Retraites  : le gouvernement chasse les voix des députés LR pour éviter le recours au 49.3

Par latribune.fr  |   |  1028  mots
L'exécutif met tous ses espoirs dans Les Républicains, pourtant particulièrement divisés à l'Assemblée, où les frondeurs jouent les trouble-fête. (Crédits : Reuters)
Le gouvernement a assuré dimanche qu'il ne voulait pas utiliser l'article 49.3 de la Constitution, c'est-à-dire une adoption sans vote, pour faire approuver par l'Assemblée nationale sa réforme des retraites. La chasse aux voix est donc ouverte avant le vote, jeudi, à l'Assemblée nationale après la convocation mercredi de la commission mixte paritaire.

Semaine décisive sur le front de la réforme des retraites. Le gouvernement va-t-il devoir engager sa responsabilité jeudi, à l'Assemblée nationale, faute d'avoir pu trouver une majorité pour voter le projet de loi ? « Nous ne voulons pas du 49.3. Nous voulons transformer notre majorité relative en une majorité absolue », a affirmé dimanche le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, à l'issue d'une réunion à Matignon avec la cheffe du gouvernement Elisabeth Borne et plusieurs ministres, dont Bruno Le Maire (Economie), Olivier Dussopt (Travail) et Gabriel Attal (Comptes publics).

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L'usage du 49.3 n'est pas totalement exclu

Mais « nous ne renoncerons pas à notre réforme », a-t-il précisé, laissant entendre que l'usage du 49.3 n'était pas totalement exclu. Ce « n'est pas notre piste aujourd'hui  même si cet article figure » par définition dans la Constitution », a affirmé sur France 2 Gabriel Attal.

Le patron du parti présidentiel Renaissance, Stéphane Séjourné, n'est pas non plus favorable au 49.3 et a estimé dans le JDD que la réforme « peut et doit avoir une majorité », appelant « en responsabilité » les Républicains à la voter. Olivier Dussopt et Gabriel Attal se sont dits, de concert dimanche soir, « convaincus d'avoir une majorité ». « Nous construisons cette majorité, député par député », a affirmé le ministre du Travail sur BFMTV, tandis que Gabriel Attal faisait valoir que « chaque voix en moins pour la réforme » serait « une voix pour plus d'impôts ».

Même s'il n'utilise pas cet outil constitutionnel, le gouvernement pourrait par précaution, dans un Conseil des ministres ordinaire ou extraordinaire, prendre cette semaine les dispositions légales permettant d'y avoir éventuellement recours, selon une source gouvernementale.

« Cela peut se jouer à deux-trois voix »

Dire qu'il existe une majorité au Parlement, c'est « la méthode Coué », a estimé le chef de file des sénateurs socialistes Patrick Kanner sur RMC. Il a souligné que 50 voix avaient manqué à la droite et au groupe centriste au Sénat pour voter la réforme, « une alerte non négligeable ». « Cela peut se jouer à deux-trois voix, dans un sens ou un autre », glisse un parlementaire.

L'exécutif met tous ses espoirs dans Les Républicains, pourtant particulièrement divisés à l'Assemblée, où les frondeurs, parmi lesquels le député Aurélien Pradié, jouent les trouble-fête. Maintenant « il faut que les LR du Sénat se mettent d'accord avec les LR de l'Assemblée », résume une source gouvernementale.

La Première ministre est montée en première ligne dès que le vote du Sénat a été acquis, tard samedi soir, par 195 voix contre 112. Elle a promis de mettre désormais toute son « énergie » pour « que ce texte soit voté ». « Il existe une majorité au Parlement » pour voter la réforme, veut croire Elisabeth Borne, à l'orée d'un scrutin autrement plus serré qui s'annonce à l'Assemblée.

La commission mixte paritaire (CMP) convoquée mercredi

Les débats parlementaires reprendront mercredi, avec la convocation d'une commission mixte paritaire (CMP) en parallèle d'une huitième journée de manifestations contre la réforme. Dans cette réunion, sept députés et sept sénateurs chercheront à s'accorder sur un texte de compromis. Le gouvernement n'y est pas présent, mais il peut tirer les ficelles. Elisabeth Borne, selon les informations de RTL, devrait d'ailleurs recevoir ce lundi les membres de la majorité qui font partie de cette commission.

Dans le meilleur des scénarios pour l'exécutif, si députés et sénateurs parviennent à un accord en CMP, celui-ci devra être validé jeudi 16 mars à partir de 09H00 au Sénat, puis 15H00 à l'Assemblée. Ce dernier vote, s'il est positif, vaudra adoption définitive par le Parlement.

Autre scénario mais moins probable : celui d'un échec de la commission mixte paritaire. La navette parlementaire qui s'ensuivrait serait enserrée dans un calendrier contraint, du fait du choix de l'exécutif de passer par un budget rectificatif de la Sécurité sociale. Le Parlement doit en effet se prononcer au total en 50 jours, soit d'ici le 26 mars à minuit, faute de quoi les dispositions de la réforme pourront être mises en œuvre par ordonnance par le gouvernement, prévoit la Constitution. Cela ne s'est jamais produit.

La CFDT s'en prend à Emmanuel Macron et son « bras d'honneur à la démocratie sociale »

De son côté, l'intersyndicale ne désarme pas. Compte tenu du niveau « inédit » des manifestations contre la réforme, utiliser le 49.3 « serait une forme de vice démocratique », a prévenu le patron de la CFDT Laurent Berger. Le leader syndical met surtout en garde contre le « ressentiment très profond » que l'adoption de la réforme pourrait susciter dans le monde du travail, jugeant que le refus par Emmanuel Macron de recevoir l'intersyndicale ressemble à un « incroyable bras d'honneur à la démocratie sociale ».

Néanmoins, la mobilisation faiblit. Plus d'un million de personnes ont manifesté samedi en France selon la CGT alors que les autorités ont dénombré 368.000 personnes dans les cortèges. Il s'agit du chiffre le plus faible avancé par la centrale syndicale depuis le début du mouvement social, inférieur aux 1,3 million de manifestants du 16 février.

Ce lundi, à la SNCF, la circulation sera « en nette amélioration lundi », mais restera perturbée sur la plupart des lignes. Pendant la journée, trois TGV Inoui et Ouigo sur cinq devraient circuler et le trafic sera « fortement perturbé » au niveau régional, avec un TER sur deux en moyenne. Le trafic sera normal sur la quasi-totalité du réseau de métro parisien lundi, mais le RER B restera perturbé.

Par ailleurs, trois usines d'incinération aux portes de la capitale, celles d'Ivry-sur-Seine, d'Issy-les-Moulineaux et de Saint-Ouen, sont par ailleurs à l'arrêt, expliquant les poubelles débordantes dans certains quartiers de la capitale, parfois alignées sur toute la largeur des trottoirs. Enfin, deux sénateurs de Haute-Loire, Alain Cigolotti (UDI) et Laurent Duplomb (LR), ont été privés d'électricité après que leurs contrats de fourniture d'énergie ont été résiliés à leur insu.

(Avec AFP)