Brésil : Elon Musk provoque un juge de la Cour suprême qu'il accuse de « censure »

Par latribune.fr  |   |  875  mots
Ce n’est pas la première fois qu’Elon Musk provoque une personne sur son réseau social. L'an dernier, il avait réclamé un combat de MMA contre le patron de Meta, Mark Zuckerberg. (Crédits : Gonzalo Fuentes)
Le milliardaire, propriétaire du réseau social X (ex-Twitter), cible depuis ce week-end un juge de la Cour suprême brésilienne. Il l'accuse de « censure » et le qualifie de « dictateur » pour avoir ordonné, ces dernières années, le blocage de comptes de personnalités influentes sur les réseaux sociaux sur fond de lutte contre la désinformation au Brésil. Elon Musk l'a mis au défi de débattre avec lui.

Depuis ce week-end, les foudres de l'excentrique milliardaire Elon Musk tombent sur l'un des onze juges de la Cour suprême du Brésil, Alexandre de Moraes. Le multi-patron - du réseau social X, de Space X et de Tesla - a lancé une série d'attaques écrites contre le magistrat sur X, indiquant qu'il allait contester ses décisions judiciaires en « levant toutes les restrictions », sans donner plus de précisions. « Ce juge a trahi de façon effrontée et réitérée la constitution et le peuple du Brésil. Il devrait démissionner ou être destitué », a déclaré le chef d'entreprise américain.

« Nous allons probablement perdre tous nos revenus au Brésil et devoir fermer nos bureaux là-bas. Mais les principes sont plus importants que le profit », a-t-il insisté.

Ce juge à la figure clivante - considéré comme tyrannique pour certains et comme un fervent défenseur de la démocratie pour d'autres - a ordonné ces dernières années le blocage de comptes de personnalités influentes sur les réseaux sociaux sur fond de lutte contre la désinformation au Brésil. La plupart d'entre elles sont des sympathisants de l'ex-président d'extrême droite Jair Bolsonaro (2019-2022). Une démarche qualifiée de « censure » par Elon Musk.

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Enquête ouverte

Alexandre de Moraes ne lui a pas répondu sur le réseau social, mais a ordonné dimanche l'ouverture d'une enquête contre le milliardaire. Dans un arrêt judiciaire, consulté par l'AFP, le magistrat a évoqué une supposée « instrumentalisation criminelle de X » de la part de son propriétaire.

Il a également enjoint « le réseau social X de s'abstenir de désobéir à tout ordre judiciaire, y compris en réactivant un compte dont le blocage a été ordonné par la Cour suprême », sous peine d'une amende de 100.000 réais (environ 18.300 euros) par profil réactivé.

« Les réseaux sociaux ne sont pas des terres sans loi ! », a-t-il martelé, en lettres majuscules, dans son arrêt judiciaire.

Provocation sur provocation

De quoi relancer Elon Musk. Lundi, il a une nouvelle fois visé le magistrat sur X, sur le ton d'une provocation en duel : « Qu'en dis-tu, @Alexandre? Débattons là-dessus pour de vrai ».

Dans un autre message, il a plaisanté en se positionnant comme le psychanalyste du juge. « Dites-moi, Alexandre, est-ce que la désinformation est dans la pièce avec nous maintenant ? », a écrit Elon Musk, en référence à un mème bien connu.

Plus tard, il s'en est à nouveau pris au magistrat brésilien : « Comment @Alexandre de Moraes est-il devenu le dictateur du Brésil ? Il tient Lula en laisse ». Et d'ajouter : « La loi s'applique à tous, y compris à @Alexandre. Il devrait être jugé pour ses crimes ».

Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'Elon Musk provoque une personne sur son réseau social. L'an dernier, il avait réclamé un combat de MMA (arts martiaux mixtes) avec le patron de Meta, Mark Zuckerberg, un de ses principaux concurrents, lançant une passe d'armes qui avait enflammé les réseaux.

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À chacun ses défenseurs

Peu après les premières attaques du patron de Tesla contre le juge samedi, Jorge Messias, l'Avocat général de l'Union, chargé de défendre les intérêts du gouvernement Lula, a appelé à « réguler de toute urgence les réseaux sociaux ».

« Nous ne pouvons pas vivre dans une société où des milliardaires qui vivent à l'étranger contrôlent les réseaux sociaux et se montrent disposés à violer l'État de droit, en désobéissant à des ordres judiciaires et en menaçant nos autorités », a-t-il déclaré sur X, sans citer nommément Elon Musk.

De nombreuses voix se sont également élevées pour soutenir le magistrat. Le président de la Cour suprême, Luis Roberto Barroso, a indiqué dans un communiqué que « toute entreprise qui opère au Brésil est soumise à la constitution. Les décisions judiciaires peuvent faire l'objet de recours, jamais de désobéissance délibérée », a-t-il insisté. Le président du Sénat, Rodrigo Pacheco, a dit pour sa part que la régulation des réseaux sociaux était « inévitable ». « Ce n'est pas de la censure (...), ce sont des règles pour l'utilisation de ces plateformes », a-t-il expliqué.

Mais de nombreuses personnalités politiques ultra-conservatrices ont lancé un manifeste en défense d'Elon Musk et de son appel à la destitution d'Alexandre de Moraes. « J'espère qu'il a débuté quelque chose d'historique : le retour de la liberté dans notre pays », a déclaré sur X le député Nikolas Ferreira, partisan de Jair Bolsonaro. « Impeachment », le mot utilisé au Brésil pour la destitution, qui relève du Sénat pour un juge de la Cour suprême, a d'ailleurs été en tête des « trending topics » (sujets les plus mentionnés) sur X ce lundi.

(Avec AFP)