Assurance chômage : vers un bonus/malus sur les cotisations patronales ?

Le Conseil d'analyse économique préconise de lutter contre la multiplication des contrats courts qui ont explosé depuis 15 ans. Pour ce faire, il faudrait revoir les règles permettant de cumuler une allocation chômage avec un revenu tiré d'une activité réduite. Mais, surtout, il faudrait moduler les cotisations patronales des entreprises en fonction de leur coût pour l'assurance chômage.
Jean-Christophe Chanut
Des économistes préconisent de moduler les cotisations patronales à l'assurance chômage en fonction du coût induit par chaque entreprise pour l'assurance chômage.

Instaurer un mécanisme de bonus/malus sur les cotisations patronales à l'assurance chômage en fonction du comportement des entreprises face à l'emploi ? L'idée est assez ancienne et elle n'a jamais abouti. Mais deux économistes ont décidé de relancer le débat pour lutter contre l'explosion des contrats courts. De fait, le constat est sans appel. Entre 2000 et 2014, le nombre des contrats à durée déterminée (CDD) de moins d'un mois ont progressé de...146%. Autres données très parlantes : la durée moyenne d'une mission d'intérim est passée d'un peu plus d'un mois dans les années 1980 à... un peu moins de de deux semaines en 2011 quand celle des CDD a été divisée par trois pour s'établir à environ cinq semaines.

Les effets pervers de l'assurace chômage

Le phénomène des contrats courts explose donc en France. Quel est l'origine du mal et comment y remédier ? C'est à ces questions que se sont attelés deux économistes Pierre Cahuc et Corine Prost dans une note publiée sous l'égide du Conseil d'analyse économique (CAE). Pour eux, l'origine du mal réside dans le système français d'indemnisation du chômage. Il est en effet possible en France pour inciter à la reprise d'un travail de cumuler une allocation chômage avec un salaire tiré d'une activité réduite. Certes, l'intention est bonne puisqu'elle permet à un chômeur de ne pas se couper du monde du travail et de faciliter ainsi une insertion ultérieure durable sur le marché du travail. Mais cette règle du cumul allocation chômage/ rémunération a aussi un effet pervers car elle favorise l'alternance de courts épisodes d'emploi et d'inactivité pour prolonger l'indemnisation.

Les entreprises, avec la complicité en général subie des salariés, ont très bien compris qu'elles pouvaient optimiser leur gestion du personnel peu qualifié en se défaussant sur l'assurance chômage. En d'autres termes, elles utilisent cette main d'œuvre sur des plages horaires les plus courtes possibles, via des CDD très courts puis s'en délestent... puis réembauchent en CDD court quand elles en ont de nouveau le besoin. Pour preuve, selon la note du CAE, 70% des embauches en contrat court... sont des réembauches chez un ancien employeur.

Du côté des salariés, certains peuvent trouver un avantage à ce système en alternant de courts épisodes d'emploi et d'inactivité pour prolonger l'indemnisation. En effet, chaque nouvelle période de travail donne droit à une nouvelle période d'indemnisation. Or, en période de crise où l'emploi stable est rare, c'est un mode de survie. D'autant plus que les règles en vigueur sont assez favorables : quand un chômeur indemnisé exerce une activité partielle, son allocation chômage est réduite et ces allocations économisées, non versées à l'allocataire, sont reportées à la fin de la période d'indemnisation. Les jours travaillés ouvrent aussi, on l'a dit, de nouveaux droits à indemnisation. Ainsi, l'indemnisation peut devenir quasi indéfinie.

Modifier les paramètres de l'indemnisation

Mais, selon l'étude, le mécanisme est mal calibré : pour un même salaire mensuel, un salarié bénéficie d'une allocation deux fois supérieure s'il travaille à temps plein pendant 15 jours que s'il travaille à mi-temps pendant tout le mois.

"Le système incite à reprendre des activités fractionnées pour allonger indéfiniment la durée d'indemnisation, pas à sortir plus vite du chômage", estime Pierre Cahuc.

Ce faisant, selon l'étude, « l'assurance chômage a tendance à soutenir le développement des contrats courts »... Et tout le monde - employeurs et salariés - y trouvent son compte... sauf les finances de l'assurance chômage qui perd environ 4 milliards d'euros par an. Sa dette cumulée devrait atteindre 25,9 milliards d'euros en fin d'année.

Et ce sont 1,2 million d'allocataires par mois qui bénéficiaient en 2013 du dispositif de cumul d'une allocation chômage avec un revenu liée à une activité réduite. Pis, 760.000 personnes alternent depuis cinq ans une période d'emploi et de chômage.

Aussi, les auteurs préconisent de rendre les allocations "moins généreuses pour les contrats courts", en changeant de mode de calcul Celui-ci ne se baserait plus sur le "salaire journalier moyen" des périodes travaillées, mais sur le "revenu moyen mensuel", ce qui reviendrait à prendre en compte les périodes chômées.

Ils recommandent aussi de "rendre le cumul allocation chômage et salaire plus rémunérateur".

Faire cotiser davantage les entreprises qui coûtent cher à l'assurance chômage

Mais la note estime qu'il faut également responsabiliser les entreprises en modulant les cotisations patronales à l'assurance chômage en fonction du coût induit par l'entreprise pour l'assurance chômage. En effet, les auteurs constatent que :

« Lorsque les cotisations pour l'assurance chômage ne dépendent que du salaire, les entreprises qui utilisent beaucoup d'emplois courts infligent un coût à l'assurance chômage, parce qu'elles cotisent peu par rapport aux dépenses qu'elles génèrent du fait des indemnités versées à leurs salariés devenus demandeurs d'emploi ».

Alors, certes depuis la loi du 14 juin 2013, le taux de contribution patronale d'assurance chômage (4%) est modulé en fonction du type de contrat de travail et de sa durée. La contribution est ainsi majorée pour les CDD courts de moins de trois mois. La majoration varie entre 0,5 et 3 points selon le type de contrat. Mais des pans entiers des contrats courts sont exonérés de cette majoration, tels les emplois saisonniers et les contrats d'intérim. Résultat, l'Unedic récupère moins de 100 millions d'euros sur un budget annuel de... 35 milliards d'euros. Pierre Cahuc et Corinne Prost préconisent donc d'aller beaucoup plus loin en s'inspirant du modèle en vigueur aux États-Unis.

Pour les auteurs, chaque entreprise devrait disposer d'un compte qui enregistre ses cotisations et les sommes versées aux demandeurs d'emploi provenant de cette entreprise. Le taux de cotisation est alors modulé selon le solde du compte : il croît lorsque le rapport entre les cotisations et les sommes versées diminue, et inversement.

Ce dispositif de bonus/ malus est un vrai serpent de mer lors de chaque renégociation de l'assurance chômage. Mais le patronat est très divisé sur ce point. Si la métallurgie qui emploi principalement des CDI relativement stables y est assez favorable. D'autres secteurs, comme certains services et la grande distribution, grands consommateurs de contrats précaires, s'y opposent formellement ... Sans parler des entreprises d'intérim.

Jean-Christophe Chanut
Commentaires 19
à écrit le 09/10/2015 à 16:48
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Concernant le chômage et les résultats minables de la France en termes d’industrie, d’agriculture et d’emploi, n’est-il pas scandaleux de voir des diplômés avoir des propositions d’emploi non qualifié. Ne devrait-on passer du tabac les dirigeants imb...

à écrit le 09/10/2015 à 15:07
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Très bonne suggestion, hélas ce n'est pas prêt de se faire... Mais, ne pas oublier que cela concerne aussi les CADRES. Avec l'ouverture du PORTAGE SALARIAL, par ordonnance pour que le parlement n'y voit que du feu, le gouvernement socialiste a perm...

à écrit le 08/10/2015 à 19:54
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Idée originale mais qui se trompe de cible. L'activité de l'entreprise ne se décrète pas. Déjà commençons à supprimer les réductions de charges sur les salaires inférieurs à 120% du SMIC , car je ne sais pas si vous le savez mais de plus de salarié s...

à écrit le 08/10/2015 à 16:16
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Commençons par supprimer ce CES qui ne sert à rien, pas plus que ses membres d'ailleurs, qu'à produire des idées qui n'en sont pas. Des gens qui ne savent pas ce que c'est qu'une entreprise. Qu'il foute la paix aux entreprises, avec leurs idées fumeu...

à écrit le 08/10/2015 à 15:28
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Ils nous ont fait un bordel sans nom dans les CDD rendant la gestion du personnel, quasi impossible, Et ils veulent recommencer à bordéliser plus? LIBERTE et non CONTRAINTES

à écrit le 08/10/2015 à 12:25
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Quand je vois autour de moi le nombre grandissant de plus ou moins jeunes actifs qui alternent boulot/chômage pour voyager et se la couler douce (2 ans boulot/2 ans chômage), je me dis que ce n'est ni les entreprises, ni les salariés qu'il faut revoi...

le 11/04/2016 à 19:37
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Je suis 100% d'accord avec vous ! gérant d'une SARL je m'arrache les cheveux pour trouver du personnel stable ! je paie bien, j'ai des bonnes conditions de travail mais non, les jeunes considèrent qu'au bout de 6 mois il ont fait le tour du job et so...

à écrit le 08/10/2015 à 11:40
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Je suis employeur, je trouve cet article curieux et pour le moins loin des réalités du terrain: d'abord nous avons du mal trouver des personnels pour des CDI, et c'est un fait que certaines personnes préfèrent rester en intérim notamment ! Ensuite, n...

à écrit le 08/10/2015 à 10:10
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Il suffirait d'appliquer les propositions de la note n°6 du conseil d'analyse économique pour régler le problème. Mais qui est capable de comprendre?

à écrit le 08/10/2015 à 7:45
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il n'y a pas de cumul chômage / cdd ou interim en effet ce terme est inapproprié. Lorsque le salarié travaille un lundi s'il perçoit un salaire il ne touche pas de chômage. Par ailleurs on n'arrete pas de nous dire qu'il faut de la flexibilité, que ...

à écrit le 08/10/2015 à 7:26
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De bonnes idées dans cet article. Il faut savoir que l'intérim coûte plus cher à l'assurance chômage que les intermittents du spectacle. Les effets décrits dans cet article sont amplifiés et ils savent utiliser le système. De plus, certaines entrepr...

le 08/10/2015 à 10:04
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Combien d'intérimaires et combien d'intermittents ? Votre comparaison n'a pas lieu d'être, sauf à le faire "par individu", ... et là, c'est le cout d'UN intermittent qui dépasse largement celui d'UN intérimaire !

à écrit le 08/10/2015 à 3:31
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Ces économistes sont dangereux Et ne connaissent rien a la réalité Si la solution consiste à charger encore plus le coût du travail, les attisants, commerçants et autres tpe (qui représentent le plus gros employeurs de France) jetteront l'éponge et...

le 08/10/2015 à 11:03
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1000 Merci pour votre commentaire qui résume très bien la situation...

à écrit le 07/10/2015 à 21:42
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"responsabiliser les entreprises" : Peut-être faudrait-il éviter d'utiliser les gros mots dans vos articles.

à écrit le 07/10/2015 à 20:36
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C'est bien une Idee d énarque Au lieu de chercher le pourquoi Ils vont nous faire une usine à gaz Si vous n avez pas du travail régulier et garantie vous devez faire des cdd Comme presque personnes n'est sûr de l'avenir on fait tous des cdd ...

le 07/10/2015 à 21:38
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Polo. Avez-vous déjà travaillé..?

le 08/10/2015 à 0:06
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17 ans salarié et 11 ans gérant SARL

à écrit le 07/10/2015 à 19:21
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en theorie l'idee n'est pas mauvaise 'pollueur payeur', 'internalisation des externalites', etc, c'est connu dans le monde de l'assurance apres le pb francais il n'est pas la, c'est tout le systeme qu'il faut revoir, sinon les resultats seront just...

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