Etats-Unis : Dallas fait entrer la police dans l'ère Robocop

Par latribune.fr  |   |  734  mots
Micah Xavier Johnson, un réserviste noir de l'armée américaine, a été présenté par les autorités comme celui qui a fait cinq morts et sept blessés dans les rangs de la police, et tué deux civils, jeudi soir à Dallas.
La police a eu recours à un robot désamorceur de bombe pour installer une charge d'explosifs et tuer l'homme présenté comme le tueur de cinq policiers et deux civils jeudi soir à Dallas. Une technologie qui pose de nombreuses questions éthiques et rappelle le film Robocop alors que de considérables progrès se font dans les robots militaires.

Une première dans la police. Après avoir été encerclé plusieurs heures, le tireur présumé de Dallas a été tué par un robot télécommandé porteur d'une bombe, une technique encore jamais utilisée par les forces de l'ordre américaines et qui alimente la controverse sur la militarisation des polices locales.

Micah Xavier Johnson, un réserviste noir de l'armée américaine, a été présenté par les autorités comme celui qui a fait cinq morts et sept blessés dans les rangs de la police, et tué deux civils, jeudi soir à Dallas, à la fin d'une manifestation organisée pour dénoncer la mort de deux Noirs tués cette semaine par la police.

Seule option possible ?

Le maire de Dallas, Mike Rawlings, a expliqué que la police avait laissé au suspect la possibilité de se rendre ou de rester retranché, ce dernier a choisi la seconde possibilité.

"Nous n'avons pas eu d'autre choix que d'utiliser notre robot piégé, et de placer un dispositif dans son prolongement afin de le faire exploser là où était le suspect", a dit le chef de la police de Dallas, David Brown, à la presse. "Les autres options auraient exposé les agents à un grave danger", a-t-il ajouté.

Un robot utilisé pour désamorcer des bombes

Lors d'une conférence de presse vendredi, le maire a expliqué que "le même équipement robot automatisé qui est utilisé pour faire exploser des bombes et pour les désamorcer, a été utilisé pour installer du C-4 (un explosif de la famille des plastics, NDLR) et le faire exploser".

Ses services possèdent au moins trois robots-bombe, selon un rapport officiel d'octobre 2015. Ceux-ci sont fournis par Remotec, une filiale de l'entreprise d'armement Northrop Grumman Corp, spécialisée dans la fabrication de véhicules robot télécommandés. Le groupe n'a pas souhaité commenter l'événement.

Au moins 451 robots désamorceurs de bombe ont été distribués par le Pentagone depuis 2005 aux services de police fédéraux et locaux, selon une évaluation faite par Reuters. Selon une estimation du Drone Center, à l'université de Bard College, à New York, plus de 200 services de police locaux, fédéraux ou au niveau des Etats, se sont vus attribuer au moins un robot pour engin explosif dans le cadre du déstockage organisé au Pentagone.

Une pratique plutôt vue dans l'armée

Les experts en technologie militaire estiment que l'utilisation d'un robot pour tuer une personne a des implications considérables, tant technologiques que judiciaires, pour les forces de police du 21e siècle.

Auteur de Wired for War, livre sur l'usage des robots dans les zones de guerre, Peter Singer cite des exemples où l'armée américaine en Irak a pu "bricoler un robot de surveillance pour descendre un rebelle dans une ruelle". Les forces de l'ordre américaines ont déjà fait usage de machines télécommandées pour aider à l'arrestation d'un suspect, mais pas pour tuer qui que ce soit, estiment des experts.

Le transfert d'équipement militaire à des services de police civils dans la cadre de ce programme, dit programme 1033, a été réexaminé à la suite de la mort de Michael Brown en août 2014, tué par un agent de la police de Ferguson, dans le Missouri. Le président Barack Obama avait pris dans la foulée un décret pour réduire de programme. Depuis l'entrée en vigueur du décret, le 1er octobre 2015, les services de police locaux ont rendu 126 véhicules blindés à roues, 138 lance-grenades et 1.623 baïonnettes, énumère la porte-parole de l'agence de logistique de la Défense Michelle McCaskill.

"On ne peut pas ignorer le fait que la situation a un peu dégénéré, il y a eu des dépassements de la part de petits services de police", a dit Ronal Serpas, ex-chef de police à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane et à Nashville, dans le Tennessee.

Pour Jay Stanley, analyste de la American Civil Liberties Union, le choix des armes ne change pas le principe qui interdit l'usage de la force létale par les autorités, sauf si la personne est jugée une menace imminente pour les autres.

"Comme les robots terrestres peuvent permettre une application plus sûre et plus facile de la force mortelle, ils posent le risque d'être trop utilisés", estime-t-il.

(avec Reuters)