Près d'un recrutement sur cinq jugé difficile par les employeurs

Par Grégoire Normand  |   |  747  mots
Dans l'industrie, les difficultés pour recruter s'amplifient. (Crédits : Reuters)
Les chefs d'entreprise interrogés par le ministère du Travail ont indiqué que la pénurie de candidats ou le manque d'adéquation étaient les obstacles les plus souvent rencontrés.

Manque de compétences, éloignement géographique, salaires trop bas, pénibilité du travail... les difficultés de recrutement sont multiples. Selon les chiffres du service de statistiques du ministère du Travail (Dares) publiés ce jeudi 4 juillet, 17% des recrutements ont été jugés difficiles par les employeurs interrogés. La pénurie de candidats, le manque d'adéquation entre les profils des candidatures et les exigences des recruteurs et les caractéristiques du poste relatives à la rémunération ou à son contenu sont les obstacles les plus couramment cités dans les enquêtes, sachant qu'ils peuvent se cumuler. Interrogé il y a quelques semaines par La Tribune, l'économiste de BPI, Baptiste Thornary, avait expliqué que :

Sur les freins à la croissance, ce qui a pris de l'ampleur, ce sont les difficultés de recrutement. Plus que jamais, c'est le frein numéro un cité par les PME. Avec ce ralentissement de la conjoncture, on avait commencé à constater des contraintes de demande ressortir parmi les réponses exprimées dans les précédents baromètres. Les difficultés de recrutement qui sont plutôt des contraintes d'offre progressent dernièrement. Ce phénomène a un vrai impact macroéconomique sur l'activité."

La baisse du chômage et le vieillissement de la population active pourraient encore accroître ces tensions. Ainsi, la part des 60-64 ans dans la population active a considérablement augmenté entre 2014 et 2018 passant de 27,1% à 33,5%. Le recul de l'âge légal de départ à la retraite a eu de fortes répercussions sur la participation des seniors au marché du travail.

Des ingénieurs et cadres de l'industrie très recherchés

Cette moyenne masque évidemment des disparités selon le domaine professionnel du métier. Dans le classement établi par les statisticiens du ministère du Travail, les ingénieurs et cadres de l'industrie représentent les profils les plus difficiles à trouver (33% des recrutements). Ils sont suivis par le personnel dans le domaine des matériaux souples, du bois ou des industries graphiques (29%) ou encore celui de l'informatique (29%). À l'opposé, la banque et les assurances (10%), le bâtiment et les travaux publics (10%) ou encore, les transports, la logistique et le tourisme (12%) sont les trois domaines qui souffrent le moins pour embaucher.

Par secteur, ce sont surtout les dirigeants dans l'information et la communication (29%), l'industrie et les services aux entreprises qui expriment le plus de difficultés (20%). À l'inverse, la construction (11%), l'hébergement-restauration (13%) ou encore les services financiers et immobiliers semblent moins confrontés à ce type de difficultés.

Des embauches ardues pour les travailleurs qualifiés et les contrats longs

Sans surprise, les résultats de l'enquête indiquent que les tensions de recrutement concernent avant tout les postes les plus qualifiés avec des contrats à durée indéterminée (CDI). Ainsi, 26% des recrutements de cadres ont été jugés compliqués contre 18% pour les professions intermédiaires et les employés qualifiés, 14% pour les employés non-qualifiés et 12% pour les ouvriers non qualifiés. Il existe également un écart significatif entre les CDI (20%) et les CDD courts (10%). La taille et les lieux d'implantation de l'entreprise, le déficit d'image, peuvent également accroître les difficultés des firmes pour embaucher.

"L'implantation de l'établissement complique les embauches en milieu rural et dans les communes de grande taille en dehors de Paris. L'isolement peut conduire à un manque de candidats sur le poste ou, à l'inverse, sur un marché du travail plus large, la concurrence d'autres entreprises peut rendre la tâche moins aisée", expliquent les auteurs de l'enquête.

D'autres motifs liés à l'établissement comme le budget non-garanti, le manque de temps ou le manque de moyen peuvent compliquer les processus d'embauche. Sur l'ensemble des recrutements jugés complexes, 3 sur 10 sont davantage liés à l'entreprise qui veut recruter.

Les recruteurs baissent leurs exigences ou modifient le profil de poste

Face à tous ces obstacles, les recruteurs adoptent des stratégies spécifiques. Parmi les leviers les plus souvent cités figure l'intensification des efforts de recrutement (56%) "mesurée par une sollicitation plus forte des canaux habituels ou un recours à d'autres canaux". L'assouplissement des exigences à l'égard du candidat est le second facteur cité par les répondants (34%). Enfin, 20% des recruteurs ont admis avoir modifié le poste pour attirer du monde. Cette modification peut passer par une redéfinition du contenu du poste, une hausse de la rémunération proposée ou la proposition d'un contrat plus attractif.