Israël envisage de remplacer la main-d'oeuvre palestinienne par d'autres travailleurs étrangers

Par latribune.fr  |   |  1025  mots
Le plan, qui doit redéfinir l'octroi des permis de travail en Israël, doit être discuté début janvier au sein du gouvernement Netanyahou, selon le média Times of Israel. (Crédits : Ronen Zvulun)
Énième riposte aux attaques sanglantes du Hamas le 7 octobre dernier, le gouvernement israélien envisage, selon la radio d'Etat, de voter le refus de l'octroi de permis de travail aux Palestiniens. Le gouvernement Netanyahou serait prêt à aller chercher une nouvelle main-d'oeuvre en Inde, Sri Lanka, Chine, entre autres.

C'est une annonce faite le 31 décembre passée inaperçue dans la presse internationale mais qui en dit long sur l'état de dégradation des perspectives de résolution du conflit entre Israël et le Hamas. Alors que l'économie israélienne repose en grande partie sur des dizaines de milliers de travailleurs étrangers pour combler ses manques, l'Etat d'Israël, peuplé d'un peu plus de 9 millions d'habitants, envisage d'arrêter complètement d'avoir recours à la main-d'oeuvre palestinienne, en représailles aux attaques sanglantes du 7 octobre de l'organisation islamiste à Gaza, selon un plan du gouvernement consulté par la radio publique israélienne Kan et repris par Times of Israel.

« Le Hamas aurait recueilli une partie des renseignements nécessaires à l'attaque auprès de Gazaouis qui disposaient d'un permis de travail en Israël. Afin d'éviter qu'une telle situation ne se reproduise en Cisjordanie, Kan (le média public contrôlé par l'Etat, NDLR) déclare que le gouvernement n'a pas l'intention d'autoriser le retour des travailleurs palestiniens après la guerre en cours », écrit Times of Israel.

Les permis de travail déjà rompus

Déjà, quelques jours après les attaques survenues dans le sud du pays, Israël a retiré 130.000 permis de travail à des Palestiniens de Cisjordanie et n'a pas versé 600 millions de shekels (150 millions d'euros) de taxes dues sur les produits palestiniens, avait affirmé Manal Qarhan, fonctionnaire au ministère palestinien de l'Economie.

Aussi, le 10 octobre, soit trois jours après les attaques, Israël avait révoqué tous les permis de travail délivrés à des Gazaouis, selon une coalition d'ONG israéliennes des droits humains. Quelque 18.500 Gazaouis bénéficiaient d'un permis de travail en Israël au moment du déclenchement de la guerre, selon les autorités israéliennes. Ces milliers de travailleurs, qui se trouvaient en Israël au moment des attaques « sont renvoyés malgré la gravité de la situation » dans la bande de Gaza, qui fait l'objet d'intenses bombardements israéliens depuis les attaques du mouvement islamiste », s'inquiétait d'ailleurs Elizabeth Throssell, porte-parole du Haut-Commissariat, lors d'un briefing de l'ONU à Genève.

La construction en tension

Mais l'économie israélienne peut-elle vraiment se priver de la main-d'œuvre palestinienne au regard de la place que ces travailleurs frontaliers prennent dans certains secteurs ?

C'est le cas par exemple de la construction qui employait, en janvier 2023, sur un total de 328.000 employés, près d'un quart (76.000) de Palestiniens. Le reste étant occupé par des 227.000 israéliens (arabes-israéliens et chrétiens). En plus, le secteur du BTP employait 25.000 travailleurs étrangers, selon le bureau des statistiques israélien.

Les conséquences sont d'ailleurs à double tranchant. Ces travailleurs du bâtiment venus de Cisjordanie travaillant en Israël gagnaient, avant la guerre, environ 6.000 shekels (près de 1.500 euros) par mois. Ils sont essentiels pour venir soutenir le territoire arabe déjà fragilisé. A Kharas, une bourgade des montagnes près d'Hébron (sud), 70% des habitants franchissaient chaque jour les barrages israéliens selon la municipalité.

Les autres travailleurs de Cisjordanie sont pour la plupart employés par l'Autorité palestinienne, qui siège à Ramallah. Mais celle-ci peine à verser les salaires, dans un contexte de récession.

L'agriculture et les travailleurs thaïlandais

Cette dépendance à la main-d'œuvre étrangère - et notamment palestinienne - se vérifie également dans le secteur de l'agriculture où les bras viennent aussi à manquer gravement avec la guerre. « J'avais 16 ouvriers thaïlandais, neuf ont quitté le pays à cause de la guerre, et j'avais 15 travailleurs qui venaient de Cisjordanie mais ne peuvent plus venir en Israël à cause des barrages », racontait mi-décembre ce maraîcher arabe-israélien à l'AFP.

En outre, les alentours de la bande de Gaza, côté israélien, comprennent beaucoup d'exploitations agricoles et les Thaïlandais qui sont nombreux à y travailler ont été, eux aussi, victimes du feu du Hamas le 7 octobre.

Plusieurs dizaines de Thaïlandais ont d'ailleurs été tués, blessés et pris en otage à Gaza. Cette tragédie a suscité la peur parmi les 30.000 ressortissants travaillant en Israël qui ont massivement quitté le pays.

60 millions de dollars pour des travailleurs du Malawi

Aussi pour répondre à cette crise, fin novembre, le gouvernement israélien a passé en urgence un accord avec le Malawi, petit pays d'Afrique australe. Résultat, plusieurs centaines de jeunes Malawites sont partis en Israël pour travailler dans des fermes désertées à la suite des attaques, selon le gouvernement du Malawi. Un premier vol transportant 221 jeunes hommes a quitté l'Afrique pour Israël, avait confirmé le ministère du Travail du Malawi, ajoutant que d'autres prendraient bientôt le même chemin.

Ces départs sont survenus à peine deux semaines après qu'Israël a accordé 60 millions de dollars d'aide au Malawi, en difficulté économique.

Sri Lanka, Chine, Inde, Moldavie...

Cette fois, « le plan présenté par les ministères des finances, de l'intérieur et du travail permettrait à Israël de faire venir 25.500 travailleurs du Sri Lanka, 20.000 de Chine, 17.000 d'Inde, 13.000 de Thaïlande et 6.000 de Moldavie. Dans certains cas, cela nécessitera la signature de nouveaux accords avec les pays concernés, et un travail diplomatique est en cours pour faire avancer ces accords », selon Times of Israël qui cite le rapport consulté par la radio publique. Ce plan, soutenu par le ministre des Finances d'extrême droite Smotrich, devrait être discuté début janvier par le gouvernement Netanyahou, avant d'être voté, selon Times of Israël.

A noter également que le Liban, impliqué indirectement dans le conflit via le mouvement Hezbollah allié du Hamas, envoie également des travailleurs en Israël. Récemment, alors que le pays est déjà en proie à la récession, la Banque mondiale s'inquiétait de voir l'économie s'effondrer avec la fermeture des échanges.

Au-delà des conséquences économiques, en représailles aux attaques du 7 octobre, Israël a juré d' « anéantir » le Hamas et sa réponse militaire a fait plus de 21.100 morts, principalement des femmes et des moins de 18 ans, selon le ministère de la Santé dirigé par le Hamas.

(Avec AFP)