Nouvel ordre ou nouveau désordre mondial : Bernard Cazeneuve face à Jean-Pierre Raffarin

Par César Armand et Philippe Mabille  |   |  652  mots
(Crédits : DR)
VIDEO. La Tribune a reçu mercredi 23 mars les deux anciens Premiers ministres Jean-Pierre Raffarin et Bernard Cazeneuve pour mieux comprendre les enjeux pour la France du nouvel ordre européen et mondial engendré par la guerre entre la Russie et l'Ukraine. Revivez dans ce live vidéo les meilleurs moments de cette rencontre entre deux hommes d'Etat fin connaisseurs des relations internationales.

La Grande Tribune de la Présidentielle avec Bernard Cazeneuve et Jean-Pierre Raffarin

Alors que les sommets européens et de l'Otan se tiennent ces 23, 24 et 25 mars à Bruxelles, La Tribune a reçu ce mercredi 23 mars les anciens Premiers ministres Bernard Cazeneuve et Jean-Pierre Raffarin. « Nous découvrons subitement que la Russie n'a rien perdu de ses ambitions de puissance et d'empire », souligne Bernard Cazeneuve, l'ancien locataire de Matignon de François Hollande. Du fait d'une « vision paranoïaque de son voisinage », Vladimir Poutine a déclaré la guerre il y a quatre semaines à l'Ukraine.

« Mais rien ne justifie qu'on remette en cause les principes du droit international », insiste Bernard Cazeneuve. La dureté des sanctions économiques - le gel des avions, l'impossibilité d'accès aux marchés financiers, l'arrêt des importations - va-t-elle calmer les ardeurs du maître du Kremlin ? « Est-ce qu'il s'arrêtera ou tentera-t-il une opération ailleurs ? » s'interroge-t-il.

« La seule solution qui soit acceptable, c'est la fermeté diplomatique la plus forte de l'Union européenne, de l'Occident et des Nations unies avec toute la gamme des sanctions », insiste Bernard Cazeneuve.

Son homologue de droite, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre de Jacques Chirac de 2002 à 2005 et fin connaisseur de la Chine estime, lui, que « cette crise s'inscrit dans une autre diagonale terrible : la guerre froide sino-américaine qui structure les relations internationales ». L'ancien Premier ministre de Jacques Chirac considère que l'UE, déjà menacée de destruction à la suite du Brexit, est « prise en tenaille », et regrette « un multilatéralisme très faible ».

« La cohérence de l'Union européenne et la mobilisation de la société ont impressionné la Chine, mais il demeure le risque d'une Europe divisée qui sorte de l'histoire », poursuit Jean-Pierre Raffarin.

La coopération franco-allemande est-elle un échec ?

A la différence de ce dernier qui plaide pour mettre le couple franco-allemand au centre, Bernard Cazeneuve juge que la coopération franco-allemande est un échec depuis la sortie unilatérale du nucléaire. « Il n'y a pas de puissance européenne sans politique de défense et l'Allemagne a rechigné à le faire, même si les choses changent », ajoute l'ancien Premier ministre de François Hollande.

Leurs avis divergent également sur l'état des forces armées. Pour Jean-Pierre Raffarin, « nous sommes préparés à un certain type de scénarios », alors que selon Bernard Cazeneuve, « les gouvernements [y compris le sien, avoue-t-il, Ndlr] n'ont pas fait ce qu'il fallait ». Entre la suppression de 54.000 emplois dans l'armée sous Nicolas Sarkozy et le déploiement de 10.000 Sentinelle, « notre pays n'a pas une conscience suffisante de la dangerosité du monde », assène-t-il.na

« Refaisons de la politique ! Il faut donner une force politique à l'UE. Une structure politique, c'est la priorité de toutes les priorités, y compris pour Afrique », exhorte Jean-Pierre Raffarin.

« Tout déclaration européenne unilatérale sur la ''mort cérébrale de l'OTAN'' doit être évitée si on veut que l'Europe joue un rôle dans un monde multilatéral », appuie Bernard Cazeneuve.

D'autant qu'en Afrique, la Chine et la Russie se comportent déjà comme « des prédateurs », dixit ce dernier, entre force Wagner au Mali et ressources minières. « Nous devons clarifier nos relations avec la Chine et les Etats-Unis », répond son contradicteur. D'autant que l'Inde s'intéresse « de plus à plus » à ce continent.

Une « Vème République augmentée »

Sans transition, retour en France. L'un comme l'autre se révèlent pessimistes. L'ancien Premier ministre de Jacques Chirac plaide pour une « Vème République augmentée ». Son voisin de gauche regrette, lui, que « tout soit une mise en scène ». « C'est le contraire de la sobriété qui préside à l'exercice de la responsabilité la plus importante ».

Seule note d'optimisme : « l'harmonisation de la mondialisation, c'est la planétisation ». Autrement dit, la lutte contre le dérèglement climatique. Du pur Raffarin dans le texte.