À la suite du mouvement de colère de syndicats d'agriculteurs ces dernières semaines, le gouvernement a annoncé vouloir renforcer le contrôle des contrats signés dans le cadre des négociations commerciales entre distributeurs et industriels, qui se sont achevées le 31 janvier dernier. Pour rappel, celles-ci déterminent les conditions de vente d'une large part de produits vendus en supermarchés pendant le reste de l'année.
Dans ce contexte, l'enseigne E.Leclerc, le leader du secteur, s'attend à se faire épingler. « Nous savons que nous allons avoir des sanctions », a indiqué Michel-Édouard Leclerc, le président du comité stratégique des centres éponymes, au micro de France Inter ce lundi 5 février. À ses dires, ce ne serait toutefois pas une nouveauté.
« Dès que les accords commerciaux sont finis à minuit, le lendemain l'administration vient pomper dans les ordinateurs tous les accords commerciaux, ils vont faire leur marché et probablement nous aurons des assignations, soit des injonctions de faire autrement, soit des assignations pouvant conduire à des procès », a-t-il déclaré.
Ces possibles sanctions sont le fruit de « débats juridiques », selon lui, qui se posent « autant pour le distributeur que pour l'industriel ou l'agriculteur ». « Mais il n'y a pas beaucoup de procès que nous avons perdus », a encore déclaré Michel-Edouard Leclerc.
L'enseigne toujours dans le viseur ?
Interrogé sur les manifestations d'agriculteurs ciblant l'enseigne qui porte le nom de son père, Michel-Edouard Leclerc a estimé qu'il s'agissait « d'un classique de la manifestation paysanne depuis 2015 ». « Toute manifestation paysanne se finit sur les parkings des hypermarchés, c'est une manière pour les pouvoirs publics de dériver les tensions sur des espaces sans trop de population » et n'occasionnant que « des dégâts modérés », a-t-il dit.
« Toutes les consignes de manifestation, dont nous avons les photocopies, dans chaque fédération agricole, visent spécifiquement la grande distribution et Leclerc », a-t-il assuré. Il a aussi évoqué « un groupe de députés Renaissance et Modem » qui le vise « personnellement ». « C'est d'autant plus incompréhensible pour nos salariés que nous ne sommes pas les premiers clients de l'agriculture, nous n'achetons qu'un tiers des produits agricoles français », a-t-il encore déclaré. « Ils ne sont pas allés chez les industriels qui achètent un autre tiers, ou dans les sociétés de restauration collective ».
Des négociations hors France « assumées »
Michel-Edouard Leclerc a par ailleurs « assumé » négocier avec les gros industriels hors de France. En l'occurrence en Belgique, où est basée la centrale d'achat Eurelec que le distributeur partage avec l'allemand Rewe. Il a ainsi énuméré une série de groupes avec lesquels il « négocie », citant à chaque fois les augmentations de dividendes versées, selon lui, par ces géants de l'agroindustrie à leurs actionnaires. À l'instar de Nestlé, « qui a augmenté ses dividendes de 13% » l'an dernier, mais aussi PepsiCo, Procter&Gamble, Unilever, Coca-Cola ou le groupe français Pernod Ricard.
« Quand je vois qu'ils ont distribué autant de dividendes, nos acheteurs sont fondés d'aller leur demander de baisser leurs hausses ou de redemander des baisses », a-t-il estimé.
Ce type de centrale d'achat et de services a été critiqué la semaine dernière par Emmanuel Macron, qui considère qu'elles permettent un « contournement de la loi française ». Fin décembre 2023, six puissantes organisations agricoles et agroalimentaires françaises avaient par ailleurs demandé au commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, de se pencher sur leurs « pratiques déloyales ». Si bien que le gouvernement a prévu de renforcer les contrôles de leurs activités. Ainsi, aucun contrat, y compris pour les marques distributeurs, « n'échappera au contrôle de la répression des fraudes », a assuré le ministre de l'Économie Bruno Le Maire la semaine dernière.
(Avec AFP)
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