Comment aligner les régimes de retraites complémentaires avec la réforme tout juste entrée en vigueur ce 1er septembre ? Telle est la question à laquelle vont répondre patronat et syndicats, qui se retrouvent ce mardi. Les négociateurs de l'Agirc-Arrco ont une lourde responsabilité : leurs décisions engagent plus de 13 millions de pensionnés du privé. Et ces retraites dites complémentaires sont souvent non négligeables puisqu'elles représentent entre 30 et 60 % d'une pension d'un ancien salarié du privé.
Exit le malus
En 2019, lors de la dernière négociation, les partenaires sociaux s'étaient mis d'accord sur l'application d'un malus. Avec le décalage de l'âge de départ du fait de la réforme, cette décote temporaire interroge. En effet, destiné à inciter les salariés à rester dans l'activité, ce malus s'appliquait à ceux qui liquidaient leur retraite de base, alors même qu'ils avaient leur taux plein. Autrement dit, un salarié qui partait à 62 ans, à taux plein au régime général, avait, entre 62 et 65 ans, une pension complémentaire qui pouvait être minorée de 10 à 5% pendant trois ans. Cette décote n'allait jamais au-delà de 67 ans. Cette mesure avait à l'époque été imposée par le Medef, co-gestionnaire de l'Agirc-Arrco, avec les syndicats de salariés.
« Mais avec le report de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, cette incitation pour que les salariés travaillent plus longtemps ne se justifie plus », assurent les syndicats comme la CFDT ou FO. Surtout qu'en 2019, lorsque ce malus avait été mis en place, il avait pour objectif de régler, en partie, les difficultés financières du régime. Les partenaires sociaux avaient convenu qu'en cas de bonne fortune, il serait supprimé.
L'efficacité du dispositif en question
Surtout, pour les syndicats, cette décote n'a pas eu les effets escomptés. « A peine un tiers des personnes qui liquident leur retraite complémentaire ont cherché à rester un peu plus longtemps pour éviter de rogner le montant de leur pension. Ce n'est pas probant », analyse un proche du dossier. Selon nos informations, supprimer complètement ce malus coûterait 500 millions d'euros au régime par an. Soit une goutte d'eau, selon les syndicats, au regard des 90 milliards d'euros de pensions versées chaque année.
Et même si le patronat rétorque qu'il n'y pas de petites économies, selon nos informations, il est d'accord pour supprimer cette décote. Reste à voir à partir de quel moment précisément ce malus sera supprimé. D'ores et déjà, il est exclu - comme le demande la CGT - de rendre cette suppression rétroactive. L'abandon du malus ne concernera donc que les nouveaux retraités.
Par ailleurs, quid de la bonification accordée après deux ans de travail ? Car, dans la même logique que le malus, avait été instauré en 2019, par les partenaires sociaux un bonus pour ceux qui restaient en poste. Sera-t-elle maintenue ? A partir de quel moment ?
Vers un cumul-emploi retraite qui ouvre des droits
Autre sujet de discussion, qui promet d'animer les échanges, le cumul emploi-retraite. Aujourd'hui, il n'ouvre pas de droits à l'Agirc-Arrco. Avec la réforme qui vise à encourager ce dispositif, il devrait donner lieu à des cotisations. Si les syndicats applaudissent des deux mains, le patronat se dit favorable sur le principe mais pour des questions budgétaires, exclut d'aller trop loin. Où sera mis le curseur ? Tel va être l'enjeu des échanges.
Enfin, les négociateurs devront se prononcer sur la revalorisation du point d'indice, base du calcul des pensions. L'an dernier, avec l'inflation, syndicats et patronat avaient convenu d'augmenter de plus de 5,12 % le point, dès le 1er novembre 2022. Un coup de pouce apprécié par les intéressés après des années de hausse des pensions très contenue. Les comptes du régime étant dégradés, syndicats et patronat avaient pris, en effet, la décision, les années précédentes, d'augmenter les pensions mais en restant en deçà de l'inflation. En 2021, par exemple, le point avait gagné 1% alors que l'inflation était d'1,5%.
Le Medef prudent sur la revalorisation du point d'indice
Alors que la hausse des prix reste élevée, quelle sera cette année, l'option choisie ? Sachant que les comptes du régime sont revenus dans le vert. Avec la reprise post-Covid, l'Agirc-Arrco bénéficie de 66 milliards d'euros de réserve. « Reste que la conjoncture économique est fragile et incertaine, il convient donc d'être prudents », assure un membre du Medef. Sous-entendu, éviter deux années de suite de procéder à une augmentation de plus de 5%.
Quoi qu'il en soit, syndicats comme patronat doivent tomber d'accord cet automne. Tous savent que la négociation doit être rapide pour une mise en application de ces nouvelles règles au plus tôt. Ils savent aussi que la gouvernance et la gestion de l'Agirc-Arrco sont très regardées par le gouvernement. Aussi, tous ont-ils à coeur de trouver des compromis, loin de la main-mise politique.