La Russie accuse l'Occident d'envisager "une troisième guerre mondiale" qui serait "nucléaire"

Par latribune.fr  |   |  1173  mots
Le chef de la diplomatie du Kremlin a estimé ce jeudi que les dirigeants occidentaux pensait à une guerre nucléaire dans leur conflit avec la Russie. (Crédits : Reuters)
Le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov a estimé jeudi que les dirigeants occidentaux pensaient à une guerre nucléaire dans le cadre du conflit avec la Russie. Dimanche, le Kremlin a ordonné la mise en alerte des "forces de dissuasion" russes, qui comprennent un volet nucléaire. Une décision condamnée par les pays occidentaux, accusant alors la Russie de "fabriquer des menaces qui n'existent pas". Ces nouvelles déclarations interviennent alors que les combats en Ukraine s'intensifient, que les mesures occidentales de rétorsions contre la Russie sont de plus en plus sévères et que des pourparlers entre Ukrainiens et Russes doivent se tenir ce jour.

Jeu de dupes, guerre d'informations, propagande ou réelles menaces ? En tout cas les tensions entre l'Occident et la Russie, au sujet de l'invasion de l'Ukraine, restent très fortes. Et les propos font froid dans le dos. Le chef de la diplomatie du Kremlin a estimé ce jeudi que les dirigeants occidentaux pensait à une guerre nucléaire dans leur conflit avec la Russie. Des déclarations qui interviennent alors que les combats en Ukraine s'intensifient, que les mesures occidentales de rétorsions contre la Russie sont de plus en plus sévères, que les livraisons d'armes des Européens se renforcent et que des pourparlers entre Ukrainiens et Russes devraient se tenir ce jour.

"Tout le monde sait qu'une troisième guerre mondiale ne peut être que nucléaire, mais j'attire votre attention sur le fait que c'est dans l'esprit des politiques occidentaux, pas dans celui des Russes", a dit le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, lors d'une conférence de presse en ligne, avant d'estimer que des plans "d'une guerre réelle" contre Moscou sont en train d'être élaborés.

Vladimir Poutine a ordonné dimanche la mise en alerte des "forces de dissuasion" russes, qui comprennent un volet nucléaire. Les forces de dissuasion russes sont un ensemble d'unités dont le but est de décourager une attaque contre la Russie, "y compris en cas de guerre impliquant l'utilisation d'armes nucléaires", selon le ministère de la Défense russe.

Les propos du gouvernement français visés

La déclaration du jour portée par le chef de la diplomatie russe vise notamment des propos de ses homologues français et britannique Jean-Yves Le Drian et Elizabeth Truss évoquant la dissuasion nucléaire et le risque de guerre avec la Russie. "Si certains élaborent un plan de guerre réelle contre nous, et je pense qu'ils les élaborent, ils doivent bien réfléchir", a-t-il dit, assurant que "nous ne laisserons personne nous déstabiliser".

Mardi, le ministre français de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, avait déclaré que les puissances occidentales allaient "livrer une guerre économique et financière totale à la Russie" et "provoquer l'effondrement de l'économie russe". L'ancien président russe Dmitri Medvedev, désormais membre du conseil de sécurité russe auprès du président Vladimir Poutine, a mis en garde la France, en déclarant qu'il ne fallait pas "'oublier que dans l'histoire de l'humanité, les guerres économiques se transforment assez souvent en vraies guerres". Quelques heures plus tard, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, a corrigé le tir et a jugé "inappropriée" sa mention de "guerre économique" évoquée plus tôt.

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Une mesure justifiée aux yeux du président russe par les déclarations agressives de grands pays membres de l'Otan et par les sanctions financières sévères que les Occidentaux ont décidé d'imposer à la Russie. Une escalade "inacceptable" et "irresponsable" pour les Etats-Unis et l'OTAN.

Les responsables occidentaux avaient notamment accusé Vladimir Poutine de "fabriquer des menaces qui n'existent pas" alors que les Etats-Unis ont dénoncé une escalade "inacceptable" par Moscou. "Il s'agit d'un schéma répété que nous avons observé de la part du président Poutine durant ce conflit, qui est de fabriquer des menaces qui n'existent pas afin de justifier la poursuite d'une agression. "A aucun moment la Russie n'a été menacée par l'Otan ou l'Ukraine (...) Nous allons résister à cela. Nous avons la capacité de nous défendre", avait expliqué dimanche la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki, interrogée sur la question sur ABC.

Dès l'annonce de l'intervention militaire russe en Ukraine, le maître du Kremlin avait laissé entendre qu'il pourrait utiliser l'arme nucléaire. "Quiconque tentera de nous gêner, a fortiori de créer une menace pour notre pays, pour notre peuple, doit savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et infligera des conséquences telles que vous n'en avez jamais connu dans votre histoire", avait-il dit.

La doctrine nucléaire russe bien différente de celle française

Dans une tribune publiée dans nos colonnes, Cyrille Bret, Chercheur associé - Institut Jacques Delors et enseignant à Sciences Po, estime que les messages répétés de la présidence russe sur le nucléaire constituent une menace à prendre au sérieux. "La doctrine russe sur le nucléaire est en effet bien différente de l'approche française. Pour les pouvoirs publics français, l'arme nucléaire est essentiellement dissuasive", écrit-il.

Pour les autorités russes, en revanche, la latitude de l'usage de l'arme nucléaire est plus étendue. "En effet, elles laissent depuis longtemps planer plusieurs doutes : d'une part, l'arme nucléaire pourrait être utilisée non pas pour frapper massivement des villes comme à Hiroshima et à Nagasaki, mais pour cibler des moyens militaires essentiels de l'ennemi. En d'autres termes, la Russie n'exclut pas l'usage tactique de l'arme nucléaire sur les théâtres d'opérations. En outre, elle ne rejette pas non plus par principe l'emploi de l'arme nucléaire dans le cadre d'une offensive destinée à mettre fin plus rapidement à un conflit."

Mais pour l'enseignant, "loin d'être un signe de puissance, cette menace réitérée [de l'usage de l'arme nucléaire, NDLR] est l'aveu d'un échec politique irrémédiable - et cela, même si la Russie finit par obtenir une victoire militaire sur le terrain ukrainien en n'employant que les forces conventionnelles." Et d'ajouter : "Cette situation illustre l'incapacité politique de la présidence russe à se faire entendre en dehors de son propre système".

Les combats s'intensifie en Ukraine

Cette nouvelle menace intervient alors que les combats sont de plus en plus vifs en Ukraine. Une semaine après le lancement de leur invasion, les forces russes ont pris leur première grande ville, Kherson (métropole de 290.000 habitants proche de la péninsule de Crimée) et intensifient leur pilonnage sur d'autres villes, avant des pourparlers jeudi visant à obtenir un cessez-le-feu. L'Allemagne a ainsi décidé d'accroître ses livraisons d'armes à l'Ukraine en guerre, en lui dépêchant 2.700 missiles antiaériens supplémentaires, tous - curieuse ironie de l'Histoire - de fabrication soviétique.

Les sanctions économiques infligées à Moscou par le camp occidental sont par ailleurs de plus en plus dures. L'UE a confirmé que sept banques russes seraient, à compter du 12 mars, exclues du système de messagerie Swift, un rouage-clé de la finance internationale, tandis que la Banque mondiale a coupé tous ses programmes d'aide en Russie et au Bélarus.

Les agences de notation financière Fitch et Moody's ont rétrogradé la Russie dans la catégorie des pays risquant de ne pas pouvoir rembourser leur dette, reléguant la Russie dans la catégorie des placements spéculatifs.