Le programme économique de Marine Le Pen appauvrira durablement la France, prévient le prix Nobel Jean Tirole

Par latribune.fr  |   |  960  mots
Jean Tirole
Le prix Nobel d'économie français Jean Tirole tire à boulets rouges contre le programme économique de Marine Le Pen, qui est selon lui "dissimulateur et non financé" et "appauvrira durablement notre pays". Par ailleurs, Emmanuel Macron a promis samedi à Marseille que, s'il est réélu, son Premier ministre sera "directement chargé de la planification écologique", afin d'aller "deux fois plus vite" pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

A une semaine du second de l'élection présidentielle, Jean Tirole sort du bois. Le prix Nobel d'économie français prévient les Français du risque pour l'économie française d'élire Marine Le Pen. Selon lui, le programme économique de la candidate RN est "dissimulateur et non financé" et "appauvrira durablement notre pays", a-t-il affirmé dans une tribune parue samedi dans La Dépêche du Midi.

"Liste à la Prévert"

"Le programme de Marine Le Pen est une liste à la Prévert de dépenses supplémentaires, largement sous-estimées à 68 milliards d'euros par an, financées à l'aide de recettes hélas en partie fictives", affirme le lauréat du prix décerné par la Banque de Suède en 2014.

Selon lui, les 16 milliards d'euros d'économies que Marine Le Pen dit vouloir faire grâce à des mesures sur l'immigration sont "un calcul qui repose sur du vent: toutes les études montrent que les immigrés ne coûtent quasiment rien en termes d'argent public, car les cotisations sociales de ceux qui travaillent compensent les coûts imputés à notre système de protection sociale".

S'interrogeant aussi sur comment la candidate d'extrême droite réalisera "8 milliards d'économies sur le fonctionnement de l'Etat", il estime, comme avant lui l'institut Montaigne, que "le coût de son programme de dépenses semble très sous-estimé".

La retraite à 60 ans mettra en faillite le système

"Redescendre l'âge de la retraite à 60 ans mettra en faillite notre système, avec des conséquences importantes pour les plus défavorisés", affirme Jean Tirole alors que la candidate du Rassemblement National veut réinstaurer cet âge de départ pour ceux qui ont commencé à travailler entre 17 et 20 ans.

Les propositions de Marine Le Pen ne permettront "ni de préparer l'avenir, ni de réduire les inégalités", d'après l'économiste qui prend pour exemple l'exonération d'impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans qui s'appliquerait aussi pour un haut diplômé "gagnant cinq fois le Smic".

Constatant que malgré une dette publique passée de 100% à près de 116% du PIB en raison de la crise sanitaire, la France n'a pas perdu la confiance des marchés, il anticipe que "le manque de prévoyance du programme de Marine Le Pen ne rassurera pas ces derniers, qui verront dans la France une version européenne de l'Argentine".

Frexit déguisé

Enfin, si Marine Le Pen "ne parle plus de quitter l'Europe et l'euro, son programme revient à s'asseoir sur les règles européennes et créera immédiatement une profonde crise de l'Union, avec des répercussions immédiates sur la crédibilité budgétaire de la France", prévient le prix Nobel pour lequel il s'agirait "d'un Frexit qui ne dit pas son nom".

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Macron promet un Premier ministre directement chargé de la planification écologique

Emmanuel Macron a promis samedi à Marseille que, s'il est réélu, son Premier ministre sera "directement chargé de la planification écologique", afin d'aller "deux fois plus vite" pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

"La politique que je mènerai dans les cinq ans à venir sera écologique ou ne sera pas", a-t-il lancé lors d'un meeting dans les jardins du Pharo, sous un soleil éclatant.

Devant quelques milliers de personnes, il a promis un "renouvellement complet" de sa politique, disant avoir "entendu" le message du premier tour où l'insoumis Jean-Luc Mélenchon, chantre de la planification écologique, a failli créer la surprise et accéder au second tour.

Proposition choc: Emmanuel Macron a promis un Premier ministre "directement chargé de la planification écologique", "appuyé par deux ministres forts".

Un "ministre de la planification énergétique", qui "aura pour mission de faire de la France la première grande nation à sortir du pétrole, du gaz et du charbon".

Et un ministre "chargé de la planification écologique territoriale" qui, dans un "agenda de décentralisation massive", va oeuvrer pour "changer nos moyens de se déplacer au quotidien", "réinvestir sur le fluvial et le fret ferroviaire", "accélérer la rénovation des logements, au moins 700.000 par an sur les 5 ans qui viennent", ou encore "agir pour la qualité de l'eau, de l'air, de l'alimentation".

"Ce message écologique du premier tour, nous devons aujourd'hui savoir lui donner une perspective nouvelle pour le 24 avril et les années qui viennent", a-t-il insisté, tout en défendant son bilan.

"Nous n'avons pas rien fait durant ces cinq années", a souligné M. Macron, citant notamment "Notre-Dame-des-Landes, Europacity, la Montagne d'or en Guyane, le Terminal 4 de Roissy". "Tous ces projets, qui les a arrêtés parce qu'ils n'étaient pas écologiques? C'est nous, pas eux!"

"Nous avons été deux fois plus vite que les deux quinquennats qui précédaient pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous les avons diminuées de 12% en cinq ans. C'est pour dire: l'inaction, pas chez moi!", a-t-il souligné.

"Mais ce que le Giec nous a encore dit, c'est que ça ne suffit pas, il faut aller deux fois plus vite. Vous savez quoi ? On va le faire", a-t-il ajouté, disant vouloir réconcilier deux angoisses, celle de ceux qui craignent une "planète plus viable" et celle de "ceux qui craignent un changement trop rapide".

"Je n'ai aucune envie de faire 5 ans de plus. Non, je ne veux pas les faire en plus, je veux complètement refonder. Je veux que ce soit 5 années de renouvellement complet", a-t-il souligné.

Attaquant son adversaire du second tour Marine Le Pen - "même incompétente, elle est climatosceptique" - il a lancé aux militants: "ne sifflez pas l'extrême droite, battez-la le 24 avril."

(avec AFP)