Polluants éternels (PFAS) : l'Assemblée adopte la proposition de loi écologiste visant leur interdiction dans certains produits

Par latribune.fr  |   |  916  mots
Les députés ont examiné une proposition de loi écologiste qui vise à interdire les substances PFAS dans de nombreux usages (Photo d'illustration). (Crédits : Reuters)
La proposition de loi écologiste qui vise à interdire les substances PFAS dans de nombreux usages, a été adoptée en première lecture à l'Assemblée ce jeudi. Si ces molécules sont présents dans de nombreux objets de la vie courante, comme les vêtements, les emballages, les cosmétiques ou encore les ustensiles de cuisine, ces derniers ont toutefois été sortis du périmètre de la loi.

[Article publié le jeudi 04 avril 2024 à 07h23 et mis à jour à 17h51]C'est une question de santé publique. Les députés ont approuvé ce jeudi en première lecture une proposition de loi écologiste visant à restreindre la fabrication et la vente de produits contenant des PFAS. Egalement appelés « polluants éternels », ces derniers sont massivement utilisés dans des objets de la vie courante, comme les vêtements, les emballages, les ustensiles de cuisine ou encore les cosmétiques et peuvent se révéler toxiques.

Ces molécules doivent leur surnom à leur cycle de vie très long. « Les plus dangereux sont les plus petits, les plus mobiles », solubles dans l'eau, indique à l'AFP Mehran Mostafavi, directeur adjoint scientifique du CNRS Chimie. Pour l'expert, les PFAS polymériques, inertes et stables, comme les produits utilisés pour les revêtements anti-adhésifs des poêles, ne sont, en revanche, pas problématiques en condition normale d'utilisation.

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Adoptée sans difficulté en commission la semaine dernière, la proposition de loi a fait l'objet de vifs débats entre la gauche et le camp présidentiel, et, plus feutrés, entre le gouvernement et la majorité. Elle a finalement été approuvée à l'unanimité, avec 186 voix pour et zéro contre.

Les ustensiles de cuisine pas concernés

Dans le détail, l'article principal du texte présenté par l'écologiste Nicolas Thierry prévoit d'interdire à partir du 1er janvier 2026 la fabrication, l'importation et la vente de tout produit cosmétique, produit de fart (pour les skis) ou produit textile d'habillement contenant des substances per- et polyfluoroalkylées, à l'exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile. L'ensemble des textiles seront concernés par l'interdiction à compter du 1er janvier 2030.

Mais les députés ont sorti du périmètre de la proposition de loi les ustensiles de cuisine, alors que les industriels avaient sonné l'alarme cette semaine sur les menaces pour l'emploi que ferait peser une interdiction.

En effet, la majorité avait proposé de repousser l'interdiction concernant les ustensiles de cuisine de 2026 à 2030. Compromis rejeté par les écologistes, qui ne voulaient pas aller au-delà de 2027. La majorité a répliqué en supprimant purement et simplement l'alinéa concernant ces produits.

« Encore une fois » la majorité alliée à LR et au RN aura « cédé aux lobbying (du fabricant) Seb, au détriment de la santé des français. C'est une honte », ont ainsi réagi les députés écologistes.

« On a perdu 2 millions d'emplois industriels ces dernières décennies en France (...) Qui va nous faire croire que tout ça c'est la faute de l'écologie ? », a de son côté lancé dans l'hémicycle le député LFI François Ruffin.

Le fabricant d'articles de cuisine Seb avait sonné l'alarme cette semaine sur la menace qu'une telle loi ferait peser sur quelque 3.000 emplois de ses usines de Rumilly (Haute-Savoie) et de Tournus (Saône-et-Loire) qui fabriquent notamment les poêles Tefal. Une « casserolade » avec plusieurs centaines d'employés avait été organisée mercredi à quelques pas de l'Assemblée. « On est rassuré que la science et la raison l'aient emporté aujourd'hui dans l'hémicycle », a déclaré à l'AFP une porte-parole du groupe

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Agir au niveau européen

Comme Gabriel Attal mercredi, le ministre de l'Industrie Roland Lescure a défendu dans son propos introductif la nécessité d'agir au niveau européen pour interdire l'usage de certains PFAS, en prenant appui sur le règlement européen sur les produits chimiques Reach.

« Des restrictions ont déjà été mises en place (en Europe) et des interdictions seront prônées, prononcées dans de brefs délais », a argumenté le ministre, en écartant en revanche l'idée d'une interdiction générale. En particulier le polytétrafluoroéthène (PTFE) qui est utilisé pour les poêles « est très vraisemblablement un des PFAS qui sera jugé comme non dangereux » par l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), a-t-il plaidé.

Le rapporteur Nicolas Thierry a, lui, rappelé le caractère « massif » de l'exposition aux PFAS, et le « sérieux risque pour la santé » qu'elle représente, en soulignant que le projet de restriction au niveau européen est « nécessaire » mais « pas suffisant ». Il a rejeté une stratégie consistant à distinguer entre « bons » et « mauvais » PFAS, soulignant que la persistance des polluants éternels « suffit pour les classer comme des substances préoccupantes ».

Une « campagne nationale exploratoire des PFAS »

Parmi les autres mesures du texte adoptées dans l'hémicycle, l'application du principe pollueur-payeur avec une taxe visant les industriels qui en rejettent - malgré l'opposition du gouvernement. Ou encore l'obligation de contrôler la présence de PFAS dans l'eau potable sur tout le territoire.

La majorité a également fait adopter un article qu'elle avait ajouté en commission, qui prévoit la fin des rejets aqueux de PFAS dans les cinq ans.

(Avec AFP)