Nouveau procès pour Nicolas Sarkozy dans l'affaire du financement libyen de la présidentielle de 2007

Par latribune.fr  |   |  1155  mots
Nicolas Sarkozy comparaîtra pour corruption passive, association de malfaiteurs, financement illégal de campagne électorale et recel de détournement de fonds publics libyens. (Crédits : STEPHANE MAHE)
Le procureur financier, Jean-François Bohnert, a annoncé, ce vendredi, le renvoi de l'ancien président de la République devant le tribunal correctionnel. Nicolas Sarkozy est suspecté d'avoir utilisé, alors qu'il était ministre de l'Intérieur et candidat à l'élection présidentielle, de l'argent en provenance de Libye pour financer la campagne en 2007. L'audience devrait se tenir « entre le 6 janvier 2025 et le 10 avril 2025 ».

Nouveau procès pour Nicolas Sarkozy. Le procureur financier, Jean-François Bohnert, a annoncé, ce vendredi, son renvoi signé par deux magistrates financières devant le tribunal correctionnel. L'ancien président (2007-2012) comparaîtra pour corruption passive, association de malfaiteurs, financement illégal de campagne électorale et recel de détournement de fonds publics libyens. Il est, en effet, suspecté d'avoir utilisé, alors qu'il était ministre de l'Intérieur et candidat à l'élection présidentielle, de l'argent en provenance de Libye pour financer la campagne en 2007 à l'issue de laquelle il est devenu chef de l'Etat.

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Il a notamment été mis en cause par le Franco-libanais, Ziad Takieddine, mais aussi par des dignitaires libyens ainsi que par la révélation par Mediapart, entre les deux tours de la présidentielle de 2012, d'un document censé prouver que cette campagne avait bénéficié de fonds libyens. C'est à la suite de ces accusations qu'une information judiciaire a été ouverte en avril 2013. En fuite au Liban, Ziad Takieddine sera toutefois le grand absent de ce procès dont l'audience se tiendra, « sous réserve » d'éventuels recours, « entre le 6 janvier 2025 et le 10 avril 2025 » devant la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris, d'après le Parquet national financier (PNF).

Mais Nicolas Sarkozy ne sera pas seul. L'homme politique de 68 ans sera, en effet, convoqué sur le banc des prévenus aux côtés de douze autres personnes parmi lesquelles trois anciens ministres : Claude Guéant et Brice Hortefeux, membres du premier cercle de Nicolas Sarkozy, ainsi qu'Eric Woerth, ex-trésorier de la campagne présidentielle suspecte.

Enquête tentaculaire

Les deux magistrates financières ont globalement suivi les réquisitions du PNF qui avait évoqué mi-mai « l'aval » et la « parfaite connaissance de cause » de Nicolas Sarkozy quant aux agissements reprochés. Elles ont réuni une somme d'indices troublants pour étayer la thèse de fonds libyens qui auraient bénéficié à la campagne de l'ancien président ou à son entourage tels que d'abondants témoignages parfois antérieurs à 2011, des notes des services secrets de Tripoli, des mouvements de fonds « atypiques et troubles », la matérialisation d'un certain nombre de contreparties...

Dans leur ordonnance de 557 pages signée jeudi dont l'AFP a eu connaissance, elles évoquent dix ans d'enquête tentaculaire confiée à l'Office anticorruption (Oclciff) et qui a pâti du « peu de moyens humains », de l'« absence de volonté politique en France (quelle que soit la période) pour faire la transparence sur ces faits », ainsi que des « manipulations » et autres « déstabilisations ». Elles soulignent que si « dans les dossiers économiques et financiers, il n'existe pas d'évidence, il apparaît qu'un pacte de corruption a été noué entre Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi [au pouvoir en Libye de 1969 à sa mort en 2011, ndlr] aux fins de financement de l'élection du premier ». Pour les magistrates, l'idée d'une « machination destinée à nuire à Nicolas Sarkozy », thèse défendue par celui-ci, « pour le punir d'avoir conduit la coalition contre le régime de Mouammar Kadhafi » en 2011 « ne résiste pas à l'analyse ».

Nicolas Sarkozy dément les faits

De son côté, Nicolas Sarkozy qui vient de publier un nouveau livre de mémoires, a toujours vigoureusement contesté les faits. Il a multiplié les recours contre sa mise en cause. « Vous n'avez ni les preuves de l'arrivée, ni les preuves de la sortie concernant l'argent (...). Où est l'argent ? », s'était-il défendu fin 2020 lors d'un interrogatoire.

Il est également visé depuis mi-2021 par une enquête sur une possible tentative de subornation de Ziad Takieddine, qui a temporairement retiré fin 2020 ses accusations contre lui. L'ancien chef de l'Etat a été entendu mi-juin en tant que suspect, et son domicile a été perquisitionné.

De son côté, Claude Guéant « a toujours fait valoir qu'aucune infraction ne pouvait lui être reprochée (...), ce qu'il démontrera » lors de l'audience, a réagi ce vendredi son conseil, Me Philippe Bouchez El Ghozi. « On parle des millions de Kadhafi, mais on ne peut pas faire cette relation avec 30.000 euros recueillis et distribués après la campagne », a aussi lancé l'avocat d'Eric Woerth, Me Jean-Yves Le Borgne.

L'annonce de ce nouveau procès a, à l'inverse, réjoui les parties civiles. Me Vincent Brengarth, avocat de l'association anticorruption Sherpa, a salué « un travail extrêmement minutieux de la juridiction d'instruction » qui « ouvre la voie à un procès totalement historique visant un ancien chef de l'Etat. Elle est un signal fort pour tous les justiciables qui déplorent l'existence d'une justice à deux vitesses ».

Une précédente condamnation dans l'affaire des « écoutes »

Ce n'est pas la seule affaire dans laquelle est impliquée l'ancien président. Il a d'ailleurs été condamné le 17 mai dernier en appel à trois ans de prison, dont un an ferme, dans l'affaire des « écoutes ». Une décision qui a confirmé le jugement de première instance de 2021 et qui constitue une première dans l'histoire de la République et pour un ancien chef de l'Etat. Il a été condamné aux côtés de son avocat historique Thierry Herzog et l'ancien haut magistrat Gilbert Azibert, eux aussi, reconnus coupables d'avoir noué un « pacte de corruption » avec Nicolas Sarkozy en 2014. L'ex-président a été en outre condamné à une privation de ses droits civiques pendant trois ans, ce qui le rend inéligible.

Une affaire étroitement liée à celle des financements libyens de sa campagne puisque c'est dans le cadre de celle-ci que, fin 2013, les juges d'instruction avaient décidé de mettre sur écoute les deux lignes de Nicolas Sarkozy. Les juges Serge Tournaire et René Grouman avaient alors découvert l'existence d'une troisième ligne téléphonique, officieuse et achetée le 11 janvier 2014 sous l'identité de « Paul Bismuth », une connaissance de lycée de Me Herzog. Ils avaient également appris que les deux hommes échangeaient au sujet de l'affaire Bettencourt du nom de la richissime héritière de L'Oréal (affaire dans laquelle Nicolas Sarkozy a obtenu un non-lieu). Nicolas Sarkozy, alors dans l'attente d'une décision de la Cour de cassation dans le cadre de cette enquête, s'était engagé à faire monter le magistrat Gilbert Azibert ou à faire une « démarche » en sa faveur pour un poste honorifique à Monaco. En échange, l'homme politique et son avocat auraient tenté d'obtenir auprès du magistrat des informations concernant la saisine par la justice de ses agendas. Nicolas Sarkozy a été mis en examen en juillet 2014, condamné par le tribunal correctionnel de Paris le 1er mars 2021 puis, de nouveau, en appel le 17 juillet 2023. Il a formé un pourvoi en cassation.

Enfin, il a également été condamné en première instance en septembre 2021 à de la prison ferme dans l'affaire Bygmalion. Il s'agit, là aussi, d'accusations de financement illégal de campagne, cette fois pour celle de 2012. Il sera rejugé en novembre.

(Avec AFP)