S&P maintient la note de la France à « AA » malgré la hausse de la charge de sa dette

Par latribune.fr  |   |  906  mots
L'agence S&P Global a décidé de maintenir la note de la France à « AA », comme elle l'avait déjà fait en juin. (Crédits : Reuters)
Standard & Poor's a décidé de maintenir la note de la France à « AA », comme elle l'avait déjà fait en juin. Une bonne nouvelle pour le gouvernement. Une dégradation de sa note aurait pu provoquer une hausse du taux d'intérêt de sa dette déjà au plus haut depuis 2012.

Contre vent et marée, la note de la dette française tient... pour le moment. Ce vendredi, l'agence américaine S&P Global a décidé de maintenir la note de crédit de la France à « AA »  assortie d'une perspective négative. Comme en juin. S&P clôt ainsi les revues d'automne des grandes agences de notation pour la France. Elle suit la décision de Moody's qui a elle aussi maintenu la note de l'Etat français à Aa2 le 21 octobre. Mais là où Moody's attribue une perspective « stable » à sa note, S&P a une perspective négative.

S&P a maintenu en juin sa note de crédit sur la France alors que sa consoeur Fitch avait abaissé quelques semaines auparavant sa note d'un cran à "AA-", s'inquiétant alors du contexte politique et social - en pleine contestation de la réforme des retraires - susceptible de compliquer la réduction des dépenses publiques.

Lors de sa dernière révision fin octobre, Fitch a maintenu sa notation pour la France.

En revanche, fin avril, l'agence Fitch avait abaissé la note de la France d'un cran, à « AA- » en faisant état d'une « impasse politique » de nature à compliquer la tâche du gouvernement dans sa volonté de réformes, voire à encourager les dépenses.

Lire aussiDette de la France : le gouvernement face au verdict de Standard and Poor's

Un soulagement pour le gouvernement

La décision a de quoi réjouir le gouvernement qui voit la charge de sa dette augmenter. Un abaissement de la note par l'agence aurait en effet augmenté les intérêts d'emprunt français auprès des investisseurs. Et ce, alors que son taux à 10 ans est à 2,92% après avoir atteint 3,4% en novembre, soit un plus haut depuis 2012, suite à la hausse des taux de la Banque centrale européenne qui a porté son principal taux à 4% aujourd'hui, quand il était encore négatif début 2022. Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire avait par ailleurs noté, la semaine dernière sur Franceinfo, qu'une dégradation de la note de la France aboutirait à jeter encore « des milliards d'euros par la fenêtre » pour payer des intérêts de dette encore possiblement renchéris par les marchés.

Lire aussiLe spectre de la récession menace la zone euro en 2024

Mais ce dernier, s'était montré confiant avant la publication de l'agence. « Tout est possible, c'est eux qui décident. Mais je pense que nous avons apporté des arguments solides sur la crédibilité de notre détermination à baisser la dette, à ramener les déficits sous les 3% (du PIB, d'ici 2027, NDLR) et à tenir les dépenses publiques », a commenté ce vendredi le ministre de l'Economie sur France Inter. « Les dépenses publiques nous les réduisons, les déficits nous les faisons baisser et la dette publique nous accélérons le désendettement », a-t-il souligné, promettant pour 2023 d'atteindre un déficit public équivalant de 4,9% du PIB.

Des perspectives qui s'assombrissent

Si le ministre joue la carte du « tout va bien », l'économie française montre néanmoins des signes de faiblesse. La croissance du PIB tricolore a enregistré un léger repli (-0,1%) au troisième trimestre 2023.  L'OCDE a dégradé la prévision de croissance du PIB de la France en 2024 à 0,8% contre 1,2% auparavant. « Sur l'ensemble de l'année 2023, la France s'en sort pas si mal mais le vent est en train de tourner », confie à La Tribune Denis Ferrand, économiste et directeur général de Rexecode. « Les entreprises sont de plus en plus prudentes et le marché du travail ralentit », poursuit-il. En dépit de ce repli, le ministre de l'Économie a redit sur l'antenne de Radio France que le gouvernement maintenait son objectif de croissance du PIB de 1% en 2023 et 1,4% en 2024.

La crainte de la non-soutenabilité de la dette

Autre signal d'alerte, l'endettement public fait craindre un risque de non soutenabilité de la dette. Entre 2020 et 2023, les mesures de relance et d'urgence ont fait grimper la facture pour les finances publiques de 280 milliards d'euros selon l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Résultat, la France a atteint un niveau inédit d'endettement depuis la Seconde guerre mondiale à 112% du produit intérieur brut. En juin, S&P avait prévenu des « risques » sur l'exécution des objectifs budgétaires, et donc sur la capacité de réduire une dette de plus de 3.000 milliards d'euros dont le remboursement annuel deviendra le premier poste de dépenses de l'Etat en 2027, devant l'Éducation.

Ce fort endettement fait notamment courir des risques à court terme. Au printemps Fitch avait notamment pointé le risque d'un relèvement des taux sur la trajectoire budgétaire de Bercy. « La hausse des taux d'intérêt pourrait rendre la consolidation budgétaire encore plus difficile ». En dépit d'une maturité de long terme sur des titres de créance (8,3 ans en moyenne), « une part relativement élevée de la dette (15%) doit être remboursée dans les 12 prochains mois », a poursuivi la célèbre agence financière.

La France ne semble donc pas être sortie du bois. « Les réformes des retraites et du travail ont plu à l'agence de notation », relevait également Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management avant la publication de la note. « Le risque resterait d'une dégradation ultérieure », observait-il, en cas notamment d'une réduction de l'endettement pas assez rapide.

(Avec agences)