Nicolas Sarkozy le candidat "pas comme les autres" au Medef

Par Constant Méheut, à Jouy-en-Josas  |   |  927  mots
Nicolas Sarkozy s'est "émancipé" des règles du débat ce matin comme pour se construire une stature présidentielle à part devant le public du MEDEF
Invité ce matin à débattre aux Université d'été du Medef à Jouy-en-Josas (Yvelines), l'ex-président de la République a fait une apparition bien différente de celle de ses candidats. S'émancipant des règles du débats il a marqué par ses propositions directes et sans concessions.

On connaissait le Nicolas Sarkozy candidat à la primaire de la droite et du centre, mais on n'avait pas encore rencontré le Nicolas Sarkozy "déjà président" dans cette compétition. C'est désormais chose faite. Alors que la campagne pour la primaire a démarré sur les chapeaux de roues le week-end dernier chez les candidats républicains, le désormais ex-chef du parti politique de droite en a remis une couche ce matin en se présentant devant le Medef dans la stature d'un véritable "chef". Mais cela suffira-t-il à convaincre des patrons qui mettent en doute son honnêteté et sa capacité à changer les choses?

Un candidat qui cache un président

Nicolas Sarkozy n'a pas ménagé son effet en participant aux Universités d'été du Medef. Arrivé avec quelques minutes de retard savamment orchestrées, il a été accompagné par une nuée de photographes et de caméras jusqu'à l'estrade. Une première pour une personnalité politique depuis l'ouverture hier de cet événement. Face à lui sa garde rapprochée était au rendez-vous : Christian Estrosi qu'il a quasiment désigné "ministre de l'intérieur" comme s'il était déjà élu à l'Elysée, Eric Woerth le fidèle parmi les fidèles et Gérard Darmanin, le jeune loup.

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Faisant fi des règles imposées par le Medef pour ce débat, Nicolas Sarkozy n'a pas hésité à dépasser la minute trente maximum exigée pour la présentation du candidat. Il s'est installée derrière le pupitre et a déployé au cours de longues minutes son programme économique pour l'entreprise. Sans effet de style, sans rhétorique. Des faits rien que des faits et un candidat qui se mût en porte-parole providentiel du Medef. Pierre Gattaz était aux anges.

Pas non plus de temps de parole limité pour Nicolas Sarkozy lorsqu'il répond aux questions des chefs d'entreprises. L'ex-président s'est offert le luxe de répondre lentement à toutes les questions. Ce n'est pas un candidat à la primaire de la droite et du centre qui a discouru ce matin, c'est un savant mélange entre ex-président et futur président.

Un programme économique pro-entreprises

Au moins faut-il reconnaître une chose : Nicolas Sarkozy a été clair dans ces intentions et n'a pas hésité à littéralement saturer de propositions sa prise de parole comme s'il voulait définitivement convaincre le Medef qu'il ferait "Tout pour l'Entreprise" puisqu'il fait "Tout pour la France".

S'il est élu, il commencera par une véritable course à la suppression dès le mois de juin 2017. Suppression du compte pénibilité pour les entreprises, qu'il qualifie de "trahison", suppression du principe de précaution qui appelle un "principe d'interdiction" ou encore abrogation de toute norme française supérieure à la moyenne des normes européennes.

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Un mois plus tard ce sera l'heure d'assainir les finances publiques. Nicolas Sarkozy prévoit de supprimer 300.000 fonctionnaires et d'élever leur temps de travail hebdomadaire à 37 heures payées 37 heures. Le calcul des retraites dans le privé et dans le public se fera désormais selon les mêmes bases et le candidat républicain souhaite également réintroduire la dégressivité des allocations chômage.

Enfin Nicolas Sarkozy a conclu sa tirade "pro-business" par une série de mesures en faveur de l'entreprise. Baisse des prélèvements et des charges sur les entreprises de l'ordre de 34 milliards d'euros, exonération totale des droits de transmission en cas de changement de propriétaire et suppression de l'ISF..

Un programme radical qui laisse dubitatif

Si l'effet de cette intervention était donc au rendez-vous, force est de reconnaître qu'une désagréable impression de "saturation" se propageait dans les allées de l'immense tente déployée par le Medef pour l'occasion. Car Nicolas Sarkozy s'est aussi présenté sous un visage de candidat aux propositions radicales (et infaisables?) voire parfois clairement démagogues.

Que penser de sa critique contre le "dialogue syndical cadenassé par des organisations qui se comportent comme des partis politiques" ? Une attaque à peine voilée contre les syndicats de salariés et qui ne peut logiquement trouver qu'approbation au MEDEF. Que faut-il entendre lorsqu'il se fait le détracteur de "l'impérialisme américain" qui soumet la France ? Enfin comment ne pas être un peu déconcerté lorsqu'il annonce que "chaque jeune de 18 ans sans emploi ni formation devra participer à un service militaire [...] où il apprendra à se lever tôt et à respecter la discipline" ?

Nicolas Sarkozy a fait le choix ce matin de tout mettre sur la table, quitte à choquer. Mais les chefs d'entreprises ne semblent pas dupes et beaucoup ont ensuite rappelé que les promesses n'engagent que ceux qui les prononcent. Marie-Christine Oghly, qui fait partie de la direction du Medef, a trouvé cela "trop beau pour y croire" et s'est dite sceptique quant à la capacité de l'ex-président de véritablement mettre toutes ses propositions économiques en oeuvre.

Un sentiment de déjà-vu et une perte de confiance dans les hommes politiques plane donc depuis hier sur cet université d'été. Lorsqu'on interroge sur la personnalité qui pourrait s'extirper de cette mêlée politique, nombreux sont les chefs d'entreprises qui évoquent un "jeune homme nouveau en politique [...] qui connaît l'entreprise et semble clair dans sa vision économique". Dommage, Emmanuel Macron ne sera finalement pas à Jouy-en-Josas cet après-midi.