L'économie afghane a perdu 10 ans depuis l'arrivée des talibans d'après l'ONU

Par latribune.fr  |   |  662  mots
Le rapport de l'ONU dresse un tableau bien sombre de la situation en Afghanistan, avec un effondrement des systèmes bancaires et financiers, 700.00 emplois perdus à mi-2022 et un enfant sur cinq menacé de malnutrition sévère. (Crédits : JORGE SILVA)
L'ONU s'inquiète de la situation de l'économie en Afghanistan. Dans un rapport, l'organisation internationale parle d'« un effondrement catastrophique » depuis l'arrivée des talibans au pouvoir, effaçant en moins d'un an ce qui avait nécessité dix années à construire. Entre 95% et 97% de la population vit aujourd'hui sous le seuil de pauvreté, et le pays fait partie de la liste des six États où le risque de famine est jugé maximal.

L'économie afghane périclite depuis la prise de pouvoir des talibans en août 2021. Déjà très réduite avant leur arrivée - avec un PIB d'environ 20 milliards de dollars - elle a perdu « environ cinq milliards de dollars en un an », d'après Kanni Wignaraja, la directrice du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) pour l'Asie et le Pacifique.

« Cela représente environ dix années de richesses et d'avoirs accumulés, perdus en seulement dix mois. Nous n'avons pas vu un tel effondrement dramatique ailleurs dans le monde », a appuyé Kanni Wignaraja lors d'une conférence de presse ce mercredi 5 octobre.

Effondrement de l'économie formelle

Le rapport dresse un tableau bien sombre de la situation dans le pays, avec un effondrement des systèmes bancaires et financiers, 700.00 emplois perdus à mi-2022, en majorité par des femmes, et un enfant sur cinq est menacé de malnutrition sévère, en particulier dans le sud.

L'effondrement de l'économie formelle a d'autre part provoqué une augmentation de la part de l'économie illicite, qui représente 12% à 18% du PIB, contre 9% à 14% il y a un an.

Lire aussiAfghanistan : les talibans signent un accord avec la Russie pour la livraison de pétrole et de blé

Une population quasi entière sous le seuil de pauvreté

Toujours d'après le rapport, les Afghans dépensent de « 60% à 70%, voire 80% de leurs revenus en nourriture et carburant », alors que le prix d'un panier alimentaire de base a augmenté de 35% depuis août 2021. Désormais, 95% à 97% de la population vit sous le seuil de pauvreté, contre un peu plus de 70% il y a un an.

En mars dernier déjà, la Banque mondiale alertait sur la dégradation du quotidien de la population afghane depuis l'arrivée des talibans. Dans le cadre d'une étude réalisée par téléphone auprès de 5.000 foyers afghans, 70% d'entre eux indiquaient ne pas être en mesure d'assurer leurs besoins alimentaires et non-alimentaires élémentaires, soit deux fois plus que lors de la précédente enquête de mai 2021.

Lire aussiPénuries alimentaires, chômage, éducation : l'économie afghane vacille depuis l'arrivée des talibans

Risque de famine maximal en Afghanistan

L'Afghanistan fait partie de la liste des six pays placés en « alerte maximale » par l'ONU concernant le risque de famine. À ses côtés, on retrouve l'Éthiopie, le Nigeria, le Soudan du Sud, la Somalie et le Yémen, d'après un rapport publié en septembre par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM).

Dans ces six États, 970.000 personnes devraient répondre, d'ici janvier 2023, aux critères de la phase "catastrophe" (5), soit la plus élevée de la classification sur la sécurité alimentaire. Il s'agit des situations dans laquelle « la famine et la mort sont une réalité quotidienne, et où des niveaux extrêmes de mortalité et de malnutrition peuvent survenir sans action immédiate ».

Cette estimation est dix fois plus élevée qu'il y a six ans, « sous l'effet des conflits, du changement climatique et de l'instabilité économique aggravée par la pandémie de Covid-19 et les répercussions de la crise en Ukraine », indique le rapport.

Lire aussiAlimentation: la faim dans le monde ne cesse de s'aggraver

Pour Abdallah Al Dardari, représentant du PNUD en Afghanistan, l'aide humanitaire ne sera pas suffisante pour faire face à la situation alors que le nombre de personnes nécessitant cette aide est passé de 19 millions à 22 millions en 14 mois.

« Nous voulons créer 2 millions d'emploi, en favorisant une reprise du secteur privé, en travaillant avec les communautés locales, en se concentrant sur les femmes entrepreneures, et par un renouveau des infrastructures agricoles locales et des institutions de micro-finance et bancaires », a-t-il déclaré, avec l'objectif de mener ces actions sur les trois prochaines années.

Lire aussiLe défi humanitaire de "produire plus" n'invalide pas l'urgence planétaire de "produire mieux"

(Avec AFP)