Taxer les CDD pour calmer les opposants au projet de loi travail

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  652  mots
Myriam El Khomri a évoqué une généralisation de la surtaxation des CDD. Une mesure partiellement mis en place en 2013 mais qui permet à l'Unedic de récupérer moins de 100 millions d'euros sur un budget annuel de... 35 milliards d'euros
Au lendemain des premières manifestations contre son projet de loi, Myriam El Khomri évoque une possible taxation supplémentaire des CDD pour calmer les esprits. Or, une nouvelle sur-cotisation patronale à l'assurance chômage relève non pas du gouvernement mais des partenaires sociaux.

L'opération déminage continue après le succès d'estime rencontré mercredi 9 mars par la première journée de mobilisation contre le projet de loi El Khomri (entre 224.000 et 500.000 manifestants selon les sources).  La ministre du Travail Myriam El Khomri a estimé ce jeudi sur France Info qu'il fallait "entendre les critiques" et les "incompréhensions" sur son projet.

Vers une taxation des CDD?

Invitée à dévoiler les pistes retenues par le gouvernement pour faire évoluer le texte, qui sera présenté le 24 mars en conseil des ministres, la ministre a confirmé qu'une nouvelle piste - déjà avancée par différents médias - était "sur la table": la surtaxation des CDD, via une augmentation de la cotisation patronale d'assurance chômage. Une déclaration étonnante car cette question des CDD n'était absolument pas prévue dans le projet de loi... Une belle façon de botter en touche. Et pour cause, il s'agit d'un sujet relevant des seuls partenaires sociaux dans le cadre de la renégociation actuellement en cours de la convention assurance chômage.

Mais pour la ministre, cette question "a un lien avec le projet de loi parce qu'elle vise à réduire la précarité", estimant que la surtaxation de certains contrats courts adoptée en 2013 n'avait pas eu "l'effet escompté". Certes, mais, étrangement, ce sujet n'était initialement absolument pas envisagé par le gouvernement...

De fait, selon une note du Conseil d'analyse économique, 70 % des embauches en contrat court... sont des réembauches chez un ancien employeur. Et cela coûte très cher à l'Unedic. Le constat est sans appel. Entre 2000 et 2014, le nombre des contrats à durée déterminée (CDD) de moins d'un mois ont progressé de...146%. Autres données très parlantes : la durée moyenne d'une mission d'intérim est passée d'un peu plus d'un mois dans les années 1980 à... un peu moins de deux semaines en 2011 quand celle des CDD a été divisée par trois pour s'établir à environ cinq semaines.

Une mesure partiellement en place depuis 2013

Certes, comme le souligne la ministre du Travail, depuis la loi du 14 juin 2013, le taux de contribution patronale d'assurance chômage (4%) est modulé en fonction du type de contrat de travail et de sa durée. La contribution est ainsi majorée pour les CDD courts de moins de trois mois. La majoration varie entre 0,5 et 3 points selon le type de contrat. Mais des pans entiers des contrats courts sont exonérés de cette majoration, tels les emplois saisonniers et les contrats d'intérim. Résultat, l'Unedic récupère moins de 100 millions d'euros sur un budget annuel de... 35 milliards d'euros. Cette question de la surtaxation de l'ensemble des contrats courts sera en effet l'un des éléments clés de la négociation. Une question notamment portée par le syndicat Force Ouvrière.

Par ailleurs, interrogée sur le possible abandon par le gouvernement de l'allongement du temps de travail des apprentis dans le cadre de sa réforme, la ministre a confirmé que "retirer" cette disposition était aussi une piste "sur la table".

"Aujourd'hui  la possibilité de travailler 40 heures existe déjà avec une autorisation de l'inspection du travail", a rappelé Myriam El Khomri. "Ce qui était proposé dans le projet de loi, c'était de rester à droit constant et de passer à un régime de déclaration (...) de changer le procédure administrative", a-t-elle détaillé, reconnaissant que cela avait "provoqué en effet des questionnements légitimes".

Alors que d'autres manifestations sont attendues, le gouvernement fera lundi 14 mars un "bilan" de ses rencontres bilatérales avec l'ensemble des organisations patronales et syndicales sur le projet de loi. On en saura alors davantage sur les évolutions apportées au texte initial, sachant que François Hollande et Manuel Valls ne sont pas exactement sur la même longueur d'onde sur ce sujet...

(Avec AFP)