Un reconfinement total ne serait plus exclu par Emmanuel Macron

Par latribune.fr  |   |  1145  mots
(Crédits : Philippe Wojazer)
Pour éviter un nouveau chaos dans les hôpitaux, l'hypothèse d'un reconfinement total n'est plus taboue pour le gouvernement. En jeu, le nombre de décès qui pourrait fortement augmenter avec la deuxième vague mais aussi une crise plus profonde, celle de la gestion des hôpitaux en France. Emmanuel Macron s'exprimera mercredi à 20 heures à la télévision.

Le gouvernement veut préparer les esprits à une nouvelle situation; celle qui plongerait la France dans une deuxième vague « plus forte que la première », selon les termes du président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy. « Dès l'instant où l'on considère que la situation d'aujourd'hui est similaire à la situation de mars dernier, je ne vois pas comment l'on pourrait dire que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets », selon une source proche du président Macron citée par Le Figaro. A l'Elysée, on n'hésiterait plus à constater l'échec du couvre-feu mis en place à 21 heures pour 46 millions de Français dans les grandes et moyennes agglomérations, tout en évoquant un reconfinement total comme celui décidé en mars.

Emmanuel Macron fera une allocution télévisée mercredi à 20H00 pour présenter de nouvelles mesures afin de faire face à la flambée de l'épidémie de Covid-19, a indiqué mardi l'Elysée. Ces nouvelles restrictions, qui pourraient aller jusqu'à un reconfinement national, seront décidées mercredi matin au cours d'un Conseil de défense avant le Conseil de ministres.

Alors que la première vague a causé 30.000 morts à la fin mai, l'exécutif veut éviter à tous prix de se retrouver dans un scénario noir, qui placerait la France parmi les pays les moins armés pour gérer la propagation de la pandémie. Car tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne : quand l'Italie, l'Espagne et la République tchèque durcissent les restrictions, - et potentiellement la France avec un durcissement du couvre-feu -, la ville de Melbourne, qui n'a enregistré aucun nouveau cas de coronavirus depuis mardi, s'apprête à mettre fin à trois mois de confinement.

Or, sur une vingtaine de pays, la France se classe déjà au 8e rang, avec une augmentation relative des décès de 13% par rapport aux niveaux attendus sans pandémie, selon une étude parue début octobre dans la revue Nature Medicine.

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Aussi, pour le gouvernement Macron, il s'agit de ne pas faire remonter la France dans le classement des pays où la mortalité et la gestion imparfaites des malades apparaissent au grand jour. Pour l'heure, l'Angleterre et le Pays-de-Galles ainsi que l'Espagne sont les nations les plus durement touchées, avec une augmentation de 37% à 38% de la mortalité par rapport aux niveaux attendus.

Du côté des décès, les États-Unis sont le pays le plus touché tant en nombre de morts que de cas, avec 225.739 décès, suivi par le Brésil, l'Inde, le Mexique, et le Royaume-Uni. La France comptabilise à ce jour 35.018 décès du coronavirus. Au départ de l'épidémie, la Chine (sans les territoires de Hong Kong et Macao) ne communique plus que 16 nouveaux cas entre lundi et mardi, sur 4.634 décès.

Des rumeurs du reconfinement total pour préparer au pire

Du côté de l'Elysée, l'idée est donc de faire accepter un potentiel tour de vis. Mardi matin, le président Macron a réuni dans la matinée un conseil de défense en présence du Premier ministre Jean Castex et d'une dizaine de ministres.

Les scénarios évoqués pour le durcissement vont d'un renforcement du couvre-feu -qui pourrait par exemple débuter à 19H00, voire être étendu à tout le territoire- à un reconfinement total, qui serait moins strict qu'en mars.

Jean Castex recevra ensuite les responsables politiques puis, deux heures plus tard, les partenaires sociaux à Matignon pour les "consulter" sur "les durcissements envisagés" et espérer dégager un consensus.

"Il faut s'attendre à des décisions difficiles", a prévenu mardi le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, en écho aux propos alarmants tenus par plusieurs médecins ces derniers jours.

Éviter une nouvelle crise hospitalière majeure, après le "Ségur de la Santé"

Surtout, contrairement à la première vague où l'Etat avait pu avancer l'effet de surprise et d'impréparation au virus, la deuxième vague ne laisse plus cette alternative. D'autant que le "Ségur de la Santé", qui a promis 6 milliards d'euros pour les hôpitaux, pourrait montrer ses carences profondes sur le fonctionnement de l'hôpital en France.

Tandis que le nombre de patients en réanimation continue à grimper, la pression sur les hôpitaux. Leur nombre s'élevait lundi à 2.761, pour un total de 5.800 lits de réanimation dans toute la France.

Résultat, l'Agence régionale de santé (ARS) des Pays de la Loire a annoncé attendre huit patients transférés par avion en provenance d'Auvergne Rhône-Alpes et l'ARS Bretagne a accueilli de son côté quatre patients d'Occitanie.

Taboue il y a encore quelques semaines, l'hypothèse du reconfinement est désormais considérée comme une nécessité par un nombre grandissant de scientifiques, à l'instar de l'infectiologue Gilles Pialoux, qui s'est prononcé pour l'adoption de cette "mesure drastique".

La sidération des entreprises, les critiques de l'opposition

La ministre du Travail, Elisabeth Borne, a de son côté encouragé à "aller au maximum sur le télétravail pour les postes qui le permettent".

Les politiques semblent résignés au durcissement des mesures, mais l'opposition ne ménage pas ses critiques au gouvernement qui "passe d'une étape à l'autre avec souvent un train de retard", selon le député socialiste Boris Vallaud.

"Je trouve qu'on baisse les bras" et qu'on "nous demande de choisir entre le tsunami hospitalier et l'effondrement économique et social", a regretté le patron du groupe des députés Les Républicains Damien Abad.

S'adressant à l'opposition, notamment LR, à l'Assemblée nationale, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal l'a accusée de n'avoir "aucune idée". "Si vous étiez aux affaires (...) vous ne feriez rien, vous seriez en train de regarder la situation se dérouler. Nous, nous prenons nos responsabilités", a-t-il lancé.

Selon des sources parlementaires et gouvernementales, le gouvernement pourrait répondre à la demande d'explications du Parlement en organisant jeudi deux débats successifs à l'Assemblée, puis au Sénat.

Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, avait alerté lundi sur le fait que "si on reconfine totalement comme on l'a fait en mars, ce n'est pas moins 10% de récession qu'on risque, c'est un écroulement de l'économie".

Les supermarchés ont par ailleurs tenu à rassurer les consommateurs que, même en cas de reconfinement, on y "trouvera tout ce qu'il faut sans difficulté dans les semaines qui viennent" si "tout le monde reste raisonnable" dans ses achats. "Il n'y pas besoin de faire du stock" de certains produits, comme cela c'était produit en mars, selon le patron de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) Jacques Creyssel.

(Avec AFP)