Promesses de Macron : le déficit de la France restera sous les 3%, affirme l'Élysée. Vraiment ?

Par latribune.fr  |   |  1046  mots
Pour enrayer la crise des "Gilets jaunes", Emmanuel Macron a fait des annonces en faveur du pouvoir d'achat qui pourrait coûter « entre 8 et 10 milliards d'euros ». Si l'Elysée ce matin déclarait que le déficit resterait sous la barre des 3%, le président de l'Assemblée, Richard Ferrand, n'était pas du même avis. (Photo : le prédisent Macron en conférence de presse lors du Sommet des chefs d'Etat du 24 juin 2018 à la Commission européenne, à Bruxelles) (Crédits : Reuters)
Pas de danger, la France ne risque pas, comme l'Italie, de sanction de la part de l'Union européenne pour dépassement des critères de déficit public autorisé. Après les annonces du président, hier soir à la télévision, en faveur du pouvoir d'achat des Français, la maîtrise des dépenses est confirmée, assure-t-on au palais présidentiel, il y aurait même de la marge. Mais pour le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand ce matin sur RTL, il va sans doute falloir creuser le déficit...

A 2,8% du produit intérieur brut en 2019, l'objectif initial de déficit public est fragilisé par les annonces faites depuis plusieurs semaines par l'exécutif, laissant planer le doute sur la capacité de la France a le maintenir comme prévu sous la limite européenne de 3%.

Pourtant, au lendemain de l'allocution télévisée du président de la République et de ses nouvelles promesses en faveur de pouvoir d'achat pour éteindre la crise des "Gilets jaunes", la France ne remet pas en cause son objectif de maîtrise de la dépense publique. Et l'objectif initial de déficit public pour 2019 -hors CICE- "laisse un peu de marge" pour la construction du budget affirme-t-on du côté de l'Élysée.

"Entre 8 et 10 milliards d'euros" de dépenses supplémentaires

A l'annulation de la hausse de la taxe sur les carburants se sont ajoutées lundi les mesures dévoilées par le chef de l'Etat, dont une hausse de 100 euros net de la rémunération des salariés au niveau du smic, financée sur fonds publics, et l'annulation de la hausse de la CSG pour certains retraités.

Au total, cela coûterait « entre 8 et 10 milliards d'euros », a déclaré lundi soir sur BFMTV, après la prise de parole présidentielle, Olivier Dussopt, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des comptes publics.

La prévision de déficit public pour 2019 hors impact du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) - compté deux fois l'an prochain - était de 1,9%, loin de la barre des 3%. Mais c'est bien l'ensemble du déficit public, et non le déficit corrigé de cet impact exceptionnel en 2019, qui est normalement pris en compte par l'Union européenne pour s'assurer du respect des règles de finances publiques.

> Lire aussi : Smic, CSG, heures supp : une opération déminage à 10 milliards pour Macron

"Il va sans doute nous falloir creuser le déficit" (Richard Ferrand, LREM)

La France va devoir "sans doute creuser le déficit" public, de manière "strictement temporaire", pour financer les mesures annoncées lundi par Emmanuel Macron face à la crise des "gilets jaunes", a estimé mardi Richard Ferrand, en assurant qu'il serait revenu sous les 3% du PIB en 2020.

Les mesures annoncées lundi par Emmanuel Macron sont "une accélération" de la mise en oeuvre de ce qui était contenu dans son programme présidentiel, a souligné le président de l'Assemblée nationale sur RTL, et "sur cette accélération, aujourd'hui il va nous falloir sans doute creuser le déficit pour pouvoir honorer ces engagements dans le terme qui a été fixé", a-t-il estimé.

Il a souligné que cette augmentation du déficit public ne serait "pas massive", et serait "strictement temporaire", car "la conversion du CICE en baisses de charges patronales, c'est pour une année", en 2019, et "l'année d'après, nous n'aurons pas cet effet d'accumulation des deux mesures et on retrouvera un rythme en dessous des 3%", a-t-il précisé.

Les "Gilets jaunes" convaincus ?

Ce mardi, pour éviter un Acte 5 samedi prochain, l'exécutif va tenter de convaincre que les annonces faites la veille par Emmanuel Macron répondent aux demandes des "Gilets jaunes", nombreux à se déclarer déçus et à vouloir poursuivre leur mobilisation.

Devant l'Assemblée nationale, Edouard Philippe devrait fixer les contours des principales mesures sociales énumérées par le chef de l'Etat: augmentation de 100 euros des salaires au niveau du Smic, exemption de la hausse de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2.000 euros par mois ou heures sup payées "sans impôts ni charges".

Qui en profitera, quand, et qui va payer ?

De nombreuses inconnues demeurent sur leur mise en application: qui est concerné ? A partir de quand ? Avec quels financements ?

"C'est le rôle du président de la République de fixer un cap et c'est le rôle du gouvernement de le mettre en oeuvre", a expliqué lundi soir Olivier Dussopt, le secrétaire d'Etat auprès du ministre des Comptes publics.

En Italie, le budget en faveur du pouvoir d'achat, retoqué par l'UE

En Italie, alors que le gouvernement a décidé de sortir de l'austérité et de redonner du pouvoir d'achat aux Italiens, l'appréciation de la situation semble bien différente.

Ainsi, pour la Commission européenne, le budget de relance du cabinet de Giuseppe Conte, qui prévoit de creuser le déficit l'an prochain à 2,4% du produit intérieur brut (PIB) contre 1,8% prévu cette année, constitue un "manquement particulièrement grave" aux recommandations de l'UE.

Or, le M5S et la Ligue au pouvoir estiment ce déficit nécessaire pour financer un "revenu de citoyenneté" pour les plus démunis, un système de retraites plus généreux et des baisses d'impôts.

En Italie, Beppe Grillo voit une convergence avec les Gilets jaunes

Par ses moyens d'expression, son côté inclassable politiquement et la diversité de ses revendications, le mouvement populaire français des "gilets jaunes" a parfois été comparé au M5S à ses débuts, même s'il manque d'un leader et de la structure qui ont fait décoller le parti italien.

Et de fait, Beppe Grillo, le fondateur du Mouvement 5 étoiles (M5S) en Italie, estime que les "gilets jaunes" français ont les mêmes aspirations que son parti antisystème... sauf sur l'essence dont il verrait d'un bon oeil le prix du litre passer à 4 euros.

"Les gilets jaunes ne parlent pas que des impôts, ils veulent un revenu minimum, des retraites plus élevées... Tous les thèmes que nous avons lancés, nous", explique M. Grillo dans un entretien publié dimanche par le quotidien "Il Fatto Quotidiano".

Ce comique italien à la crinière blanche et aux monologues enflammés est entré en politique en 2007 avec ses "Vaffanculo Day" (ou "Journée-va-te-faire-foutre"), de grandes manifestations contre la vieille classe politique.

Issu de cette rébellion, le M5S a raflé un quart des sièges aux législatives de 2013 avant de devenir le premier parti d'Italie avec 32,5% à celles de mars 2018 et d'accéder au pouvoir via une alliance avec la Ligue (extrême droite).

(Avec Reuters et AFP)