Immobilier de bureaux : La Défense retrouve des couleurs

Après un net repli sur le marché de la location et un premier trimestre 2024 qui marque encore le coup, le premier quartier d'affaires voit la tour Trinity d'Unibail-Rodamco-Westfield enfin occupée à 100%. L'offre multimodale de transports participe aussi à l'attractivité des projets, y compris pour des opérations plus excentrées comme Arboretum. Décryptage.
La Défense est le premier quartier d'affaires européen.
La Défense est le premier quartier d'affaires européen. (Crédits : Reuters)

Avec 3,7 millions de mètres carrés de bureaux, 245.000 m² de commerces et près de 180.000 salariés répartis dans 500 entreprises et 61 immeubles de grande hauteur, La Défense reste le premier quartier d'affaires européen. Et ce, malgré un net repli sur le marché de la location comparé à 2021 et 2022.

« Nous sommes dans une période de crise multifactorielle tant est si bien que les décisions prennent beaucoup plus de temps. Plusieurs transactions de taille moyenne et importante auraient pu se signer en 2023 », déclare à La Tribune Pierre-Yves Guice, directeur général de Paris La Défense.

Retournement de situation début avril

Ce n'est guère mieux au premier trimestre 2024 avec seulement 32.800 m² placés. C'est 10% de moins sur un an et 30% de moins comparé à la moyenne décennale. En témoigne l'annonce, début mars, de la suspension des tours Sisters, un ensemble de 90.000 m² porté par la foncière commerciale Unibail-Rodamco-Westfield (URW) 

« Le marché est toujours attractif, mais l'enjeu aujourd'hui est d'abord de résorber la vacance conjoncturelle de 15% en remplissant les immeubles existants. On attend de voir comment la situation évolue, » justifie, auprès de La TribuneVincent Jean-Pierre, directeur général projets mixtes Europe d'URW.

Retournement de situation début avril lorsque la même multinationale cotée au CAC 40 a fait savoir que sa tour Trinity de 49.000 m², livrée en 2021, avait enfin trouvé ses 14 locataires. « Cela démontre la nécessité d'offrir une très bonne desserte en transport en commun, une expérience de travail conviviale et une exemplarité environnementale. Ce sont trois qualités indispensables pour trouver un preneur aujourd'hui », poursuit Vincent Jean-Pierre. « Les entreprises veulent de la centralité, du vert, du flux. 17.000 m² viennent d'être transactés sur la tour Kupka. D'autres négociations sont en cours sur la tour Landscape, la tour Légende ou encore Hekla », décrypte Alexandre Fontaine, directeur exécutif des bureaux en Ile-de-France chez CBRE, leader mondial de l'immobilier d'entreprise.

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L'offre multimodale renforce l'attractivité des projets

Il ne croit pas si bien dire. Déjà couverte par les bus, le métro 1, le tramway T2, le Transilien L et le RER A, La Défense est sur le point d'être desservie par le RER E - qui s'arrête aujourd'hui gare Saint-Lazare - avant l'arrivée de la ligne 15 Ouest du Grand Paris Express, première étape du métro circulaire francilien.

 « La réduction de la demande sur l'immobilier de bureaux, qui accompagne le déploiement du télétravail, se fait aujourd'hui au bénéfice des secteurs dits "prime" bien desservis par les transports et proposant une offre tertiaire aux normes environnementales les plus récentes, très recherchées par les utilisateurs », relève ainsi Katayoune Panahi, présidente de l'association des utilisateurs de La Défense (Aude),

Une offre multimodale qui renforce l'attractivité des projets, y compris pour Arboretum, un campus de bureaux en bois de 125.000 m² au cœur d'un grand parc de 9 hectares. Un projet quelque peu excentré, implanté à 650 mètres de Nanterre Université et à dix minutes de Nanterre La Folie, gare au-dessus de laquelle Vinci a déjà son siège social. « Dès que le RER E va arriver à La Défense et à Nanterre, ça va délester le RER A. Nous avons également travaillé avec Ile-de-France Mobilités pour que des bus stationnent en permanence à l'entrée du campus avec un terminus »assure ainsi Laurence Desmazières, managing partner d'Icawood, le propriétaire des murs.

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La situation n'inquiète pas Paris-La Défense

L'ensemble doit être livré d'ici à fin 2024, mais n'est pas « encore pré-commercialisé », affirme Laurence Desmazières. « Dans l'immeuble principal, qui sera inauguré cet été, nous avons une stratégie à la découpe par étage, tandis que dans les quatre autres immeubles en cours de travaux existants, qui seront livrés dans la foulée, nous souhaitons, un, deux voire trois utilisateurs occupants maximum », poursuit-elle.

Une situation qui n'inquiète pas Pierre-Yves Guice de Paris-La Défense: « Le campus se trouve en dehors de l'hypercentralité, mais c'est un produit d'une qualité exceptionnelle. Le travail sur le parc est une vraie réussite. Je suis certain qu'ils arriveront à le louer. Ils auront dix-quinze utilisateurs plutôt qu'un ou deux. »

« Ce n'est pas possible qu'il ne trouve pas de preneur. C'est un produit extraordinaire que tout le monde va voir. Même si le marché est un peu plus compliqué et que leur situation est un peu moins centrale, cette tendance aux espaces verts suscite beaucoup d'intérêt »appuie Alexandre Fontaine de CBRE.

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140.900 mètres carrés vont être livrés en 2024

D'autant qu'en 2024, 140.900 mètres carrés vont être livrés dans le premier quartier d'affaires européen: des programmes restructurés comme Lightwell - porté par URW -, Hopen et Silven Island, mais aussi de l'offre rénovée à l'image des tours Granite, Pacific, Eqho ou encore Le Voltaire. « Il n'y a jamais eu autant de cercles de discussions. Cela fait mieux vivre le quartier », se félicite le DG de Paris-La Défense, Pierre-Yves Guice.

« La Défense reste un des meilleurs rapports qualité-prix, ce qui en fait un marché attractif. Sur les 50% de preneurs exogènes, 25% viennent de Paris. C'est un phénomène qui existe toujours », abonde le directeur exécutif des bureaux en Ile-de-France chez CBRE, Alexandre Fontaine.

Unibail-Rodamco-Westfield, qui a son siège dans la capitale, ne dira pas le contraire. La foncière commerciale a demandé au cabinet Carbon 4 de calculer l'impact CO2 d'un immeuble de bureau.

Surprise là encore: une très bonne desserte en transport réduit les émissions carbone engendrées par les déplacements des usagers d'environ 1.000 kgCO2/m²Ce n'est rien de moins que l'équivalent du carbone qu'il faut émettre pour construire et entretenir un immeuble pendant cinquante ans.

L'Alsacien Mathis choisi pour le campus Arboretum

L'entreprise Mathis Construction Bois, implantée à Muttersholtz (Bas-Rhin), a fourni les structures poteaux, poutres et planchers du campus Arboretum (125.000 mètres carrés, bureaux et commerces) situé à La Défense. Le chantier a mobilisé 30.000 mètres cubes d'épicéa originaire d'Europe du Nord. « Les délais et certaines exigences mécaniques ne nous ont pas permis de mettre du bois français », indique Franck Mathis, président de cette entreprise familiale créée en 1875 dans la plaine d'Alsace, et devenue leader national du bâtiment à ossature en bois lamellé collé.

Exécuté sur plusieurs exercices comptables depuis la fin de l'année 2022, le projet Arboretum représente un marché à 50 millions d'euros pour Mathis. En 2023, avec 200 salariés et un bureau d'études intégré, Mathis a réalisé 60 millions d'euros de chiffre d'affaires. « Nos chiffres d'affaires sont très fluctuants. Quand nous avons démarré Arboretum, nous étions à 75 millions d'euros. Nous visons 70 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2024 », annonce Frank Mathis.

L'entreprise alsacienne a également bénéficié récemment de l'effet médiatique de l'inauguration du Centre aquatique olympique de Saint-Denis, dont il a fourni l'ossature bois et la toiture ondulante. « Arboretum, c'est un chantier quatre fois plus gros que la piscine », relativise pourtant Frank Mathis.

Deux autres projets d'immeubles de grande hauteur (IGH) en bois sont par ailleurs en cours d'étude à La Défense, malgré la relative atonie du marché immobilier. Ils doivent s'élever sur une centaine de mètres, soit une trentaine d'étages. « Cent mètres constituent un record, mais cela ne change pas grand-chose sur la technique par rapport à des immeubles de 80 mètres que nous avons déjà réalisés », conclut Frank Mathis.

Olivier Mirguet

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Commentaire 1
à écrit le 20/04/2024 à 8:36
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Et la défonce aussi du coup, Tony Montana doit être content de ce regain d'activité !

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