Face à la militarisation de l'enclave russe de Kaliningrad, la Pologne prête à accueillir des armes nucléaires de l'OTAN

Par latribune.fr  |   |  916  mots
Le président polonais, Andrzej Duda, a affirmé que la Pologne se dit prête à accueillir l'arme nucléaire sur son territoire. (Crédits : ALINA SMUTKO)
Le président polonais a dit ce lundi son pays « prêt » à accueillir l'arme nucléaire sur son territoire si l'Otan, dont la Pologne est membre, décidait de renforcer son flanc Est, face au déploiement par la Russie de nouvelles armes à Kaliningrad et à la Biélorussie, ses voisins. De son côté, Moscou a réagi en menaçant de prendre « les mesures de rétorsion nécessaires pour garantir [sa] sécurité »

La Pologne se dit prête à accueillir l'arme nucléaire sur son territoire. C'est ce qu'a annoncé le président polonais Andrzej Duda ce lundi si l'Otan, dont la Pologne est membre, décidait de renforcer son flanc Est, face au déploiement par la Russie de nouvelles armes à Kaliningrad et au Bélarus voisins.

« Si nos alliés décidaient de déployer des armes nucléaires dans le cadre du partage nucléaire sur notre territoire afin de renforcer la sécurité du flanc oriental de l'Otan, nous sommes prêts à le faire », a déclaré Andrzej Duda au quotidien populaire Fakt.

Le chef de l'Etat polonais, qui se trouve actuellement au Canada après une visite aux Etats-Unis où il a rencontré notamment l'ancien président Donald Trump et s'est rendu à l'ONU, a ajouté que la question d'un déploiement potentiel d'armes nucléaires en Pologne faisait l'objet de discussions entre la Pologne et les États-Unis « depuis un certain temps ».

« J'ai déjà abordé ce sujet à plusieurs reprises », a-t-il déclaré. Il avait rencontré en mars son homologue américain Joe Biden. Selon Andrzej Duda, « la Russie militarise de plus en plus l'enclave de Kaliningrad. Elle est en train de transférer ses armes nucléaires au Bélarus (Biélorussie, ndlr) » , deux territoires qui sont voisins de la Pologne.

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En juin 2023, le président russe Vladimir Poutine avait annoncé avoir transféré à la Biélorussie de premières armes nucléaires. Au sommet tenu à Vilnius en 2023, les Alliés ont réaffirmé que l'Otan ferait « tout ce qui est nécessaire pour assurer la crédibilité, l'efficacité, la sûreté et la sécurité de sa mission de dissuasion nucléaire, y compris continuer de moderniser ses capacités nucléaires et actualiser son processus de planification ».

La Russie promet des mesures de rétorsion

Ce lundi, peu après les propos tenus par le dirigeant polonais, le Kremlin a réagi en affirmant que la Russie prendra des mesures pour « garantir » sa sécurité si la Pologne accueille des armes nucléaires sur son territoire.

« Les militaires analyseront bien sûr la situation et, dans tous les cas, prendront toutes les mesures de rétorsion nécessaires pour garantir notre sécurité », a ainsi déclaré à la presse le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.

Une base américaine antimissile opérationnelle depuis décembre

Ces déclarations interviennent quatre mois après que la base américaine de défense antimissile construite dans le nord de la Pologne soit devenue « opérationnelle ». Il s'agit d'un bouclier antimissile situé à Redzikowo, à 250 km de l'enclave russe de Kaliningrad.

Conçue à l'initiative du président américain Barack Obama en 2009, la base de Redzikowo a pour objectif la défense de l'Occident contre les missiles balistiques tirés par des pays tels que l'Iran. Dès le début, Moscou y a vu, tout comme dans d'autres installations militaires de la région, une menace.

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L'installation de la nouvelle base a commencé en 2016. La Pologne, membre de l'Otan et très proche allié de Washington, a fait récemment de nombreuses acquisitions de matériel militaire américain dont des systèmes américains Patriot de défense antiaérienne, des chasseurs F-35, des lance-roquettes Himars et des chars Abrams. Elle accueille actuellement sur son sol plus de 10.000 soldats américains.

Le directeur de l'AIE inquiet des déclarations sur l'arme nucléaire

Mais cette militarisation de l'Europe de l'Est inquiète. En mars dernier, le directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) s'est dit inquiet des déclarations autour de l'usage de l'arme nucléaire, notamment de la Russie, dans un entretien accordé à France 24 et RFI. « Je m'inquiète de cette surenchère. On se livre à des déclarations à propos de l'usage nucléaire, ce n'est pas bon », avait déclaré Rafael Grossi.

« Il y a une espèce de permissivité dans les déclarations qui n'est pas bonne (... ). Il faut arrêter cela », avait-il également déclaré. Une semaine auparavant, Vladimir Poutine avait vanté l'armement nucléaire de son pays, le jugeant « plus avancé » que celui des Etats-Unis, et assurant que son arsenal était toujours « prêt » à une guerre nucléaire.

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« On sait que les pays dotés de l'arme nucléaire sont en principe prêts à l'utiliser, sinon à quoi servirait la théorie de la dissuasion ? », avait réagi le directeur de l'AIEA, rappelant que sa mission était non pas de désarmer, mais d'éviter la prolifération, c'est-à-dire que davantage de pays se lancent dans des projets d'armement nucléaire. « Plus on brandit la menace de l'arme nucléaire, plus les pays seront tentés » de s'en doter, avait-il également estimé, soulignant que « certains en parlent déjà ».

Les Etats-Unis n'avaient vu de leur côté aucun signe montrant que la Russie se préparait à utiliser une arme nucléaire en Ukraine, avait assuré la Maison Blanche, en réaction aux propos de Vladimir Poutine. Selon la porte-parole américaine Karine Jean-Pierre, le président russe ne semblait avoir fait que « réitérer la doctrine nucléaire de la Russie », lors d'un entretien à la télévision russe.

(Avec AFP)