L'économie britannique en mauvaise posture

Par Ivan Best  |   |  592  mots
La chute de la livre sterling va renchérir le prix des importations
Déjà en phase de ralentissement, l'économie britannique va souffrir du Brexit. La dépréciation de la livre n'est en aucun cas favorable à une économie largement désindustrialisée

Une économie industrielle a toutes les chances de profiter d'une dévalorisation de sa monnaie : les produits deviennent plus compétitifs sur les marchés extérieurs, les volumes vendus augmentent. De leur côté, les prix des importations grimpent, d'où un report de la consommation «domestique » vers les produits nationaux.

Ce scénario positif ne joue pas pour le Royaume Uni. La chute de la livre (-13,3% vis à vis de l'euro, depuis le plus haut de novembre 2015, et cela pourrait continuer)  ne va pas profiter à l'économie britannique. Tout simplement parce que sa base industrielle est de plus en plus faible. La valeur ajoutée dans le secteur manufacturier ne représente plus qu'un peu plus de 8% du PIB. Rien à avoir avec l'Allemagne, où l'industrie pèse pour près d'un quart de l'économie. Que va-t-il alors se passer ? Les prix des importations vont donc augmenter, risquant d'accroître encore le déficit de la balance commerciale, proche de 7% du PIB. Toute la question, posée de longue date, est celle du financement de ce déficit des échanges de biens : il a toujours été rendu possible, pour partie, par la vente de services à travers le monde, mais aussi et surtout par un afflux de capitaux. Problème: avec l'affaiblissement de la livre, ce financement par des capitaux extérieurs ne va-t-il pas être remis en cause ?

Hausse des prix des importations

Côté exportations, il ne faut donc pas s'attendre à ce que les ventes à l'étranger soient dopées par une livre plus faible. « L'industrie britannique, pour ce qu'il en reste, ne peut guère réagir à une telle dévaluation », relève le directeur des études économiques de Natixis, Patrick Artus. « Quant aux services financiers sophistiqués que vendent les Anglais, leur demande n'est guère sensible à une baisse de prix. »

D'un point de vue "domestique", entreprises comme ménages vont souffrir d'une hausse des prix des importations. Mécaniquement, le pouvoir d'achat des britanniques vis-à-vis de l'extérieur va donc diminuer. Et donc leur pouvoir d'achat tout court. Sa chute va entraîner celle de la consommation.

Un recul du PIB de 3,6% ?

Un mois avant le vote, le ministère des Finances britannique avait tenté d'évaluer l'impact économique d'un Brexit. Compte tenu de ces enchaînements - baisse de la livre, hausse des prix des importations, baisse du pouvoir d'achat externe et interne -, le ministère estimait, dans son scénario le plus modéré, qu'à l'horizon de deux ans, la livre baisserait de 12%, entraînant une hausse des prix à la consommation de 2,3% - en plus de la tendance actuelle -. Ainsi, le pouvoir d'achat des salaires chuterait de 2,8% et le PIB reculerait de 3,6%. Il en résulterait une hausse de 520.000 du nombre de chômeurs.

Les pauvres souffriront le plus

Un scénario extrême ? D'autres calculs font état d'une baisse limitée du PIB, autour de -1%. En tous cas, rares sont les économistes à contester cette logique. Et, soulignent-ils, ce sont les plus pauvres des britanniques qui souffriront le plus. Car les produits de base -alimentation, habillement- verront leurs prix déraper nettement. Sans compter que les services publics, dont bénéficient les populations à bas revenus, comme la santé, seront mis à mal par une baisse des recettes publiques. Leurs ressources risquent d'être amputées.

Les économies mises en avant par l'arrêt de la contribution du budget britannique à l'Union européenne sont illusoires, car pour continuer de commercer avec l'Europe, un financement sera toujours exigé de la part de Bruxelles.