Représentativité patronale : le recours du Medef rejeté par le Conseil constitutionnel

Par latribune.fr  |   |  764  mots
La réforme vise mesure l'audience des organisations patronales à l'aune du nombre d'entreprises adhérentes, sans pondérer ce chiffre par leur nombre de salariés ou leur chiffre d'affaire. Ce mode de comptabilité défavorise le Medef.
L'organisation patronale contestait les critères choisis par le gouvernement pour repartir les sièges dans les instances paritaires. Mais selon le garant de la Constitution l'égalité et le pluralisme ont été respectés.

Le Medef a été débouté. Le Conseil constitutionnel a rejeté mercredi 3 février un recours du Mouvement des entreprises de France, qui demandait l'annulation d'un décret sur la représentativité patronale prévoyant de mesurer le poids des organisations en fonction du seul nombre de leurs entreprises adhérentes.

Le Medef défavorisé par un décret de l'été 2015

Le juge constitutionnel avait été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) le 9 novembre par le Conseil d'Etat, lui même chargé de trancher un recours déposé par la première organisation patronale. Le Medef et les neuf fédérations professionnelles (telles que l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) ou la Fédération bancaire française (FBF)) ayant saisi ce dernier souhaitaient "l'annulation pour excès de pouvoir" d'un article d'un décret paru le 10 juin 2015, portant sur la mise en oeuvre de la réforme de la représentativité patronale, prévue par la loi du 5 mars 2014.

Cette réforme vise à mesurer l'audience des organisations patronales, nécessaire pour la répartition des sièges dans les instances paritaires et celle des fonds de financement du paritarisme, à l'aune du nombre d'entreprises adhérentes, sans pondérer ce chiffre par leur nombre de salariés ou leur chiffre d'affaire. Ce mode de comptabilité défavorise le Medef, qui représente principalement les grandes entreprises, par rapport à d'autres organisations patronales telles que la CGPME ou l'UPA (artisans).

"Un égal accès à la représentativité"

Après examen du dossier, le Conseil constitutionnel a "écarté les griefs" formulés par le Medef, estimant que les articles concernés étaient "conformes à la Constitution", a indiqué l'institution dans un communiqué.

"En prévoyant que l'audience de ces organisations se mesure en fonction du nombre des entreprises adhérentes, le législateur a entendu assurer un égal accès à la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs, quel que soit le nombre des salariés employés" ou "leur chiffre d'affaire", a estimé le Conseil.

"En fixant à 8% le seuil minimum d'audience permettant l'accès à la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs", le législateur a par ailleurs "entendu éviter la dispersion de la représentativité patronale et n'a pas fait obstacle au pluralisme", a-t-il jugé.

La CGPME et l'UPA se réjouissent

Contacté par l'AFP, le président de la CGPME François Asselin s'est félicité mercredi de la décision du Conseil constitutionnel, estimant que le Medef, dans son recours, n'avait pas été "très inspiré".

"Nous souhaitions que le nombre d'adhérents soit le seul critère pris en compte. Nous étions sur la bonne ligne", a-t-il assuré, tout en appelant à l'apaisement et à la "responsabilité".

"Les entreprises ont besoin d'un patronat soudé. Il ne faut pas qu'on se détourne de notre objectif, qui est de servir les entreprises", a-t-il déclaré.

"Les requêtes des représentants des grandes entreprises, sous des prétextes fallacieux, visaient en réalité à se voir confier de façon quasi-exclusive les sièges et les financements" attribués au patronat, a pour sa part estimé mercredi l'UPA, qualifiant la décision du Conseil constitutionnel de "revers cinglant" pour le Medef.

Le Medef joue l'apaisement

Dans un communiqué, le Medef a dit prendre "acte" du rejet de sa QPC, jouant l'apaisement. "Nous sommes des organisations responsables, et recherchons avec la CGPME les voies d'une prise en compte du poids des salariés, tout en conservant le critère du nombre des entreprises", a-t-il fait savoir. Le vice-président du Medef Alexandre Saubot a toutefois regretté la décision du Conseil lors d'une rencontre avec des journalistes:

"Dire qu'un garagiste qui emploie quatre personnes pèse le même poids dans la représentativité patronale que Renault, qui emploie plus de 100.000 personnes en France, ça m'interroge", a-t-il observé.

Le financement en cause

La question de la représentativité patronale anime les débats entre organisations d'employeurs depuis plusieurs mois, en raison notamment de la question de l'accès au financement du paritarisme. Les subventions du fonds paritaire qui alimente le dialogue social représentent environ 73 millions d'euros. Or, la loi prévoit qu'elle dépende, à partir de 2017, de la représentativité mesurée.

Face à la difficulté de mettre tout le monde d'accord, le gouvernement a fait voter un amendement durant l'été demandant aux organisations patronales de s'entendre rapidement sur les critères de répartition. Les discussions, malgré le recours introduit par le Medef, "sont toujours en cours", indique une source patronale, qui estime qu'un accord pourrait intervenir rapidement.

(Avec AFP)