L'Allemagne et l'Autriche concentrent le plus d'opposition au TTIP

Par Daniela Vincenti, Euractiv  |   |  936  mots
Manifestation anti-TTIP à Berlin en mars 2015
Les dirigeants européens avaient exhorté la Commission à redoubler d'efforts pour communiquer sur le partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement (TTIP), lors du dernier Conseil. La Commission redouble d'efforts en Allemagne et en Autriche.

"Quels que soient les efforts déployés par la Commission pour une meilleure communication, si les États membres ne s'engagent pas activement dans cet exercice, nous n'allons pas réellement changer la nature du débat", a déclaré le négociateur en chef du TTIP, Ignacio Garcia, dans une interview exclusive à EurActiv.

>> Lire : Les dirigeants européens volent au secours du TTIP

Pour les dirigeants européens, le TTIP représente une façon de redresser l'économie européenne, tout comme la mise en place de réformes structurelles et du plan Juncker, censé encourager l'investissement.

Le 9ème cycle des négociations, qui aura lieu à New York (du 20 au 24 avril), plongera encore une fois dans le chapitre délicat de la coopération réglementaire. L'idée est de rendre droit européen et américain plus compatibles pour que les entreprises croulent moins sous la paperasse. Cette coopération a pour objectif de réduire les coûts, d'offrir aux consommateurs davantage de choix et de mettre en place un cadre réglementaire renforcé.

Pourtant, c'est justement ce volet réglementaire, ainsi que le très controversé mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE), qui posent problème et se heurtent à de vives critiques. Pour les détracteurs, le TTIP abaissera les normes dans des domaines tels que les produits chimiques, les normes alimentaires et les services financiers.

Même si la Commission européenne et les entreprises assurent qu'aucun des éléments du système réglementaire européen actuel ne sera modifié par le TTIP, les ONG et les militants ne sont pas convaincus.

"Le débat est perçu de manière très différente dans chaque État membre", explique Lutz Güllner, responsable communication à la DG du commerce. "Les différences sont colossales en termes d'intensité, de prévision d'enjeux et de problèmes, mais aussi de bénéfices escomptés."

Une opinion publique polarisée et indécise

Selon un récent sondage réalisé par YouGov dans sept pays au début du mois, l'opinion publique est clairement polarisée en Allemagne. En effet, deux Allemands sur cinq (43 %) pensent que le TTIP serait mauvais pour leur pays. Seul un Allemand sur quatre considère que l'accord serait une bonne chose.

Dans la plupart des États membres, une grande majorité de la population est néanmoins indécise et ne sait pas si elle doit soutenir ou non le TTIP.

Lutz Güllner a confirmé que les discussions les plus difficiles ont lieu en Allemagne et en Autriche, où une nouvelle approche de communication est à l'étude.

"Il y a 10 ans, quand nous avons passé des accords commerciaux, il n'y avait pas de débat. Les gens voulaient connaître les retombées macroéconomiques et la valeur des accords. Le TTIP a changé la donne, car les gens posent plus de questions sur les véritables conséquences. Ils sont beaucoup plus sur la défensive et veulent connaître les risques et les bénéfices. Ce qu'ils demandent ce ne sont pas des chiffres, ce sont des exemples concrets", a continué Lutz Güllner, ajoutant que la Commission s'est adaptée au débat.

Toutefois, s'adapter au nouvel écosystème de l'opinion publique n'est pas suffisant. Donner des exemples, expliquer ce que la Commission européenne veut tirer des négociations et ce que cela signifie pour les entreprises, le grand public et les consommateurs n'est pas suffisant. Il ne suffit pas non plus d'être actif sur les médias sociaux et d'organiser des réunions à travers l'Europe pour expliquer et convaincre.

"La Commission n'est pas seule. Nous avons un mandat et des objectifs communs", a insisté Lutz Güllner, qui estime que les États membres ne peuvent pas attendre que Bruxelles délivre le remède miracle.

Réorienter le débat

Défendant le travail de la Commission, Ignacio Garcia Bercero, a déclaré que de nombreux responsables de son équipe se sont rendus en Allemagne et en Autriche.

"À moins d'avoir une implication réelle des autorités politiques des États membres, de l'industrie et de ceux qui veulent que cet accord soit concluant, cela ne marchera pas."

Actuellement, la coordination entre l'UE est les États membres est informelle, avec la mise en place d'une plateforme commune où nous échangeons les meilleures pratiques. Aucune structure ou coordination n'a toutefois été établie.

"Tout dépend de la situation nationale et individuelle de chaque État membre", a affirmé Lutz Güllner.

En Allemagne, la Commission a mis en place une série de discussions réunissant des citoyens et une coalition d'entreprises et de syndicats et parrainées par Europa Union, une ONG pro-européenne indépendante. Jusqu'à présent, six ou sept discussions ont été organisées et ont réuni plus de 500 personnes venues pour poser des questions et faire part de leurs inquiétudes. "Cela demande énormément de ressources, mais nous nous sommes engagés à le faire", a-t-il expliqué.

Est-ce que cela a permis de changer la donne ? C'est difficile à dire. "Je crois que l'intensité du débat s'est un peu calmée. Il se concentre désormais sur des points essentiels plutôt que sur le projet lui-même", a commenté Ignacio Garcia Bercero.

Prochaine étape:

>> 20-24 avril : neuvième cycle des négociations sur le TTIP

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Par Daniela Vincenti (traduit de l'anglais par Manon Flausch), EurActiv.com

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