Coup dur pour l'Egypte : les recettes du canal de Suez s'effondrent à cause des tensions en mer Rouge

Par latribune.fr  |   |  614  mots
L'augmentation des recettes observée l'an dernier s'expliquait par une hausse du trafic à la faveur d'un nouveau tronçon creusé en 2014 et 2015, qui facilite désormais le croisement des convois et diminue le temps de transit des navires. (Crédits : AMR ABDALLAH DALSH)
Le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a annoncé lundi que les revenus du canal de Suez, l'une des principales rentrées en devises du pays, avaient « baissé de 40 à 50%» depuis le début de l'année en raison de la multiplication des attaques des rebelles yéménites houthis, soutenus par l'Iran.

Coup dur pour l'Egypte qui traverse sa pire crise économique. Alors que le canal de Suez avait rapporté à l'Etat environ 8,6 milliards d'euros sur l'année fiscale 2022-2023 (+35%), un nouveau record, les revenus de l'une des principales rentrées en devises du pays ont dégringolé de 40 à 50% depuis le début de l'année, a annoncé ce ce lundi le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi. Ces recettes en devises sont surveillées de près dans un pays où importateurs et changeurs peinent désormais à trouver des dollars.

Les rebelles Houthis multiplient les attaques

Une conséquence directe des tensions en mer Rouge et de la multiplication des attaques des rebelles Houthis du Yémen contre les navires commerciaux qu'ils estiment liés à Israël. Les Houthis font partie de l'« axe de la résistance » pro-iranien et anti-Israël. Résultat : de nombreux armateurs évitent de passer par la mer Rouge et le Canal de Suez, par où transitent habituellement 12 à 15% du trafic mondial et déroutent leurs navires vers le cap de Bonne-Espérance au large de l'Afrique du Sud, une route qui voit les volumes transportés bondir.

Jusqu'à la fin de l'année, l'Egypte n'était pas trop impactée. En décembre, les revenus du canal de Suez ont en effet atteint 749 millions de dollars contre 737 millions de dollars en décembre 2022.

Nouveau tronçon creusé en 2024 et 2015

L'augmentation des recettes observée l'an dernier s'expliquait par une hausse du trafic à la faveur d'un nouveau tronçon creusé en 2014 et 2015, qui facilite désormais le croisement des convois et diminue le temps de transit des navires. Cet aménagement était le premier des « mégaprojets » du président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, qui ont englouti une bonne part des finances du pays ces dernières années. Il a en effet absorbé près de huit milliards d'euros sans toutefois permettre une hausse massive des revenus, uniquement obtenue chaque année par l'augmentation des frais de transit.

Pour rappel, en mars 2021, l'Ever Given, un porte-conteneurs géant dont la proue s'était encastrée dans la rive est du canal, avait bloqué pendant plusieurs jours la voie de circulation entre l'Europe et l'Asie. L'opération de sauvetage avait duré six jours et les assureurs avaient estimé les pertes pour le commerce maritime mondial à plusieurs milliards de dollars par jour l'impact.

Les revenus du canal ne sont qu'une part des rentrées en devises de l'Egypte. Combinés aux revenus du tourisme, un secteur qui souffre également des tensions dans la région, ils ne représentent que la moitié de la véritable manne du pays : les envois d'argent en Egypte des travailleurs égyptiens situés à l'étranger. Pour autant, ils n'en sont pas moins cruciaux pour un pays qui voit le service de la dette exploser : plus de 60% des revenus de l'Etat en 2023 et 70% en 2024, selon la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd).

Interrogé il y a un mois par l'AFP, Paul Tourret, directeur de l'Observatoire des industries maritimes ISEMAR indiquait que « les recettes du canal servent aussi à maintenir le couvercle de la cocotte-minute sociale » en Egypte, où deux tiers de la population est pauvre ou en passe de l'être.

« Elles alimentent directement l'Etat qui les réinvestit dans l'armée et le pain social. C'est un vrai manque à gagner, un mois est acceptable, mais deux mois, ce sera inquiétant », disait-il.

Face aux attaques des Houthis, les Etats-Unis ont mis en place en décembre une force multinationale de protection maritime en mer Rouge, baptisée « Prosperity Guardian », tandis que l'Union européenne a annoncé lundi le lancement officiel d'une mission similaire.