L'économie mondiale est toujours en zone de turbulences. Entre le commerce mondial secoué par les tensions en Mer rouge, l'enlisement de la guerre en Ukraine, le réchauffement climatique, la croissance économique peine à retrouver de l'élan. Dans ses dernières prévisions intermédiaires dévoilées ce lundi 5 février, l'OCDE table sur une croissance mondiale de 2,9% en 2024. L'institution a révisé à la hausse son chiffre pour cette année de 0,2 point par rapport aux précédentes prévisions de novembre.
Mais cette révision à la hausse ne doit pas masquer les difficultés d'une croissance planétaire à bout de souffle. L'activité mondiale ne cesse de ralentir depuis 2022 après le rebond post-Covid et reste inférieure à la moyenne mondiale de période 2001-2019.
Les économistes anticipent une très légère hausse pour 2025 de 0,1 point à 3%. « Des indicateurs récents suggèrent une certaine modération de la croissance, sous l'effet du durcissement des conditions financières dont les premiers effets continuent de se manifester sur les marchés du crédit et du logement, et une morosité persistante des échanges mondiaux », explique l'OCDE. « La croissance pourrait être également plus modeste que celle annoncée par les projections si les conséquences des relèvements passés des taux directeurs sont plus marquées que prévu », a déclaré Clare Lombardelli, cheffe économiste de l'OCDE lors d'un point presse.
En Europe, la croissance économique en panne sèche
L'économie européenne subit de plein fouet les effets de l'inflation et du resserrement de la politique monétaire de la BCE entamée à l'été 2022. L'OCDE a dégradé ses prévisions de croissance de 0,3 point pour 2024 à 0,6% contre 0,9% auparavant. Il s'agit de la plus forte révision dans les zones économiques occidentales.
Dans le détail, l'Allemagne continue de souffrir avec une légère hausse attendue cette année à 0,3% après une légère récession en 2023 (-0,1%). Les économistes ont abaissé leurs projections de 0,3 point rien que pour cette année. La première économie de la zone euro est engluée dans une croissance morose depuis le début de la guerre en Ukraine il y a deux ans. Dépendante de l'énergie russe pour faire tourner son industrie, Berlin a dû basculer vers d'autres sources d'approvisionnement en très peu de temps. A cela ce sont ajoutés, le ralentissement de la Chine, restée pendant longtemps un débouché majeur pour les exportations allemandes et une coalition allemande fragilisée.
En France, les moteurs de la croissance sont également asphyxiés. L'OCDE a dégradé sa prévision de croissance de 0,2 point à 0,6% contre 0,8% auparavant pour 2024. L'année dernière, le PIB avait accéléré de 0,9%. Mais la croissance en rythme trimestriel a fait du surplace pendant trois trimestres sur quatre. Résultat, l'acquis de croissance pour cette année demeure très faible. L'Italie devrait légèrement faire mieux que la France à 0,7% (pas de révision). Quant à l'Espagne, elle tire son épingle du jeu à 1,5% en 2024 (légère révision de +0,1 point). L'activité s'essouffle néanmoins grandement par rapport à 2023 (2,5%).
Les Etats-Unis en meilleure forme que prévu
Les performances de l'économie américaine ont surpris la plupart des économistes fin 2023. Malgré la hausse des taux de la Reserve fédérale (FED), la croissance est restée robuste l'année dernière à 2,5%. S'agissant de cette année, le PIB devrait marquer le pas à 2,1%. Mais l'OCDE est bien plus optimiste qu'à l'automne avec une révision à la hausse de 0,6 point. « Aux États-Unis, les dépenses des ménages et la solidité du marché du travail devraient continuer à soutenir la croissance annuelle du PIB », soulignent les experts de l'OCDE. Le grand plan d'investissement dans la transition énergétique (Inflation reduction act) de Joe Biden a clairement soutenu l'industrie aux Etats-Unis après le cataclysme de la pandémie.
En quelques mois, les constructions d'usines de batteries et de semi-conducteurs ont explosé outre-Atlantique. Ce qui a permis de soutenir largement le marché du travail. A quelques mois de l'élection présidentielle américaine, cette bonne santé économique pourrait être favorable au président sortant. Mais l'essoufflement des effets de cette relance pourrait à contrario le pénalisait face au candidat Donald Trump déterminé à reconquérir la Maison blanche malgré ses multiples déboires judiciaires.
Coup de frein attendu en Chine
L'économie chinoise devrait ralentir cette année. Après une croissance du PIB à 5,2% en 2023, l'OCDE table sur une activité à 4,7% pour 2024 (pas de révision). Pour 2025, la croissance pourrait encore s'essouffler à 4,2%. La Chine souffre « du manque de vigueur de la demande de consommation, du niveau élevé de l'endettement et de la faiblesse du marché immobilier », expliquent les experts de l'OCDE. Empêtrée dans une crise immobilière à rallonge, l'économie chinoise est loin de retrouver ses niveaux d'activité antérieurs à la crise sanitaire.
Longtemps restée le premier exportateur mondial, la Chine s'est retrouvée sous le feu des critiques pour sa gestion jugée calamiteuse de la pandémie. A cela s'ajoute la bataille commerciale avec les Etats-Unis. Désormais Washington cherche à sécuriser ses approvisionnement en privilégiant le commerce avec des Etats « amis » («Friendshoring »). Dans un ordre international en pleine recomposition, les entreprises exportatrices chinoises ont souffert. Reste à savoir si la Chine va se faire devancer par l'Inde actuellement en pleine expansion (6,2% de croissance prévue en 2024).