Pourquoi Airbnb se révolte contre l'amendement du Sénat

Par Mathias Thépot  |   |  777  mots
L'amendement du Sénat pourrait rogner les profits (illégaux) de la firme américaine en France.
Airbnb est vent debout contre un amendement du Sénat qui donne la possibilité aux grandes villes de mettre en place une procédure d'enregistrement du loueur. La plateforme y voit un frein à la dynamique de l'économie collaborative en France ... mais le situation est plus complexe.

Le Sénat aurait porté un coup de massue au modèle d'Airbnb en France en demandant une plus grande transparence aux plateformes de locations de courte durée dans les grandes villes. Il a en effet adopté un amendement du Groupe socialiste et républicains et apparentés qui dit qu'« afin d'assurer la traçabilité et une meilleure transparence des activités de location de locaux meublés pour de courtes durées, les communes (de plus de 200.000 habitants et celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ndlr) auront la faculté de mettre en place une procédure d'enregistrement du loueur ».

Plus concrètement, si la commune le souhaite, « une annonce ne pourra pas être mise en ligne sans avoir été enregistrée par la mairie », indiquent les auteurs de l'amendement. De quoi agacer profondément la firme de la Silicon Valley, déjà attaquée de toute part en Europe, et qui voit là une entrave à la liberté de ses utilisateurs. « Cela n'aura d'autre effet que de défavoriser les particuliers qui souhaitent louer leur logement de manière occasionnelle, au bénéfice de loueurs professionnels, rompus aux procédures administratives », s'est indigné Airbnb auprès de l'AFP. Dont acte.

Continuer à mettre des annonces illégales

Mais l'amendement du Sénat est surtout susceptible de limiter les profits de l'entreprise. Car si Airbnb est autant vent debout contre la mesure, c'est qu'elle « veut continuer à mettre en ligne des annonces illégales sur son site », assure un observateur avisé du marché de la location de courte durée. Ces annonces peuvent prendre la forme de locations de résidence principale pendant plus de 4 mois, de locations de résidence secondaire sans changement d'usage, ou bien de sous-locations non-déclarées aux propriétaires. A titre d'exemple, on dit qu'à Paris, 30.000 annonces en ligne sur ce type de plateformes seraient illégales. Avec davantage de transparence, nombre d'entre elles pourraient donc être mises hors ligne.

Airbnb souhaite donc garder le contrôle sur les attaques dont elle fait l'objet. Pour ce faire, la plateforme a notamment réussi à convaincre la mairie de Paris de l'associer pour cibler « les hôtes susceptibles de dépasser les quatre mois autorisés pour la location de leur résidence principale, ou ceux qui sont susceptibles de louer des logements qui ne sont pas leur résidence principal », et qui sont donc dans l'illégalité. Une manière d'éviter la mainmise des pouvoirs publics sur ses pratiques.

Quelle coopération ?

Mais ce n'est pas pour autant qu'Airbnb coopère pleinement. La capitale française souhaiterait par exemple que la plateforme bloque les annonces mises en ligne plus de 120 jours par an sur son site, ce que la firme n'a pour l'instant pas explicitement accepté. Par ailleurs, si Airbnb se dit pour l'instant prête à informer ses propriétaires clients du droit en vigueur, il reste hors de question pour la plateforme de donner accès à ses fichiers aux autorités, notamment fiscales.

Mais la loi reste la loi. Et les grandes villes françaises, dans un contexte actuel de pénurie de logements, ne peuvent se permettre de voir leurs efforts de construction de nouveaux logements annihilés par le retrait de logements du parc ancien pour en faire des locations touristiques, aussi lucratives qu'elles soient.

Pas toutes les vertus

Ce comportement réticent d'Airbnb est, du reste, la preuve que la firme s'éloigne des valeurs d'amitiés et de partage qu'elle aime mettre en avant dans sa communication. Pourtant, la firme n'hésite pas à avancer à l'AFP que l'amendement du Sénat, « revient sur la promesse des pouvoirs publics de faire de la France une terre d'économie collaborative comme s'y était engagé le gouvernement en février dernier ». Un argument qu'il est toujours bon de ressortir à chaque offensive du législateur.

Mais l'économie collaborative n'a pas toutes les vertus qu'on lui prête souvent. Cette économie de services à la demande à travers des plateformes d'intermédiation numérique cache en réalité un idéal principalement mercantile, bien éloigné des notions d'intérêt général induites par le terme « collaboratif ».

D'ailleurs même Airbnb, qui a donc souvent mis en avant le développement d'une économie entre particuliers, communautaire, est dernièrement revenu à un discours plus honnête, par le biais d'une campagne de publicité mettant en avant les compléments de revenus avec des slogans comme « mon appart' aide à financer mon premier film » ou « ma chambre d'amis paie ma moto vintage ». Pas de collaboratif ici, mais un lien financier simple entre un fournisseur de service et un client...