Réforme du Code du travail : que contiennent les ordonnances ?

Par latribune.fr  |   |  1238  mots
C'est la fin du suspense pour la réforme du Code de travail. Aujourd'hui, le gouvernement dévoile ses ordonnances.
L'heure est venue pour le gouvernement de dévoiler le contenu des ordonnances réformant le Code du travail. Indemnités prud'homales, primes, négociations au sein des TPE : que prévoient-elles ?

(Article publié le 31 août à 12h et mis à jour au cours de la journée)

Jour J pour le gouvernement. Les ordonnances tant attendues qui doivent réformer l'actuel Code du travail ont été présentées, dans un premier temps aux syndicats puis à la presse.

"Les cinq ordonnances se proposent de rattraper des années perdues, années de rendez-vous perdus. (...) Il aurait été plus simple et moins risqué de traiter les symptômes de notre mal plutôt que de les soigner", introduit Edouard Philippe, le Premier ministre venu dévoiler les cinq ordonnances.

Avant la présentation stricto sensu des ordonnances, Édouard Philippe a évoqué les grandes lignes du projet : le "développement massif du dialogue social dans l'entreprise et dans la branche" ; la "construction de vraies garanties pour tous (barèmes de dommages et intérêts notamment)", la "volonté d'apporter des solutions adaptées aux TPE et PME", soit la majorité des entreprises en France, le "renforcement de l'attractivité économique du territoire".

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Les cinq ordonnances devraient donner lieu à 36 mesures. Synthèse de ce qu'elles contiennent :

∎ Plafonnement des indemnités prud'homales

Le plafond de dommages et intérêts en cas de licenciement abusif, sera fixé à 3 mois de salaire jusqu'à deux ans d'ancienneté. Il augmentera ensuite jusqu'à 20 mois de salaire à partir de 30 ans d'ancienneté.

Dans les TPE, le plafond sera fixé à 15 jours et à un mois dans les autres entreprises. Il augmentera jusqu'à 3 mois avec l'ancienneté.

En contrepartie, les indemnités légales de licenciement seront augmentées de 25% d'un mois de salaire par année d'ancienneté, au lieu de 20% aujourd'hui.

Le délai de recours aux prud'hommes, quant à lui, sera limité à un an pour tous les types de licenciements. À savoir qu'aujourd'hui, il est fixé à un an pour les licenciements économiques et à deux ans pour les autres.

∎ La possible négociation des TPE sans syndicat

Les TPE de moins de 20 salariés pourront négocier avec un employé non élu et non mandaté par un syndicat. Selon le ministère du Travail, cette mesure est prise alors que les délégués syndicaux sont absents dans 96% des petites entreprises.

Dans les entreprises comportant entre 20 et 50 salariés, la négociation sera possible avec un élu du personnel non mandaté.

D'autres parts, les primes pourront désormais être négociées dans les entreprises, et ce quelle que soit leur taille. Celles d'ancienneté notamment étaient fixées jusqu'aujourd'hui par les branches. Les négociations en entreprise pourront aller plus loin encore puisque l'agenda social des négociations, le contenu et le niveau des consultations pourront également être discutés.

∎ Renforcement du rôle des branches

Les branches auront plus de marge de manœuvre. On note la possibilité de recourir aux CDD et CDI de chantier. Les branches pourront ainsi adapter la durée, le nombre de renouvellements et le délai de carence des CDD en fonction des particularités du secteur.

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∎ Un périmètre national en cas de plan social

Dans le cadre de difficultés économiques que rencontrera une multinationale souhaitant licencier dans sa filiale française, le juge ne pourra désormais prendre en compte le périmètre de l'Hexagone seulement et non plus l'échelle mondiale, comme jusqu'alors.

∎ Télétravail renforcé et sécurisé

Le gouvernement entend développer et sécuriser le télétravail, de plus en plus présent en France.

∎ Un référendum à l'initiative de l'employeur dans les entreprises de moins de 20 salariés

En l'absence d'élu du personnel, les patrons des entreprises de moins de 20 salariés pourront négocier directement avec les salariés avant de soumettre des accords à un référendum sur tous les sujets de négociation. Jusqu'alors, le recours au référendum était le monopole des syndicats minoritaires ( soit ayant obtenu au moins 30 % des suffrages des salariés aux élections professionnelles précédentes). Ceux-ci pouvaient alors demander aux salariés de se prononcer sur un texte refusé par les syndicats majoritaires.

∎ Accord majoritaire à 50% à partir du 1er mai

Pour être validés, les accords d'entreprise devront être approuvés par des organisations représentants 50% des voix, et non plus 30% comme aujourd'hui.

∎ Prise en compte de la pénibilité

Le gouvernement entend réformer le compte professionnel de prévention. Aujourd'hui, dix critères, en matière de pénibilité, permettent aux salariés de partir à la retraite plus tôt. Or, pour la ministre du Travail "certains critères sont inapplicables aujourd'hui". L'ordonnance 5 du gouvernement doit changer cela avec la suppression de la déclaration jugée "irréaliste" par Muriel Pénicaud afin de faciliter le départ à la retraite.

∎ Fusion des instances de représentation du personnel

Une instance unique nommée "comité social et économique" (CSE) remplacera et fusionnera le comité d'entreprise (CE), le CHSCT et les délégués du personnel dans les entreprises de plus de 50 salariés. "Un lieu pour discuter l'économique et le social", pour la ministre du Travail. La nouvelle structure devrait être habilitée à déclencher des actions en justice et solliciter des expertises; réunira en somme l'ensemble des missions des trois instances fusionnées.

La ministre du Travail a annoncé la possibilité de créer un "conseil d'entreprise", un "mode de dialogue social plus avancé, afin d'aller plus loin pour co-décider" à l'initiative des syndicats.

∎ Plus de clémence pour les vices de forme

Avec ces ordonnances, la sanction en cas de vice de forme lors d'un licenciement ne pourra excéder un mois de dommages et intérêts. Ce qui n'empêchera pas un examen du dossier sur le fond. 
Le gouvernement entend également lutter contre les erreurs de procédure en donnant accès, pour les employeurs et les salariés, à un formulaire-type indiquant les droits et devoirs de chaque partie lors d'un licenciement.

∎ Ruptures conventionnelles collectives

Par accord homologué par l'administration, les ordonnances donnent la possibilité aux entreprises de définir un cadre commun de départs volontaires. Aujourd'hui, les ruptures conventionnelles, qui donnent droit à l'assurance chômage, ne peuvent être conclues qu'individuellement.

∎ Code du travail numérisé

Il sera possible de consulter le Code du travail de manière numérique afin de simplifier les démarches.

Les ordonnances appliquées dès la fin du mois de septembre

Les cinq ordonnances seront présentées auprès de cinq organismes de consultation dans lesquels se retrouveront différentes représentations syndicales.

François de Rugy, le président de l'Assemblée nationale, a d'ores et déjà annoncé, dans un communiqué, de prochaines rencontres avec les syndicats des salariés et les organisations patronales d'ici la fin du mois. L'ex-écologiste passé sous le fleuron La République en Marche (LREM) a expliqué :

"Le rôle de l'Assemblée nationale sera de se prononcer sur la ratification des ordonnances présentées par le gouvernement, et d'engager une évaluation de leurs effets et de leur efficacité au fil du temps."

Les textes seront ensuite présentés en Conseil des ministres le 22 septembre et devraient entrer en vigueur dès la fin du mois de septembre.

(avec AFP)