À quelques jours du verdict très attendu de l'agence de notation Standard & Poor's, le stress monte dans les couloirs de Bercy. Depuis plusieurs semaines, les ministres Bruno Le Maire (Economie) et Thomas Cazenave (Comptes publics) redoublent d'efforts pour assurer du « sérieux budgétaire » de l'exécutif. Dans les colonnes de La Tribune Dimanche, le duo du ministère des Finances assurent que « le quoi qu'il en coûte » est, cette fois-ci, fini.
« Nous sommes dans un monde nouveau, où l'argent est cher et où les taux d'intérêt sont élevés. Nous avons défini une trajectoire pour revenir sous les 3 % de déficit public en 2027 et accélérer ainsi le désendettement de la France », a ainsi insisté Bruno Le Maire.
Dans ce contexte explosif, les économistes du Cepremap (Centre pour la recherche économique et ses applications) estiment que les prévisions du gouvernement prévues dans le budget 2024 sont « optimistes ». Dans le projet de loi de finances, « l'endettement se stabilise en grande partie grâce à la croissance, pas à la réduction des déficits », taclent-ils.
La croissance du PIB ? « Sa prévision est très forte et elle est très riche en emplois, ce qui implique un fort ralentissement de la productivité. Si la France veut tenir ses objectifs de croissance, les entreprises devront accepter de réduire leurs marges. Or, il n'y a rien d'évident à cela », explique à La Tribune, François Langot, économiste et directeur exécutif de l'Observatoire de macroéconomie du Cepremap.
Pressé par la remontée des taux et la dégradation de la conjoncture économique, le gouvernement va scruter la notation de l'agence américaine vendredi prochain. Interrogé sur ce point, François Langot semble partagé :
« Le taux d'intérêt de remboursement de la dette reste celui d'un pays crédible. Mais une dégradation de la note de la France pourrait mettre à mal cette crédibilité. Certains acteurs financiers sur le marché sont très inquiets. Cela met la France sur le fil du rasoir. »
Des prévisions sur l'emploi très optimistes
Le chef de l'Etat a réaffirmé l'objectif du « plein-emploi » ces derniers jours. « Dans beaucoup de vos secteurs, on a encore beaucoup d'emplois non-pourvus alors qu'on est à 7% de chômage », a insisté Emmanuel Macron devant un parterre de patrons de PME et d'ETI conviés à l'Elysée le 21 novembre dernier.
« On voit qu'on est sur un plateau. C'est pas gagné encore, on n'est pas au plein-emploi », a-t-il ajouté, tout en se félicitant de cette baisse qui s'est produite alors même que « beaucoup de nos voisins qui étaient en bien meilleure situation stagnaient, voire avaient une situation qui se détériorait ». En parallèle, le taux de chômage - statistique calculée par l'Insee - a enregistré une légère hausse au troisième trimestre, à 7,4% de la population active en France (hors Mayotte), contre 7,2% au deuxième trimestre, marquant au mieux une pause dans la baisse, au pire une inversion de la courbe dans le mauvais sens.
Compte tenu de cette dégradation, François Langot estime que « si le PLF [projet de loi de finances, ndlr] avait été moins optimiste sur l'emploi, les prévisions macroéconomiques auraient été plus réalistes ». « La cible d'emploi est optimiste », ajoute l'économiste.
Le gouvernement compte sur « ses réformes structurelles comme les retraites ou l'assurance-chômage. Ces réformes peuvent avoir des effets sur le marché du travail, mais cela va prendre du temps », tempère l'économiste.
Désendettement : une crédibilité mise à mal ?
Dans la loi de programmation des finances publiques, adoptée la mi-novembre, le gouvernement projette de ramener le déficit public à 2,7% du produit intérieur brut et de baisser la dépense publique de 109,7% à 108,1% d'ici 2027, contre 111,8% en 2022. Mais de nombreux critères doivent être cochés pour parvenir à cet objectif. Pour l'instant, la conjoncture mondiale est très loin d'être favorable à l'exécutif. Le fort ralentissement de l'économie de la zone euro et le resserrement de la politique monétaire opéré par la BCE depuis juillet 2022 mettent la pression sur l'exécutif.
Dans leur note, les économistes du Cepremap soulignent que les prévisions du projet de loi de finances sont « incertaines », car elles reposent grandement sur des chocs non-contrôlés par le gouvernement. Les simulations réalisées par les équipes de chercheurs montrent que les chocs peuvent représenter jusqu'à 70% de la projection. A contrario, la politique macroéconomique de l'exécutif ne pourrait expliquer que 20% de la prévision de croissance du PIB. Autant dire que le pari de désendettement affiché par le gouvernement pourrait être difficile à tenir.