La riposte d'Israël est-elle évitable ? L'Etat hébreu ne « cherche pas » une escalade avec l'Iran, selon les Etats-Unis

Par latribune.fr  |   |  1221  mots
Joe Biden (Crédits : Elizabeth Frantz)
Les Etats-Unis ne veulent pas d'une « escalade » et d'une « guerre étendue avec l'Iran », a insisté dimanche le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, au lendemain d'une attaque inédite de la République islamique sur Israël. Et pour cause, une réponse vive d'Israël pourrait entraîner une escalade militaire au Moyen-Orient.

Israël va-t-il riposter et attaquer l'Iran après l'attaque sans précédent lancée par Téhéran contre l'Etat hébreu dans la nuit de samedi à dimanche ? Et si oui, la riposte serait-elle d'ampleur ? Ces question sont sur toutes les lèvres depuis qu'Israël a déjoué l'attaque iranienne. Mais, selon un haut responsable américain qui a requis l'anonymat, l'Etat hébreu ne « cherche pas » une escalade avec l'Iran. En cas de riposte israélienne, les Etats-Unis ne participeront pas, a-t-il ajouté.

Peu de dégâts

« Nous ne ferons partie d'aucune réponse qu'ils entendent mener », a affirmé ce responsable à la presse. « Nous ne nous voyons pas participer à un tel acte », a-t-il insisté. Plus tôt dans la journée, Joe Biden a tenu le même discours au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, en lui indiquant de considérer comme une « victoire » le fait qu'Israël ait déjoué l'attaque iranienne.

Même s'il a rappelé le soutien « inébranlable » des Etats-Unis à Israël, le président américain veut à tout prix éviter un embrasement de la région quelques mois de la présidentielle américaine. Pour justifier cette position Washington explique que l'attaque iranienne n'a pas fait de victimes ni de gros dégâts.

« Quels dégâts ont-ils (les 300 drones et missiles, Ndlr) causés ? a demandé John Kirby, le porte-parole du Conseil national de sécurité de la Maison. « Pas beaucoup. C'est une prouesse incroyable de la part d'Israël, mais cela montre aussi que l'Iran n'est pas la puissance militaire qu'il prétend être », a-t-il jugé, sur un plateau de télévision. « Je dirais que le Premier ministre (israélien) est très conscient du fait que le président (Biden) ne cherche pas un conflit avec l'Iran, qu'il ne veut pas que les tensions s'aggravent et que le président fait tout, et ce depuis le 7 octobre, pour essayer d'éviter que cela ne devienne une guerre régionale plus large », a indiqué John Kirby dimanche.

Réponse quasi-inévitable ?

Pour autant, pour certains analystes, une riposte d'Israël contre la République islamique, est quasi-inévitable. Chacun y va de son argument.

« Traditionnellement, Israël a zéro tolérance si son sol national est frappé par un autre Etat », souligne Stéphane Audrand, consultant en sécurité, qui estime que Benjamin Netanyahou « ne peut pas ne pas réagir ».

« Une réponse israélienne interviendra, sur le sol iranien », affirme également sur X Tamir Hayman, ancien chef du renseignement militaire israélien qui dirige l'Institut d'études sur la sécurité nationale (INSS).

« Si Israël riposte, ce sera selon les mêmes paramètres : sur des sites militaires, pas sur la partie civile et probablement pas sur la partie économique », avance l'analyste Sima Shine, une ancienne agente du Mossad qui dirige le programme sur l'Iran de l'INSS.

Pour maîtriser le risque d'escalade, « il faudrait que les Israéliens se contentent de frappes sur des sites conventionnels, sur des sites d'où sont partis des missiles, sur des usines de drones », observe Stéphane Audrand.

D'ailleurs, l'attaque iranienne semble avoir été calibrée pour éviter « un nombre important et significatif de victimes du côté israélien », estime Menahem Merhavy, spécialiste de l'Iran à l'université hébraïque de Jérusalem. Les Iraniens ont frappé Israël « d'une manière contrôlée », notamment « pour ne pas subir une réponse aussi substantielle de la part d'Israël qui compromettrait leur programme nucléaire », observe Hasni Abidi, du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen, à Genève.

C'est d'ailleurs le programme nucléaire iranien qui justifie, aux yeux de certains, de frapper l'Iran. Pour éviter qu'une attaque similaire, mais avec des ogives nucléaires cette fois, ne soit un jour déclenchée. Israël accuse en effet depuis des années la République islamique de chercher à acquérir l'arme atomique, ce qu'elle nie.

Avec un Premier ministre israélien jugé imprévisible, qui joue sa survie politique à la tête d'une coalition de droite et d'extrême droite, il y a un « peu ce risque d'emballement sur le nucléaire », juge Stéphane Audrand.

L'Iran a fait preuve de retenue pour certains experts

Pour d'autres experts, l'Iran a fait en sorte de ne pas provoquer de gros dégâts. Sur France Info, l'universitaire Bertrand Badie, un spécialiste des relations internationales, a fait état d'une « retenue évidente du côté de l'Iran », qui n'a « pas de volonté d'escalade », car il « sait qu'Israël a des moyens militaires et diplomatiques dont (il) ne dispose pas ». « L'attaque telle qu'on l'a vue se dérouler cette nuit était d'un type dont l'Iran savait très bien qu'Israël avait tous les moyens de la parer ».

« Les frappes ont été très bien annoncées à l'avance et l'Iran a clairement indiqué qu'il voulait éviter de déclencher un conflit plus large. Il s'agissait de montrer une réponse ferme tout en (évitant) de provoquer une guerre directe », souligne Julien Barnes-Dacey, du Conseil européen pour les relations internationales.

L'Iran a ensuite appelé dimanche Israël à ne pas réagir militairement à son attaque. « L'affaire peut être considérée comme close », a insisté la mission iranienne à l'ONU trois heures après le début de l'opération.

En soirée, lors d'un Conseil de sécurité de l'ONU, son secrétaire général, Antonio Guterres, a appelé à la retenue « maximale ». « Ni la région ni le monde ne peuvent se permettre plus de guerre. Le Moyen-Orient est au bord du précipice. Les populations de la région font face à un vrai danger de conflit généralisé dévastateur. C'est le moment du désamorçage et de la désescalade. C'est le moment de montrer une retenue maximale », a-t-il déclaré.

Risque d'embrasement au Moyen-Orient

« Si Israël réagit de manière très énergique, il est probable que nous nous trouvions dans une situation d'escalade susceptible de s'étendre », prévient Meir Litvak, directeur du centre d'études iraniennes de l'université de Tel-Aviv.

Mais il n'est pas dans l'intérêt d'Israël d'ouvrir un nouveau front direct avec l'Iran alors que le pays est déjà engagé dans une guerre avec le mouvement palestinien Hamas dans la bande de Gaza, souligne-t-il. D'autant que les responsables israéliens avancent sur une ligne de crête diplomatique, en butte aux critiques de plus en plus véhémentes de capitales étrangères pour la catastrophe humanitaire en cours à Gaza.

A noter, les mêmes chancelleries, Washington en tête, ont serré les rangs depuis samedi face à l'Iran, assurant Israël de leur soutien, tandis que plusieurs pays - Etats-Unis, Jordanie, Grande-Bretagne, France- ont appuyé militairement la défense israélienne, selon l'armée. Si bien qu'« Israël ne peut pas riposter sans consulter les Américains », juge Sima Shine. Avant de riposter, « il ne s'agit pas seulement de consulter, mais d'obtenir l'approbation de Washington », assure Tamir Hayman. « Le temps est de notre côté, nous pouvons penser, planifier et agir intelligemment », écrit-il sur X, estimant que « le succès défensif » obtenu ce week-end permet de ne pas se précipiter.

(Avec AFP)