"L'accord sur le nucléaire iranien ne changera pas la nature du régime" (Uzi Rabi)

Par Propos recueillis par Nabil Bourassi et Giulietta Gamberini  |   |  601  mots
"Les américains se leurrent", a jugé le professeur Uzi Rabi évoquant les termes de l'accord signé entre le groupe des six et l'Iran
Le professeur Uzi Rabi, directeur du Centre Moshe Dayan, est spécialiste de l'Iran. Il était à Paris en mars dans le cadre d'une conférence sur le Moyen-Orient après le printemps arabe organisé par l'EIPA (Europe Israël Presse Association). Selon lui, l'accord sur le nucléaire iranien est d'abord un pari sur l'avenir fait par le président américain Barak Obama, car rien ne permet de vérifier que l'Iran respectera ses engagements à long terme... Il juge également que les Américains n'ont formulé aucune exigence pour que l'Iran mette un terme à son soutien aux organisations terroristes.

Comment analysez-vous l'accord signé entre le groupe des six et l'Iran ?

L'Iran sera le grand bénéficiaire de cet accord. La levée de l'embargo va apporter une importante bouffée d'oxygène à son économie, ce qui va significativement renforcer le régime qui va se prévaloir de cet accord. Le risque est que l'Iran va disposer de nouvelles ressources pour poursuivre sa stratégie de déstabilisation régionale qui consiste, entre autres, au financement d'organisations terroristes ou du régime de Bachar Al-Assad. L'autre conséquence de cet accord est qu'il va attiser la méfiance des autres pays arabes sunnites qui ne croient pas à la promesse de l'Iran de renoncer à la bombe nucléaire. Il y a un réel danger que ces pays cherchent à leur tour à s'équiper d'un tel arsenal militaire.

N'est-ce pas pourtant la victoire des modérés incarnés par le président Rohani contre les durs du régime iranien ?

L'argument qui consiste à dire qu'il faut tendre la main aux modérés iraniens afin de rendre le régime plus amical et plus démocrate est faux. Il est utilisé par les Américains pour justifier l'accord sur le nucléaire. Mais je n'y crois pas. Je pense que les Américains se leurrent. L'Iran est une république islamique dont les rênes sont tenues par le Guide suprême. Et cet accord ne changera rien d'un point de vue économique et politique. Un second argument, que je considère également comme faux, a été utilisé par les Américains. D'après eux, l'Iran est devenu un partenaire fiable dans la lutte contre Daesh. Sauf qu'en réalité, l'Iran, qui a son propre agenda et ses priorités, a contribué à nourrir l'instabilité dans la région.

Cet accord ne serait pas dans l'intérêt régional... Mais pourquoi les Américains se sont-ils autant investis alors ?

Nous verrons si l'Iran respecte ses engagements et arrête de financer le terrorisme. On pourra alors parler d'un bon accord. Dans deux ans, lorsqu'Obama ne sera plus là, les Iraniens commenceront à violer l'accord par petites touches jusqu'à détricoter l'ensemble des termes. Mais pour les Américains, la complexité de la situation régionale nécessitait de rééquilibrer les choses et ne plus se reposer uniquement sur l'Arabie Saoudite, qui représente surtout la communauté sunnite. Grâce à cet équilibre, les Américains espèrent pouvoir poursuivre leur retrait militaire dans la région, enclenché au début du premier mandat de Barack Obama, mais qui a été interrompu après la création de Daesh.

Comment Daesh peut tirer profit de cet accord ?

Justement en faisant valoir que les Américains tournent le dos aux sunnites comme ils l'ont fait lors de la chute de Saddam Hussein en Irak. Avec cet accord, Barack Obama s'est lancé dans un jeu de hasard qui sera probablement son legs aux générations suivantes. Nous verrons bien ce que cela donnera...

Que pensent les Israéliens de cet accord, sont-ils en phase avec la position de Benjamin Netanyahou ?

Dans leur immense majorité, les Israéliens sont convaincus que cet accord est mauvais. Ils attendent d'un accord que l'Iran cesse de soutenir le terrorisme. Certains estiment que le Premier ministre israélien porte une part de responsabilité dans les termes conclus entre le groupe des six et les Iraniens, notamment en raison de son comportement. En outre, les Israéliens s'attendaient à ce que les Américains dominent les négociations, or, ce sont les Iraniens qui se sont montré les plus actifs.