Référendum pour Notre-Dame-des-Landes... oui mais !

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  893  mots
L idée de François Hollande d'organiser un referendum local sur la construction de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes pose de graves questions de périmètre. (Crédits : Reuters)
L'idée de François Hollande d'organiser un référendum sur la construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes se heurte à d'importantes questions pratiques. Ainsi, comment déterminer la population concernée?

"Je demande au gouvernement, avec les élus locaux, qui partagent cette vision-là, d'organiser un référendum local pour qu'on sache exactement ce que veut la population".

Lors de son intervention jeudi soir sur TF1 et France 2, le président de la République a donc annoncé que, pour en finir une fois pour toute avec la polémique autour de la construction du nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes (Loire Atlantique), il convenait d'organiser un référendum local. Certes, c'est peut-être une bonne idée, mais est-elle si facile à organiser ? A voir...


Seule un collectivité locale peut organiser ce type de référendum

D'abord, il convient de savoir qui peut réellement prendre l'initiative d'organiser un tel référendum. Le Code général des collectivités territoriales précise que :


" L'exécutif local est seul compétent pour proposer à l'assemblée délibérante l'organisation d'un référendum portant sur un acte relevant de sa compétence (...). Seuls les électeurs, et non l'ensemble des habitants, peuvent voter. Les électeurs européens peuvent participer aux référendums organisés par leur commune(...). Le représentant de l'État peut s'opposer à tout projet de référendum organisé sur un objet ne relevant pas de la compétence de la collectivité organisatrice. Le projet soumis à référendum local est adopté si la moitié au moins des électeurs inscrits a pris part au scrutin et s'il réunit la majorité des suffrages exprimés".


Etant entendu que si cette dernière condition est remplie, le référendum vaut décision que la collectivité locale organisatrice doit juridiquement suivre. Dans le cas contraire, le référendum n'a alors que la portée d'un avis consultatif.
C'est donc très clair, ce n'est pas l'Etat central qui peut prendre l'initiative d'un référendum local, ce droit est réservé aux seules collectivités locales concernées. Mais alors, dans le cas de Notre-Dame-des-landes, quelle sera la collectivité locale qui prendra une telle décision ?

Mais quelle collectivité locale?

Six collectivité cofinancent le projet d'aéroport aux côté de l'Etat et du concessionnaire (Aéroport du Grand Ouest, filiale de Vinci Airports): la Région des Pays de la Loire, présidée par Bruno Retailleau (parti « Les Républicains »), la Région Bretagne, présidée par Jean-Yves Le Drihan (PS), le Conseil départemental de Loire-Atlantique, présidé par Philippe Grosvalet (PS), Nantes Metropole, Carene (intercommunalité autour de Saint Nazaire) et Cap Atlantique (intercommunalité de l'ouest des Pays-de-la-Loire).


Le projet de nouvel aéroport est présenté comme un « équipement de dimension interrégionale, à vocation internationale ». Aussi, logiquement, ce sont les électeurs des régions Pays de la Loire et Bretagne qui devraient être appelés à voter.
C'est, en tout cas, l'avis de Daniel Cohn-Bendit, opposé au projet, qui s'est dit favorable sur Europe 1 à ce projet de référendum : il faut que ça soit la Bretagne et les Pays de la Loire qui choisissent (...), puisque c'est pour cette grande région qu'on fait Notre-Dame-des-Landes ».
En revanche, le nouveau ministre de l'aménagement du territoire, Jean-Michel Baylet (PRG) s'est dit, à ce stade bien incapable de répondre : « Je ne sais pas encore [qui est concerné par le référendum], mais j'imagine que c'est l'ensemble de la population qui sera concernée ».

Certes, mais justement, comment comprendre l'expression « l'ensemble de la population qui sera concernée » ?

Emmanuelle Cosse, la nouvelle ministre écologiste du Logement a préconisé jeudi matin sur France Inter de saisir la Commission nationale du débat public pour déterminer le périmètre. En revanche, et c'est problématique car il est l'un des acteurs clés de cette affaire, Bruno Retailleau, président (" LR") de la Région des Pays de la Loire - dont fait partie la Loire Atlantique -  a dit son hostilité à ce projet de référendum. Cité par le quotidien « Le Monde », il a déclaré :

« L'annonce de ce référendum est caractéristique de la méthode Hollande. D'abord, alors que toutes les procédures ont été scrupuleusement respectées et que la justice s'est prononcée favorablement sur le transfert de l'aéroport, à travers plus de 150 décisions, le président de la République renonce à décider. Ensuite, il est évident que ce référendum est le prix d'un marchandage pour l'entrée des écologistes au gouvernement. »


Si la région Pays de la Loire refuse de co-organiser un tel référendum, on se demande alors quelle sera la valeur d'un résultat qui aura exclu une grande partie des populations concernées ?

L'effet "sparadrap du capitaine Haddock"

Le temps commence donc à être compté, d'autant plus qu'une phase d'expropriation d'habitants et agriculteurs résidant sur les futurs terrains de l'aéroport est susceptible de débuter fin mars. Alors, l'idée du président de la République est-elle bonne? Il va falloir régler les questions du périmètre du vote et du contenu de la question posée. Il va également falloir organiser des débats...Le tout à environ 12 mois de la présidentielle. A l'instar, actuellement, du débat mal embarqué sur la déchéance de la nationalité, le dossier Notre-Dame-des-landes risque alors de « coller » au président...comme le sparadrap du capitaine Haddock.