La Russie subit des « problèmes » de paiements avec la Chine

Par latribune.fr  |   |  861  mots
Le Kremlin a reconnu ce mercredi des « problèmes » de paiements pour certaines entreprises russes avec leurs homologues chinoises. (Crédits : Reuters)
Une des principales banques chinoises pour les importateurs russes a suspendu tous ses règlements avec la Russie, sans fournir d'explications. Moscou a affirmé s'occuper du problème avec ses « amis chinois ». Depuis le début de la guerre en Ukraine, la Russie a entretenu des liens économiques étroits avec la Chine, jusqu'à devenir son principal partenaire économique.

Article mis à jour le jeudi 8 février à 18h35.

Que se passe-t-il entre la Chine et la Russie ? Le Kremlin a reconnu ce mercredi des « problèmes » de paiements pour certaines entreprises russes avec leurs homologues chinoises. En effet, l'une des principales banques chinoises pour les importateurs russes, Zhejiang Chouzhou Commercial Bank, a récemment bloqué tous les règlements avec la Russie, sans fournir d'explication officielle à ce stade, rapporte le quotidien économique russe Vedomosti.

« Le gouvernement s'occupe de cette question (...) Nous entretenons un dialogue étroit avec nos amis chinois et, bien entendu, nous résoudrons tous les problèmes émergents dans le cadre de ce dialogue », a affirmé mercredi à la presse Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin.

D'autres banques ont elles aussi durci leurs règles, visiblement sous la pression de sanctions secondaires de la part des Etats-Unis, mais aussi à l'approche des célébrations du Nouvel an en Chine, qui marquent un ralentissement de l'activité économique dans le pays.

La Zhejiang Chouzhou Commercial Bank est basée à Yiwu, dans la province du Zhejiang, sur la cote est de la Chine, abritant le plus gros marché de petites marchandises au monde, très prisé par les importateurs russes. Cette banque qui utilise SWIFT, dont la Russie a été bannie depuis son invasion de l'Ukraine le 24 février 2022, craint visiblement d'être soumise à des sanctions. En effet, depuis la signature d'un  décret signé par le président Joe Biden le 22 décembre dernier, le Trésor américain peut sanctionner les entreprises étrangères qui financent les activités russes qui tombent sous le coup des sanctions même si elle ne le font pas en dollars.

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Principal partenaire économique

Des incidents fâcheux d'autant plus que la Chine est devenue le principal partenaire économique de la Russie depuis le début de l'assaut de Moscou en Ukraine en 2022 et la pluie de sanctions occidentales. Au total, selon les chiffres officiels européens, 49% des exportations européennes vers la Russie et 58% des importations russes sont sous sanctions.

Et pourtant, « l'économie russe a montré une résilience remarquable face à ces mesures punitives », relève un rapport en novembre du think-tank allemand Zois (Centre pour les études est-européennes et internationales).

Les échanges commerciaux entre les deux pays ont même atteint un niveau record en 2023, avec une augmentation de 26,3% sur un an, selon les Douanes chinoises. Par ailleurs, Pékin importe massivement du gaz et du pétrole de son voisin, « près de 50% » du brut russe selon le Kremlin, quand Moscou récupère de son côté notamment les composants électroniques dont elle a besoin et dont elle ne peut plus se fournir auprès des entreprises occidentales.

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Contournement des sanctions

D'autant que tous les moyens sont bons pour Moscou pour détourner les sanctions occidentales. La Russie s'est notamment équipée d'une « flotte de l'ombre et une infrastructure financière parallèle », relève la chercheuse de Carnegie Alexandra Prokopenko, qui travaillait à la Banque centrale de Russie jusqu'au début 2022. Ces navires pétroliers fantômes à la propriété opaque sont ainsi dépourvus d'assurance. « Le principal revenu de la Russie provient toujours des hydrocarbures », grâce aux « arrangements » avec ses principaux acheteurs, Chine et Inde particulièrement, relève-t-elle.

« Turquie et Kazakhstan sont devenus de véritables hubs logistiques » pour la Russie, ajoute-t-elle, notamment pour contourner les sanctions sur les biens technologiques, comme les semi-conducteurs indispensables à l'industrie de défense. Les technologies occidentales nécessaires pour les drones, les missiles, les communications viennent aussi en grande partie de la Chine, selon un responsable ukrainien.

Les pays européens participent eux-mêmes au système, avec par exemple l'explosion de leurs exportations vers les anciennes républiques soviétiques Kazakhstan, Kirghizistan, Arménie... vraisemblablement réexportées vers la Russie. Et dans le domaine des hydrocarbures, l'UE a augmenté ses achats de gaz liquéfié (GNL) russe (non soumis à embargo) de plus de 40% sur les sept premiers mois de l'année par rapport à la même période en 2021, pour une valeur de quelque 5,29 milliards d'euros, dénonçait fin août l'ONG Global Witness.

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« Dédollariser » son économie

Outre la flotte fantôme pour réduire les effets des sanctions, Moscou a également entamé la dédollarisation de son économie. Ainsi, la Russie a largement augmenté ces derniers mois le nombre d'opérations financières réalisées en devises nationales. La part du yuan chinois dans les exportations russes est alors passée de 0,4% avant le conflit en Ukraine à 34,5%, selon des dernières données communiquées fin janvier par la cheffe de la banque centrale russe, Elvira Nabioullina.

Pour rappel, plusieurs banques et institutions financières russes ont été déconnectées au système bancaire international SWIFT après le début de l'assaut russe en 2022, rendant difficiles les transferts d'argent depuis la Russie vers l'étranger.

(Avec AFP)