Réforme du Code du travail : le "contrat de projet" existe déjà... en partie

La réforme du code du travail prévoira peut-être l'instauration d'un "CDI de projet", une vieille demande patronale. Il existe déjà actuellement un "CDI de chantier" réservé au BTP et un "CDD de mission". Ce dernier, bien que vivement réclamé par le Medef, ne rencontre pas un grand succès auprès des patrons.
Jean-Christophe Chanut
La future réforme du Code du travail prévoira sans doute l'instauration d'un "CDI de projet" très flexible. Cela reviendrait à ouvrir aux autres secteurs l'actuel "contrat de chantier" qui existe dans le BTP.

C'est mercredi 28 juin que le gouvernement examinera le projet de loi d'habilitation autorisant l'exécutif à recourir aux ordonnances pour réformer le Code du travail. Selon un document révélé par le quotidien "Le Monde" et dont "La Tribune" a également obtenu copie, ce texte relativement court comprendrait 9 articles, dont l'un relatif à l'instauration d'un « contrat à durée indéterminée de projet », une très vieille revendication patronale... Un "CDI de projet" se définit comme un contrat de travail dont l'issue survient automatiquement quand la mission, précisée à la signature du contrat, est accomplie. Pour l'entreprise, un tel contrat a le mérite de la souplesse, car il n'a en fait de CDI que le nom puisqu'un terme au contrat est préalablement déterminé...

Il y a fort à parier qu'à l'instar du plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif, l'instauration d'un tel CDI de projet, si le gouvernement persiste, va cristalliser l'opposition des syndicats qui vont hurler à la généralisation de la précarité.

Dans le BTP, le "contrat de chantier" existe déjà...

Quant au gouvernement, il aura beau jeu de rappeler que ce type de contrat existe déjà. Edouard Philippe, le Premier ministre, a d'ailleurs déjà commencé la semaine dernière sur BFMTV-RMC en avançant que  « ça existe déjà dans le bâtiment, ça s'appelle un contrat de chantier ».

De fait, parmi la trentaine de types contrats de travail qui existent en France, figure le "contrat à durée indéterminée de chantier" réservé au secteur du BTP. L'intérêt pour les entreprises de ce secteur d'y recourir est multiple. D'abord, il s'agit d'un CDI - même si cela est théoriquement contestable - ce qui signifie que l'employeur n'a pas à motiver sa conclusion, à la différence d'un CDD qui obéit à certains motifs de recours. Ensuite, ce contrat permet à une entreprise qui décroche un gros chantier de pouvoir se séparer « simplement » d'un salarié à l'issue de ce chantier si elle n'a pas la possibilité de le garder aux effectif. Le CDI de chantier n'a pas de terme précis (à la différence du CDD) et il peut être rompu en cours de chantier en cas de motif réel et sérieux, alors que le CDD, lui, sauf circonstances exceptionnelles, ne peut pas être rompu quelle que soit sa durée.

Dès la fin des années 1990, le CNPF (l'ancêtre du Medef) rêvait d'étendre ce contrat de chantier à d'autres secteurs, parlant d'un « contrat de mission » dont le motif réel et sérieux de rupture serait la fin de la mission. L'idée a régulièrement rejailli depuis, déclenchant à chaque fois un tollé. Pierre Gattaz, sous le gouvernement de Manuel Valls, a encore une fois évoqué ce CDI de mission, c'était même, selon lui, l'un des moyens pour parvenir à créer 1 million d'emplois... Manuel Valls y était sensible mais François Hollande avait fermé la porte.

... et le "CDD de mission" est prévu par le Code du travail

Il faut dire qu'un contrat très similaire existe déjà dans le... Code du travail - en l'occurrence pas aussi rigide que le disent certains - et il ne rencontre pas un succès phénoménal. Il s'agit du "contrat à durée déterminée à objet défini", plus couramment appelé "CDD de mission". D'abord créé à titre expérimental en 2008 par le gouvernement de François Fillon, le CDD de projet a été pérennisé par une loi de décembre 2014. Il permet à des entreprises d'embaucher des ingénieurs et cadres pour une mission précise comprise entre 18 mois minimum et 36 mois au maximum. Il peut être rompu de façon anticipée à la date anniversaire (18 ou 24 mois après sa conclusion) s'il existe un motif « réel et sérieux ». A l'issue du contrat, qui ne peut pas être renouvelé, le salarié percevra une prime de précarité égale à 10% de l'ensemble des sommes perçues durant la durée du contrat. Ce type de contrat peut être institué à la condition expresse qu'un accord de branche ou d'entreprise le prévoie.

Fortement réclamé par le Medef mais boudé par les entreprises

Or, alors que le Medef réclame toujours et encore davantage de flexibilité, curieusement, ce contrat n'a pas rencontré le succès attendu. Seule une trentaine de branches ont conclu un tel accord selon des données du ministère du Travail. Peut-être les patrons le trouvent-ils encore « trop rigide », puisqu'à la différence d'un éventuel CDI de projet, il donne droit, à son issue, au versement de la prime de précarité et, surtout, il est difficile à rompre en cours d'exécution. En outre, comme il s'agit d'un CDD, l'entreprise doit théoriquement justifier la raison pour laquelle elle y a recours.

Autant de verrous qui pourraient sauter donc si le "CDI de projet" était institué. La flexibilité serait alors quasi-totale... La CGT évoque déjà dans un communiqué la « fin du CDI pour tous ». En fait, on pourrait assister à la naissance d'un contrat hybride, mélangeant les règles du CDI et du CDD, ce que certains appellent le contrat unique.

Jean-Christophe Chanut
Commentaires 20
à écrit le 27/06/2017 à 9:07
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La politique de la France ne se fait pas à "la corbeille" disait De Gaulle. Elle ne devrait pas non plus se faire au siège du Medef qui n'est en fait qu'une officine de la "corbeille". Nous ne pouvons qu'aller au devant de graves problèmes si la fin...

à écrit le 26/06/2017 à 18:58
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L'essentiel n'est pas là, il se situe sur 2 points : 1) la volonté d'imposer l'entreprise (la filiale pour un groupe) comme lieu de négociation, au lieu de la branche de métier, ce qui donne un pouvoir fort (sinon abusif) des dirigeants de l'entrepr...

le 27/06/2017 à 9:20
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@Labete Les Français ont la nostalgie de la monarchie, la culture du chef, du sauveur. Capables de vénérer Pétain et De Gaulle...Le Pen ou Macron (éventuellement Mélenchon), de plus en plus incapables d'entrer en résistance contre les forces économi...

à écrit le 26/06/2017 à 18:16
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On peut rappeler que ce type de contrat "CDI de projet" a été appliqué en 2003 par Berlusconi avec la loi 30/2003 avec le nom "travail sur projet", entrée en vigueur au mois de septembre : - Le " travail sur projet " institue des " collaborateurs...

à écrit le 26/06/2017 à 15:57
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Les origines du mal ce sont les directives de Bruxelles et leur transposition en droit français qui font ...transpirer les rares travailleurs disposant encore d' un emploi dans l' hexagone . Comme le disait Bossuet, « Dieu se rit des pr...

le 26/06/2017 à 16:09
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Effectivement la loi travail est une conséquence directe de l' enfermement et de la soumission à la politique européo bruxelloise qui a ruiné l' emploi industriel, autorisé les travailleurs détachés à 2 sous et qui nous coûte ici 9...

le 27/06/2017 à 8:50
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@Ranvier "C’est la conséquence démentielle du dogme de la monnaie européenne. [9]" Dogme imposé par les Allemands qui veulent un €uro(Mark) fort, affaiblissant et siphonnant les économies de ses voisins.

à écrit le 26/06/2017 à 15:37
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En favorisant le Contrat de Projet au détriment du CDI, on est sûr que les responsables de projets ou les participants à des projets ne profiteront pas de l'expérience qu'une entreprise est susceptible d’acquérir au fil des années ; on est sûr que ce...

à écrit le 26/06/2017 à 15:34
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La réforme du code du travail prévoira peut-être l'instauration d'un "licenciement sec" pour les fonctionnaires, une vieille demande des français du privé. Il existe déjà actuellement un "CDI à vie" réservé au paresseux et un "CDD de glandeurs". Ce d...

le 26/06/2017 à 16:33
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" une vieille demande des français du privé" Parle en ton nom ce sera déjà pas mal.Et je bosse dans le privé , merci.

le 27/06/2017 à 8:56
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@Plabou En gros vous voulez un Etat désorganisé où la loi de l'argent, le diktat de l'économie, le fait du plus fort soient la règle. N'oubliez jamais que vous trouverez toujours sur votre chemin quelqu'un de plus fort que vous. Intellectuellement, ...

à écrit le 26/06/2017 à 15:18
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"CDD de projet a été pérennisé par une loi de décembre 2014" Et oui, le doigt dans l'engrenage des socialistes et bientôt la main avec REM et l'appui des LR. On peut noter que le sénat qui avait basculé de nouveau à droite a aussitôt déposé le ...

à écrit le 26/06/2017 à 15:02
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"s'il existe un motif « réel et sérieux " Et s'il y en a pas ,on peut en créér un de toute piece.

à écrit le 26/06/2017 à 14:57
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"Dès la fin des années 1990, le CNPF (l'ancêtre du Medef) rêvait d'étendre ce contrat de chantier à d'autres secteurs". C'était déja avec un Gattaz ,mais le père Yvon. "Qu'est-ce que tu veux faire mon fils, plus tard ? "Comme toi papa , supprime...

à écrit le 26/06/2017 à 14:42
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La souplesse existe deja.....recours aux indépendants, aux sociétés de service, a l intérim.....aux cdd....aux contrats de projet....et j en passe..... Ceci étant, une partie de ces formules ne permettent pas de conserver l employabilite des salarié...

à écrit le 26/06/2017 à 14:24
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Quand j'étais petit, je comprenais le CDI comme étant quelque chose à durée incertaine, qui pouvait se terminer du jour au lendemain sans prévenir : durée indéterminée. Sauf qu'en réalité, ça veut globalement dire "à vie". Un "CDI" de projet ? Ou...

le 26/06/2017 à 17:39
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"sinon d'être transformé encore plus en kleenex ? " D"après le gouvernement Macron, il parait que c'est cela la modernité.

à écrit le 26/06/2017 à 13:56
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La débilité en marche : il existe déjà ce qu'on appelle le portage salarial, qui permet à toute entreprise d'embaucher des cadres et des agents de maïtrise pour une mission . Le portage salarial est promu par différentes associations comme CTP (Compé...

le 26/06/2017 à 14:30
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En fait ca depend. Quasiment toutes les grosses societes utilisent en masse des SSII (type altran, alten ...) au point que dans certains servces de R&D 50 % de l effectif est externe. On est certes pas ici dans le strategique de haut niveau mais le k...

le 26/06/2017 à 15:32
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Pour M. CD. Oui, c'est vrai, mais généralment ces prestataires externes n'accèdent pas aux informations sur la fabrication des produits, les coûts, les clients, les fournisseurs etc. Ces de ces informations dont je parle.

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