Sondage exclusif : des Français (presque) prêts à tout changer

Par Philippe Mabille  |   |  802  mots
(Crédits : Reuters)
Selon notre sondage exclusif Ifop-La Tribune-Europe 1-Public Sénat, intitulé « Réinventer la France », aux inquiétudes sanitaires succède un sentiment d’état d’urgence social et économique. La France d’après Covid-19 aspire à des transformations profondes des modes de vie. Boulot, conso, perso : le monde d’après commence aujourd’hui.

Si l'on se souvient bien, l'expression « monde d'après » est née dès le lendemain du confinement, le 16 mars dernier en France, et a rapidement fait le tour... du monde, concerné presque en même temps et saisi des mêmes peurs.

Notre sondage exclusif Ifop-La Tribune-Europe 1-Public Sénat, intitulé « Réinventer la France » tente d'identifier l'état et les attentes du pays après cette crise « inouie, inédite et hors norme », selon Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'institut Ifop.

Et de fait, pour une majorité, il y aura bien « un avant et un après », que ce soit dans la manière d'évaluer l'action des pouvoirs publics face à une crise à laquelle le pays était mal préparé, mais aussi dans l'organisation du travail (68%) ou la manière de consommer (60%). Même les relations avec les amis et les proches sont impactés pour 49%.

La crise a touché la sphère professionnelle comme la sphère intime et la vigilance demeure. Les mots clés qui ressortent spontanément du sondage sur l'état d'esprit du moment sont « prudence », « chômage », mais aussi « changement ». La peur est encore présente : 8 Français sur dix se disent capables de reprendre un confinement en cas de seconde vague dont 60% un confinement strict.

Si 54% des interrogés dit vouloir partir en vacances cet été, près de 1 Français sur deux choisit de rester à la maison. Même s'ils n'ont pas si mal vécu le confinement, on observe chez les Français une envie de changer de mode de vie, de travail ou de logement : c'est notamment le cas chez les jeunes, étudiants ou jeunes actifs, de façon générale chez les salariés concernés par le télétravail et chez les habitants des grandes agglomérations notamment la région parisienne confinés souvent dans de plus petites surfaces sans extérieur. Il n'est donc pas étonnant de constater un regain de dynamisme du marché immobilier, avec un souhait de quitter les grandes métropoles (35% veulent aller à la campagne), d'avoir un logement plus grand, moins cher et surtout ayant un balcon, une terrasse ou un jardin (38%).

« Les familles avec jeunes enfants ont été particulièrement affectées par les deux mois de confinement » relève Frédéric Dabi qui souligne que la recherche de flexibilité dans les conditions de travail devient une forte exigence pour le tiers des actifs, tout comme la demande de sens (37%) et de temps libre (28%).

Ce n'est pas la première fois que l'on entend la musique du « plus rien ne sera comme avant », relève le directeur général adjoint de l'Ifop. Cela a été le cas lors des attentats de 2015... Mais ces ruptures sont rarement suivies d'effets.

Cette fois, ce sera peut-être différent car selon l'Ifop, « l'envie personnelle de changements est nette », avec un effet d'accélérateur sur les façons de consommer et de produire. Les circuits courts, le « Made in France » sont plébiscités : 74% se disent prêt à « payer plus cher » un produit fabriqué en France dont 26% de 5 à 10% de plus.

Derrière la profonde inquiétude sur l'économie et l'emploi, priorités pour 9 Français sur 10, on constate la montée en puissance de trois thèmes : relocalisation des activités stratégiques, indépendance des approvisionnements sanitaires et alimentaires, protection de l'environnement. Rien d'étonnant à observer la  poussée des questions de souveraineté et d'écologie dans le débat public... Est-ce que ces tendances sont durables ? S'agit-il d'un changement « civilisationnel » ? C'est encore un peu tôt mais l'impact psychologique est réel.

Signe des temps, l'impact de la crise sur les mobilités est frappant : un Français sur 3 vouloir se déplacer à pied ou à vélo plutôt qu'en transports en commun (37%). Et même si la voiture individuelle reste incontournable, sans doute par obligation, pour 47%  d'entre eux faute de choix, la recherche d'une alternative est là, avec la montée de l'envie de posséder un vélo ou une voiture électrique, chez un quart des répondants.

Au final, notre sondage confirme l'observation de l'actualité : il y a au sortir de cette crise protéiforme, un désir de réinvention de soi  et de réinvention du pays, de réallocation des pouvoirs vers le local et de décentralisation. Un défi à relever d'ici 2022 pour les partis et les aspirants candidats à la prochaine présidentielle pour incarner ce désir d'avenir. Pas sûr qu'Emmanuel Macron, qui doit vouloir se réinventer lui-même, soit le mieux placé.

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