Nouvelle-Calédonie : cinq chiffres à savoir sur une économie fragile

Par Grégoire Normand  |   |  1149  mots
Vaste de 1,4 million de kilomètres carrés, la Zone économique exclusive (ZEE) du Caillou, deux fois et demi la superficie de l'Hexagone, recèle en outre d'immenses potentiels économiques: pêche, énergies marines renouvelables, réserves minière, micro-algues. (Crédits : Reuters)
La Nouvelle-Calédonie doit décider ce dimanche lors d'un référendum d'autodétermination si elle reste française ou elle devient indépendante. Au-delà du scrutin, l'économie de l'archipel reste très dépendante des cours mondiaux du nickel et souffre d'un coût de la vie prohibitif.

Plus de 20 ans après la signature de l'accord de Nouméa, les 175.000 électeurs inscrits sur les listes sont appelés dimanche à se prononcer par un référendum  à la question : "Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante? " À quelques heures du scrutin, les derniers sondages indiquent une large victoire pour le camp du "non", crédité de plus de 60% des voix. Mais les indépendantistes et non-indépendantistes restent prudents sur l'issue du vote. Au-delà de la question de l'indépendance, l'économie calédonienne demeure très fragile. Si l'archipel a bénéficié d'une prospérité dans les années 2000, les fluctuations des cours mondiaux du nickel ont eu des répercussions sur la situation économique du territoire et ses finances publiques, contribuant ainsi à creuser les inégalités.

1- 8% des réserves de nickel de la planète

D'un point de vue économique, le nickel produit en Nouvelle-Calédonie représente environ 8% des réserves mondiales selon un rapport de l'institut d'émission d'outre-mer (IEOM). Ce qui la place en quatrième position derrière l'Australie (24%), le Brésil (15%) et la Russie (9%). Malgré un poids considérable dans les exportations, l'économie du nickel reste très fébrile. Les prix demeurent très volatils. En 2007, le poids de la tonne de nickel avait atteint un niveau exceptionnel de 54.000 dollars US. À l'époque, cette industrie représentait 20% du PIB calédonien. Depuis, cette part diminue régulièrement au profit des services. Entre 2011 et 2015, le prix de la tonne n'a pas dépassé les 22.000 dollars et l'activité du nickel ne représenterait plus que 5% du PIB et 6% des effectifs salariés.

Pour sortir de cette impasse, le Medef Nouvelle-Calédonie préconise de sortir du "tout nickel" et favoriser le développement de filières nouvelles autour de la biodiversité, du développement durable, du tourisme et du numérique. Cette diversification permettrait à l'économie calédonienne d'être moins dépendante de cette ressource. Dans un rapport sur la situation économique de la Nouvelle-Calédonie, plusieurs économistes de Sciences Po expliquaient en 2012 que "la Nouvelle-Calédonie dépend trop de ressources extérieures. Qui plus est, ces ressources sont cycliques, car elles évoluent au grès des cours mondiaux du nickel dont les variations ont été très importantes sur la décennie. Les prix élevés sont un symptôme de dysfonctionnements importants d'une économie qui doit se moderniser."

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2- L'administration représente 18% du PIB

Le secteur public représente un poids non négligeable dans l'économie locale. Selon un rapport de l'institut d'émission d'outre-mer, le secteur des administrations publiques représente 18,6% du produit intérieur brut de l'archipel. "Sa contribution a reculé de 5 points en 10 ans, mais reste toujours supérieure à celle enregistrée en France métropolitaine (16,9 % en 2014)."

En termes d'emploi, le secteur public était le seul l'année dernière qui continuait de créer des emplois "grâce à l'ouverture du Médipôle, la création de nouvelles filières d'enseignement supérieur et l'accroissement des forces de sécurité (policiers, gendarmes)." Ce dynamisme permet de compenser les destructions d'emplois dans le secteur privé en 2017, notamment dans la construction et l'industrie manufacturière. L'administration arrive ainsi en seconde position derrière les services marchands (40%), puis arrivent le commerce (11%) et enfin le BTP (11%).

3- 28.571 euros

C'est le Produit intérieur brut par habitant enregistré en 2016. Les habitants de Nouvelle -Calédonie ont un niveau de vie relativement élevé. "En 15 ans, il a été multiplié par 1,7, et dépasse depuis 2007 la moyenne de la France de province, à un niveau équivalent au PIB par habitant des Pays de la Loire, quatrième au classement des régions françaises (hors Ile-de-France)" souligne le rapport précité . Surtout, la richesse produite par habitant est bien supérieure à celle produite dans les autres territoires de la région. Selon une étude de la Maison de Nouvelle-Calédonie, "le PIB par habitant de la Nouvelle-Calédonie est huit fois supérieur à celui des îles Fidji, 17 fois celui de son plus proche voisin le Vanuatu et 30 fois plus élevés qu'en Papouasie Nouvelle-Guinée." Cependant, cet avantage peut également avoir des contreparties. En effet, le coût de la vie est bien supérieur à celui métropole. Selon des estimations issues du précédent document, les prix seraient de 30% à 70% plus élevés qu'en Ile-de-France. Ce différentiel a des conséquences désastreuses sur le pouvoir d'achat des ménages modestes.

4- 36% de chômage chez les jeunes

Sur ce territoire qui compte 278.000 habitants, le taux de chômage au sens du bureau international du travail (BIT) s'est élevé à 11,6% en 2017, ce qui représente 14.900 personnes. Ce qui restait plus élevé que la France pour la même période (8,6% de la population active) mais largement inférieur à celui des autres territoires d'outre-mer rappelle l'IEOM.

En revanche, la situation des jeunes sur le marché du travail demeure préoccupante. En effet, le chômage des jeunes (15-25 ans) s'élève à 36% contre 22% dans la France entière. Du côté des femmes, le niveau de chômage s'élève à 15,7% contre 13,9% pour celui des hommes. La principale difficulté évoquée par les entreprises lors des enquêtes reste le manque de qualification de la main-d'oeuvre.

5- 17% de pauvreté

Malgré un PIB/habitant relativement élevé, la pauvreté persiste sur ce territoire. Selon les derniers chiffres disponibles, 17% des foyers calédoniens vivraient sous le seuil de pauvreté relatif, soit 53.000 personnes, dont un tiers d'enfants de moins de 14 ans. Dans cette moyenne, il existe de fortes disparités. Le taux de pauvreté dans la province Sud est d'environ 9% quand celui de la province Nord s'élève à 35% et celui aux Iles Loyauté à 52%.

Par ailleurs, les inégalités sont bien plus marquées qu'en métropole. Les écarts de revenus sont environ deux fois plus élevés qu'en métropole. "Le rapport inter-décile, qui mesure l'écart entre les revenus des 10 % les plus riches et les revenus des 10 % les plus modestes, est estimé à 7,9 contre 3,6 en Métropole et 5,8 pour l'ensemble des DOM" informe le rapport. Enfin, le coefficient de Gini (*) qui s'élève à 0,42 (contre 0,29 en métropole) témoigne d'une situation critique. Ces résultats rapprocheraient la Nouvelle-Calédonie des pays émergents, voire des pays pauvres expliquent les auteurs du rapport.

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L'indice (ou coefficient) de Gini est un indicateur synthétique d'inégalités de salaires (de revenus, de niveaux de vie...). Il varie entre 0 et 1. Il est égal à 0 dans une situation d'égalité parfaite où tous les salaires, les revenus, les niveaux de vie... seraient égaux. À l'autre extrême, il est égal à 1 dans une situation la plus inégalitaire possible.