Argentine : l’ultralibéral et « anti-système » Javier Milei remporte la présidentielle et prépare une thérapie de choc

Par latribune.fr  |   |  1210  mots
Javier Milei prendra ses fonctions le 10 décembre prochain (Crédits : Getty Images Via Afp)
L’économiste ultralibéral Javier Milei sera le prochain président de l'Argentine, après avoir largement remporté dimanche le second tour de l’élection présidentielle, avec 55,95% des voix contre 44,04% pour son rival, le ministre de l’Economie Sergio Massa, selon des résultats officiels partiels.

[Article publié le lundi 20 novembre 2023 à 07h15 et mis à jour à 15h29] Ereintés par une économie à genoux, les Argentins ont tranché. Et cela ne s'est pas joué « au vote près » comme bon nombre d'analystes le prévoyaient pour cette élection crispée et indécise comme rarement en 40 ans depuis le retour de la démocratie.

Deux ans après son arrivée dans le paysage politique argentin, l'économiste ultralibéral et « anti-système » Javier Milei, qui promettait de dégager la « caste politique parasite », les gouvernements péronistes et libéraux se succédant depuis 20 ans, sera le prochain président argentin après avoir largement remporté le second tour de l'élection présidentielle avec 55,95% des voix, contre 44,04% à son rival, le ministre centriste de l'Economie Sergio Massa.

A l'étranger, des soutiens...

A l'étranger, des dirigeants pour lesquels Milei avait exprimé une affinité l'ont chaleureusement félicité : l'ex-président américain Donald Trump a dit sa conviction qu'il va « faire à nouveau de l'Argentine un grand pays ». Et l'ex-président brésilien Jair Bolsonaro a déclaré que « l'espoir brille à nouveau » dans la région. Washington a « félicité » Javier Milei pour sa victoire, le secrétaire d'Etat Antony Blinken saluant « la forte participation et le déroulement pacifique du scrutin ».

Après avoir félicité ce lundi le nouveau président argentin, la Chine a dit vouloir continuer à développer les relations entre les deux pays, auxquelles le candidat ultralibéral avait dit vouloir mettre fin. Pékin désire « travailler avec l'Argentine pour poursuivre l'amitié » entre les deux pays ainsi qu'une « coopération gagnant-gagnant », a ainsi indiqué à la presse une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning.

Selon l'agence de presse d'État Tass, l'ambassadeur de Russie en Argentine, Dmitry Feoktistov, a souligné que « la future administration a beaucoup à faire pour surmonter les problèmes sociaux et économiques ». Il a également dit espérer « que l'adhésion à la multipolarité, la politique étrangère indépendante et la protection ferme des intérêts nationaux se poursuivront ».

Du côté du président brésilien Lula, que Milei avait qualifié de « communiste corrompu », il a souhaité « bonne chance et succès » au nouveau gouvernement argentin, dans un message sur le réseau social X dans lequel il n'a pas mentionné Javier Milei.

... mais pas que

Le président du Conseil européen Charles Michel a adressé lundi ses « félicitations » à l'ultralibéral Javier Milei pour son élection à la présidence de l'Argentine, appelant à poursuivre la coopération entre l'UE et le pays sud-américain, un « proche partenaire ».

« Le peuple d'Argentine a parlé lors d'élections libres et démocratiques (...). Je remercie (l'actuel président) Alberto Fernandez pour l'excellente coopération au fil des ans et j'ai hâte de poursuivre cette coopération au bénéfice de nos peuples », a-t-il indiqué sur X (ex-Twitter).

« L'extrême droite a gagné en Argentine, c'est la décision de sa société. C'est triste pour l'Amérique latine et nous verrons», a regretté le président colombien Gustavo Petro, issu de la gauche radicale. Il a toutefois félicité Javier Milei et promis que « les relations entre la Colombie et l'Argentine, les liens entre leurs peuples seront maintenus dans le respect mutuel ».

La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, a, elle, félicité Javier Milei. « Nous espérons collaborer étroitement avec (M. Milei) et son administration dans la période à venir afin de développer et mettre en place un plan solide capable de protéger la stabilité macroéconomique et renforcer la croissance inclusive pour tous les Argentins », a-t-elle écrit sur son compte X (ex-Twitter), l'Argentine étant le pays disposant, de loin, du plus important plan d'aide de la part du FMI.

« Terre promise »

Une bombe qui ouvre une période d'incertitude pour la 3e économie d'Amérique latine, à laquelle il promet une thérapie de choc. Résolu à « tronçonner » l'« Etat-ennemi » et à dollariser l 'économie, le polémiste de 53 ans, prisé des plateaux TV, a promis dans son discours de victoire « la fin de la décadence » et la « reconstruction de l'Argentine » pour refaire du pays « une puissance mondiale » comme lorsqu'elle était « terre promise » d'émigration, au début du 20e siècle. Un thème de « grandeur retrouvée » qui n'est pas sans rappeler Donald Trump, pour lequel il a exprimé son admiration.

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On en est loin aujourd'hui avec une inflation chronique, désormais à trois chiffres (143% sur un an), quatre Argentins sur dix sous le seuil de pauvreté, un endettement pathologique et une monnaie qui dévisse. Milei a donc capté la colère des Argentins même si sa volonté d'assécher la dépense publique dans un pays où 51% de la population reçoit une aide sociale, ont aussi effrayé. Des mesures économiques sont attendues rapidement. Le pays est en effet sous la pression des objectifs de rééquilibrage budgétaire du Fonds monétaire international (FMI), auquel l'Argentine rembourse péniblement un prêt colossal de 44 milliards de dollars octroyé en 2018.

Thérapie de choc

Le président-élu, qui prendra ses fonctions le 10 décembre, a averti qu'il n'y aura « pas de demi-mesures.  »

« Nous sommes confrontés à des problèmes monumentaux : l'inflation, la stagnation, l'absence de véritables emplois, l'insécurité, la pauvreté et la misère », a énuméré le président-élu.

« Il n'y a pas de place pour la tiédeur ou les demi-mesures », a prévenu celui qui depuis deux ans prône, notamment, des coupes « à la tronçonneuse » dans la dépense publique. Il a redit sa détermination « à remettre en ordre les comptes budgétaires, et régler les problèmes de la Banque centrale », une institution qu'il avait dit vouloir « dynamiter ».

S'il a tendu la main à « tous les Argentins et dirigeants politiques » voulant se joindre à lui, le président élu a aussi mis en garde contre d'éventuelles résistances sociales à ses réformes.

« Nous savons qu'il y a des gens qui vont résister, qui voudront maintenir ce système de privilèges pour certains mais qui appauvrit la majorité. Je leur dis ceci : tout ce qui est dans la loi est permis, mais rien de ce qui est en dehors de la loi ».

Compromis nécessaires ?

« Milei a fait campagne en promettant des résultats rapides. On voit tous que ce n'est pas possible, mais c'est l'idée qui a pénétré son électorat : le changement rapide, la tronçonneuse. Aussi je crois qu'il n'y aura guère de temps pour une lune de miel », a prédit Lara Goyburu, politologue de l'Université de Buenos Aires.

Pour le politologue Gabriel Vommaro, de l'Université de San Martin, Javier Milei, par son discours belliqueux, notamment envers des secteurs mobilisés, comme la fonction publique, apporte un risque « de confrontation politico-sociale ». Pour autant, dans un Parlement où son jeune parti, La Libertad Avanza, n'est que la 3e force (38 députés sur 257), il devra être contraint de faire des compromis.

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(Avec AFP)