Chine : les raisons du ralentissement de la croissance

Par Jean-Yves Paillé  |   |  675  mots
En Chine, le coût de la pollution grimpe à 1.400 milliards dollars par an.
La hausse du coût du travail, la pollution et l'activité industrielle décevante font partie des causes ralentissement de la croissance chinoise qui s'est établie à 6,9% en 2015.

Sans surprise, la machine chinoise continue à s'essouffler. Le rythme de la croissance économique de la Chine a ralenti à 6,9% en 2015 contre 7,3% l'année précédente, selon des chiffres communiqués mardi 19 janvier par le Bureau national des statistiques (BNS). Plusieurs facteurs expliquent ce plus bas depuis 25 ans.

Hausse du coût du travail

L'inflation des coûts du travail,est le principal facteur du ralentissement de la croissance, explique à La Tribune Dominique Jolly, professeur à Skema Business School et spécialiste de la Chine :

"En ce qui concerne le coût du travail, la Chine a dépassé les Philippines et la Thaïlande. Produire en Chine est moins intéressant que ça n'a pu l'être. Cette hausse des coûts sévère fait perdre l'avantage concurrentiel que le pays avait."

Ci dessous, l'évolution du coût du travail horaire en Chine, comparée à celle du Mexique.

A noter que le vieillissement de la population risque de peser sur le coût du travail dans quelques années. Selon l'OCDE, la population en âge de travailler diminuera à partir de 2020. "De moins en moins de jeunes arrivent sur le marché du travail, ce qui veut dire une hausse des coûts du travail, car les patrons sont obligés d'augmenter les taux salaire horaire", note Dominique Jolly,

La pollution, un coût caché

Le coût de la pollution "est négligé" par les autorités, et il devient de plus en plus important, estime Domnique Jolly, qui y voit un "coût caché" nuisant à la croissance du géant asiatique. Il s'établit à 1.400 milliards de dollars par an, selon le dernier rapport de l'OCDE sur la question. Cette pollution est responsable chaque année de 1,6 million de morts, indique une étude de l'université de Berkeley, publiée en juillet de l'année dernière.

Pour la première fois en 2015, le niveau d'alerte maximale à la pollution, mis en place en 2013, a été déclenché, en décembre, à Pékin. Un niveau "rouge" décrété deux fois en deux semaines.

Une activité manufacturière au ralenti

L'industrie manufacturière chinoise est loin de fonctionner à plein régime. Elle est restée la majeure partie de l'année dans le rouge, c'est-à-dire sous la barre des 50 qui indique que l'activité manufacturière se contracte, montre l'indice Markit.

Cela provoque des surcapacités (capacité de production excédentaire par rapport aux besoins) dans l'acier, le fer, l'aluminium et le ciment. Selon Dominique Jolly, dans ce cas, c'est "l'effet taille de la Chine".

La production industrielle a également déçu en décembre. Elle a augmenté le mois dernier de 5,9% en rythme annuel, soit une hausse inférieure aux attentes, après une augmentation de 6,2% en novembre.

Des exportations en baisse, mais une balance commerciale excédentaire

Les exportations chinoises ont particulièrement souffert en 2015 et, prises en compte seules, on pourrait penser qu'elles ont plombé la croissance. Elles ont diminué de 1,8% (contre une hausse de 2,28% en 2014) en valeur par rapport à 2014, selon le Bureau national des statistiques. Néanmoins, avec des importations en chute de 7%, la balance commerciale affiche un surplus record de 515 milliards d'euros.

Un changement de relais de croissance vers la consommation pas abouti

Plus généralement, le gouvernement ne parvient pas à réorienter son économie. "La réorientation de l'économie chinoise vers son marché intérieur, souhaitée par le gouvernement depuis la décennie 2000 afin de remédier à une moindre compétitivité internationale du pays, ne semble pas fonctionner", expliquait l'économiste Mylène Gaulard à La Tribune, le 14 janvier.

Le gouvernement n'a pas réussi à "relancer suffisamment la consommation des ménages qui reste toujours inférieure à 40% du PIB", analyse l'universitaire.

"La déconnexion entre cette faible consommation et un taux d'investissement avoisinant les 50% du PIB est en grande partie responsable d'un sérieux risque déflationniste, avec des prix à la production (prix à la sortie des usines) n'ayant cessé de baisser depuis 46 mois, et une hausse des prix à la consommation inférieure à l'objectif d'inflation de 3% fixé par le gouvernement."