L'ensemble des analystes en conviennent: l'inflation va continuer de grimper tout au long de 2022, et toucher aussi de plus en plus les produits alimentaires. Les prévisions les plus optimistes tablent sur +4% à la fin de l'année. Mais des scénarios bien plus pessimistes commencent à voir le jour.
C'est le cas de ceux publiés le 13 avril par Asterès. Le cabinet de conseil économique estime que, malgré les incertitudes concernant l'impact de la guerre en Ukraine sur la production et les exportations de Kiev, ainsi que sur les restrictions à l'exportation de la Russie, elle "devrait conduire à un choc important sur les prix de l'alimentation" non seulement au niveau mondial, mais aussi en France.
Les ménages les plus modestes davantage affectés
Cet impact, qui se fera sentir plus tard dans l'année, en raison du décalage temporel entre les variations des prix des matières premières alimentaires et ceux pratiqués par les industriels et les distributeurs de l'agro-alimentaire, pourrait impliquer une inflation alimentaire allant jusqu'à 10% en 2022, si la France devait suivre le rythme des Etats-Unis.
En fonction aussi des choix des entreprises de l'agro-alimentaire - entre reporter leurs hausses de coûts sur le client final ou bien réduire leurs marges -, l'inflation pourrait être contenue à 6% (comme lors de la crise alimentaire de 2007 et 2008), voire à 4%, calcule le cabinet.
L'impact sur le pouvoir d'achat des ménages français serait de -1,1% selon l'hypothèse la plus pessimiste, de -0,7% selon le scénario médian et de -0,4% selon le scénario le plus optimiste. Mais l'effet serait bien plus fort pour les ménages modestes que pour les ménages aisés: leur pouvoir d'achat serait amputé respectivement de 2,1%, de 1,3% et et de 0,9%.
La baisse de la TVA captée surtout par les entreprises
Or, la proposition de supprimer la TVA sur les produits alimentaires de première nécessité, formulée par Marine Le Pen, est non seulement incompatible avec les traités de l'Union européenne. Mais encore, elle ne soulagerait que très modestement ces ménages les plus précaires, selon Astères. La candidate à la présidentielle n'ayant pas précisé les produits qui seraient concernés par la mesure, le cabinet en a estimé l'impact sur le pain et les aliments à base de céréales, le lait, le fromage, les œufs, les huiles et les graisses, les fruits et les légumes.
Il conclut que si un passage de la TVA de 5,5% à 0% se répercutait intégralement sur les prix, les ménages français économiseraient en moyenne 133 euros, avec une progression de leur pouvoir d'achat de 0,3%. Les ménages les plus modestes gagneraient, eux, 90 euros, et leur pouvoir d'achat profiterait d'une amélioration de 0,7%.
Une mesure coûteuse pour un effet dérisoire
Mais l'histoire montre qu'en cas de baisse de la TVA, sa plus grand part est captée par les entreprises et leurs salariés, avec comme conséquence un impact réduit sur les prix de vente, rappelle Astères. Le cabinet cite notamment une étude de l'Insee, étant parvenue à cette conclusion à propos de l'effet en 2015 de la baisse de la TVA dans la restauration décidée en 2009, permettant d'estimer que seulement 10% d'une baisse de la TVA des produits alimentaires bénéficiera effectivement aux consommateurs.
Selon cette hypothèse, le gain de pouvoir d'achat moyen serait alors de 13 euros, soit de 0,03 % par ménage. Pour les ménages les plus modestes, il serait de 9 euros et 0,07%. Les ménages les plus aisés gagneraient moins en pouvoir d'achat (0,02%), mais davantage en euros (19 euros).
Le versement d'une aide directe, plus efficace ?
L'impact serait donc dérisoire par rapport au coût de la mesure, estimé par Marine Le Pen entre 3,5 et 4 milliards d'euros, et par Astères à 3,8 milliards d'euros.
Alors que si une telle somme était versée directement aux 10% des ménages les plus modestes, ces derniers bénéficieraient d'une hausse de leur pouvoir d'achat de plus de 10%, suggère le cabinet. Une solution qui n'est pas sans rappeler les chèques alimentaires proposés par Emmanuel Macron, dont le modèle reste toutefois encore indéfini et discuté.
Lire: Alimentation durable pour tous : les chèques alimentaires sont-ils la solution?