Retraites complémentaires  : dernier round de négociations entre le patronat et les syndicats

Par latribune.fr  |   |  792  mots
Pourle président du Medef, Patrick Martin, « il n'est pas question que l'Agirc-Arrco devienne une variable d'ajustement pour les régimes gérés par l'Etat ». (Crédits : Reuters)
Les négociations syndicats-patronat sur les retraites complémentaires du privé (Agirc-Arrco) s'achèvent mercredi soir, avec l'espoir d'une revalorisation conséquente des pensions. C'est sans compter sur l'exécutif qui lorgne sur la cagnotte, 68 milliards d'euros de réserve, ce qui irrite fortement tous les partenaires sociaux.

Après plusieurs accords qui demandaient des efforts aux retraités, les caisses de l'Agirc-Arrco sont pleines : 68 milliards d'euros de réserve, soit près de dix mois de versements d'avance - sa règle d'or impose de conserver l'équivalent de six mois, sur un horizon de 15 ans. Que faire de cette cagnotte alors que le dernier accord-cadre quadriennal, conclu en 2019, arrive à échéance ? Trois organisations patronales (Medef, CPME, U2P) et cinq syndicats représentatifs (CFDT-CGT-FO-CFTC-CFE CGC) doivent absolument s'accorder sur les règles applicables au 1er novembre.

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Un dernier round des négociations qui s'annonce « difficile »

Le dernier round des négociations, ce mercredi, à 15 heures, entre le patronat et les syndicats, s'annonce « difficile » et « devrait se prolonger tard », selon le négociateur de FO, Michel Beaugas. Dans les faits, les syndicats réclament une hausse des retraites complémentaires comprise entre 5% à 5,2% au 1er novembre - équivalente à celle annoncée pour le régime général -, puis indexée chaque année sur l'inflation.

Sans donner de chiffres, la représentante du Medef Diane Milleron-Deperrois a souhaité « dissocier » l'année 2023 et la période 2024-2026. « L'inflation est un sujet nouveau », a-t-elle relevé, mais il faut « trouver les sous-indexations éventuelles, pour avoir un équilibre économique ».

Vers la fin du « malus »

Autre sujet de discussion, la disparition du malus. Instauré en 2019, il devait inciter les salariés à travailler un an de plus - à l'époque jusqu'à 63 ans - alors même qu'ils avaient atteint toutes les conditions légales pour partir. A défaut, ils voyaient leur pension amputée de 10% pendant trois ans. Un « bonus » était accordé pour deux à quatre ans de travail supplémentaire.

Plusieurs syndicats plaident par ailleurs pour « stopper le malus » des 700.000 personnes déjà parties avec la décote, une option rejetée par le patronat. La mesure coûterait entre 7,3 et 8,2 milliards sur 15 ans, selon le nombre de bénéficiaires.

L'exécutif menace de se servir dans les caisses

Les partenaires sociaux doivent surtout trouver une parade aux menaces de l'exécutif, qui réclame 1 à 3 milliards d'euros annuels au régime - d'ici 2030, après montée en charge progressive - pour participer au financement du relèvement des « petites pensions » prévu par sa réforme. Il entend sinon se servir dans les caisses. Au vu des excédents, « nous considérons normal qu'il y ait participation d'un retour à l'équilibre du système de retraite » global, a estimé le ministre du Travail, Olivier Dussopt, devant l'association des journalistes de l'information sociale (Ajis). Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) en cours « peut nous permettre d'avancer ».

« Il n'est pas question que l'Agirc-Arrco (...) devienne une variable d'ajustement pour les régimes gérés par l'Etat », a répliqué dans Les Echos le président du Medef Patrick Martin, inquiet de cet « interventionnisme ». « L'Etat voudrait mettre la main sur la gestion de l'Agirc-Arrco comme il l'a déjà fait en partie sur l'Unédic », mais « on a besoin de liberté des corps intermédiaires », a-t-il ajouté. « Nous entendons négocier indépendamment ».

Le Medef est en effet vigoureusement opposé au projet du gouvernement de prélever « 12 milliards d'euros dans la durée » sur les excédents de l'Unedic. Il est favorable au contraire à « des baisses de cotisations » sur les entreprises, « de la même manière qu'on a eu des hausses quand le régime d'assurance chômage s'est trouvé en déficit ». « Sur ces deux dossiers, c'est l'épreuve de vérité avec l'Etat quant à l'avenir du paritarisme de gestion auquel le Medef est viscéralement attaché », a prévenu le patron des patrons dans Les Echos. Syndicats et patronat « réfléchissent à des mesures de solidarité internes » pour les petites retraites, à hauteur de 350-400 millions d'euros annuels, a résumé Christelle Thieffinne (CFE-CGC). Mais si le gouvernement « vole » un milliard, a prévenu Pascale Coton (CFTC), « il mettra en péril le régime ».

Le patronat avait déjà eu du mal à accepter, fin août, que la suppression de la CVAE, un impôt de production, promise pour 2024, soit finalement étalée sur quatre ans. Le Medef se défend néanmoins d'en être « à la rupture ». Si les ponctions sur l'Agirc-Arrco et l'Unedic se concrétisent dans la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, « nous ne prendrons pas le maquis, mais nous serons amers », a ajouté Patrick Martin.  Et s'il a menacé que « la question se pose » pour le Medef d'assister à la conférence sociale du 16 octobre voulue par Emmanuel Macron, il a vite ajouté que « son pronostic est qu'on ira quoi qu'il advienne ».

(Avec AFP)