoirs publics de dériver les tensions sur des espaces sans trop de population » et n'occasionnant que « des dégâts modérés », a-t-il dit. « Toutes les consignes de manifestation, dont nous avons les photocopies, dans chaque fédération agricole, visent spécifiquement la grande distribution et Leclerc », a-t-il assuré, évoquant aussi « un groupe de députés Rennaissance et Modem » qui le vise « personnellement ».

« C'est d'autant plus incompréhensible pour nos salariés que nous ne sommes pas les premiers clients de l'agriculture, nous n'achetons qu'un tiers des produits agricoles français », a-t-il encore déclaré. « Ils ne sont pas allés chez les industriels qui achètent un autre tiers, ou dans les sociétés de restauration collective.»

(Avec AFP)