Croissance mondiale : le décrochage entre l'Europe et les Etats-Unis va s'accentuer en 2024

L'OCDE a révisé à la hausse sa prévision de croissance du PIB mondial de 0,2 point à 2,9% en 2024, après 3,1% en 2023. L'économie américaine a surpris à la hausse et l'inflation a ralenti plus que prévu. En Europe, l'Allemagne (0,3%) et la France (0,6%) sont empêtrées dans une croissance atone. Résultat, le décrochage de la zone euro face aux Etats-Unis devrait encore s'amplifier dans les mois à venir.
Grégoire Normand
Le port de commerce de Hambourg en Allemagne.
Le port de commerce de Hambourg en Allemagne. (Crédits : Reuters)

L'économie mondiale est toujours en zone de turbulences. Entre le commerce mondial secoué par les tensions en Mer rouge, l'enlisement de la guerre en Ukraine, le réchauffement climatique, la croissance économique peine à retrouver de l'élan. Dans ses dernières prévisions intermédiaires dévoilées ce lundi 5 février, l'OCDE table sur une croissance mondiale de 2,9% en 2024. L'institution a révisé à la hausse son chiffre pour cette année de 0,2 point par rapport aux précédentes prévisions de novembre.

Mais cette révision à la hausse ne doit pas masquer les difficultés d'une croissance planétaire à bout de souffle. L'activité mondiale ne cesse de ralentir depuis 2022 après le rebond post-Covid et reste inférieure à la moyenne mondiale de période 2001-2019.

Les économistes anticipent une très légère hausse pour 2025 de 0,1 point à 3%. « Des indicateurs récents suggèrent une certaine modération de la croissance, sous l'effet du durcissement des conditions financières dont les premiers effets continuent de se manifester sur les marchés du crédit et du logement, et une morosité persistante des échanges mondiaux », explique l'OCDE. « La croissance pourrait être également plus modeste que celle annoncée par les projections si les conséquences des relèvements passés des taux directeurs sont plus marquées que prévu », a déclaré Clare Lombardelli, cheffe économiste de l'OCDE lors d'un point presse.

En Europe, la croissance économique en panne sèche

L'économie européenne subit de plein fouet les effets de l'inflation et du resserrement de la politique monétaire de la BCE entamée à l'été 2022. L'OCDE a dégradé ses prévisions de croissance de 0,3 point pour 2024 à 0,6% contre 0,9% auparavant. Il s'agit de la plus forte révision dans les zones économiques occidentales.

Dans le détail, l'Allemagne continue de souffrir avec une légère hausse attendue cette année à 0,3% après une légère récession en 2023 (-0,1%). Les économistes ont abaissé leurs projections de 0,3 point rien que pour cette année. La première économie de la zone euro est engluée dans une croissance morose depuis le début de la guerre en Ukraine il y a deux ans. Dépendante de l'énergie russe pour faire tourner son industrie, Berlin a dû basculer vers d'autres sources d'approvisionnement en très peu de temps. A cela ce sont ajoutés, le ralentissement de la Chine, restée pendant longtemps un débouché majeur pour les exportations allemandes et une coalition allemande fragilisée.

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En France, les moteurs de la croissance sont également asphyxiés. L'OCDE a dégradé sa prévision de croissance de 0,2 point à 0,6% contre 0,8% auparavant pour 2024. L'année dernière, le PIB avait accéléré de 0,9%. Mais la croissance en rythme trimestriel a fait du surplace pendant trois trimestres sur quatre. Résultat, l'acquis de croissance pour cette année demeure très faible. L'Italie devrait légèrement faire mieux que la France à 0,7% (pas de révision). Quant à l'Espagne, elle tire son épingle du jeu à 1,5% en 2024 (légère révision de +0,1 point). L'activité s'essouffle néanmoins grandement par rapport à 2023 (2,5%).

Les Etats-Unis en meilleure forme que prévu

Les performances de l'économie américaine ont surpris la plupart des économistes fin 2023. Malgré la hausse des taux de la Reserve fédérale (FED), la croissance est restée robuste l'année dernière à 2,5%. S'agissant de cette année, le PIB devrait marquer le pas à 2,1%. Mais l'OCDE est bien plus optimiste qu'à l'automne avec une révision à la hausse de 0,6 point. « Aux États-Unis, les dépenses des ménages et la solidité du marché du travail devraient continuer à soutenir la croissance annuelle du PIB », soulignent les experts de l'OCDE. Le grand plan d'investissement dans la transition énergétique (Inflation reduction act) de Joe Biden a clairement soutenu l'industrie aux Etats-Unis après le cataclysme de la pandémie.

En quelques mois, les constructions d'usines de batteries et de semi-conducteurs ont explosé outre-Atlantique. Ce qui a permis de soutenir largement le marché du travail. A quelques mois de l'élection présidentielle américaine, cette bonne santé économique pourrait être favorable au président sortant. Mais l'essoufflement des effets de cette relance pourrait à contrario le pénalisait face au candidat Donald Trump déterminé à reconquérir la Maison blanche malgré ses multiples déboires judiciaires.

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Coup de frein attendu en Chine

L'économie chinoise devrait ralentir cette année. Après une croissance du PIB à 5,2% en 2023, l'OCDE table sur une activité à 4,7% pour 2024 (pas de révision). Pour 2025, la croissance pourrait encore s'essouffler à 4,2%. La Chine souffre « du manque de vigueur de la demande de consommation, du niveau élevé de l'endettement et de la faiblesse du marché immobilier », expliquent les experts de l'OCDE. Empêtrée dans une crise immobilière à rallonge, l'économie chinoise est loin de retrouver ses niveaux d'activité antérieurs à la crise sanitaire.

Longtemps restée le premier exportateur mondial, la Chine s'est retrouvée sous le feu des critiques pour sa gestion jugée calamiteuse de la pandémie. A cela s'ajoute la bataille commerciale avec les Etats-Unis. Désormais Washington cherche à sécuriser ses approvisionnement en privilégiant le commerce avec des Etats « amis » («Friendshoring »). Dans un ordre international en pleine recomposition, les entreprises exportatrices chinoises ont souffert. Reste à savoir si la Chine va se faire devancer par l'Inde actuellement en pleine expansion (6,2% de croissance prévue en 2024).

Grégoire Normand
Commentaires 22
à écrit le 06/02/2024 à 3:54
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Selon l'OCDE, les Américains ont un revenu disponible (médian) supérieur de 52 % à celui des Français. Il s'agit du revenu disponible, après toutes les nécessités. Nos dirigeants et nos médias s'accrochent encore au mythe selon lequel le monde envie ...

à écrit le 05/02/2024 à 18:58
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Depuis le temps qu'on décroche ! ^^ "Si vous ne trouvez plus rien cherchez autre chose" Brigitte Fontaine.

à écrit le 05/02/2024 à 17:45
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En laissant croire aux ukrainiens qu'ils entreraient dans l'OTAN, l'Amérique a créer le plus grand désordre dans cette UE naïve qui a suivit bêtement les ordres de l'oncle Sam. Poutine ne cherchait qu'un prétexte et on n'a rien vu venir en se privant...

le 05/02/2024 à 18:49
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@Calamard. Ben oui, c'est exactement ça, en plus d'acheter du gaz naturel liquéfié aux États-Unis (premier fournisseur de la France). Mais les États-Unis (qui protègent leur autonomie énergétique atteinte) ont déjà averti, par un "moratoire alibi", v...

le 06/02/2024 à 19:15
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Non, y'a pas de naïf, c'est voulu. Croire que Macron ou vont der leyen sont bêtes, c'est ça être naïf.

à écrit le 05/02/2024 à 15:30
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Et ne venez pas nous dire que les auto-sanctions de l'UE contre la Russie pourraient en être la cause première! :) :) :)

le 05/02/2024 à 16:54
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meme pas, les raisons sont multiples mais la premiere c est un deficit budgetaire XXL aux USA. Forcement ca fait de la croissance (a credit certes). Ensuite il y a le cote innovation. Ils ont google, nous avons Atos (merci T Breton, un vrai visionnai...

à écrit le 05/02/2024 à 14:40
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l'Europe est fichue il ne faut pas se le cacher.On a beau se raconter des histoires avec des si ,les USA nous battent à plate couture sur tous les plans. Les USA innovent et créent que cela nous plaise ou non le monde de demain s'élabore aux USA, ce...

à écrit le 05/02/2024 à 14:40
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Mais ça marche super fort l'Europe de van der layen et de macron . Les anglais doivent être si triste de ne pas être sur notre beau bateau Europe . Et nous les français , méchant que nous sommes , qui ne croyons pas à ce formidable projet d'avenir...

à écrit le 05/02/2024 à 14:36
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La croissance américaine est dopée par les déficits publics. 1 700 milliards de dollars en 2023, financés par la dette ! Encore heureux que ça produise un peu de croissance aux USA. Et encore c'est une croissance décevante vue les montagnes d'argents...

le 05/02/2024 à 16:36
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La dette des usa est financé par le monde grâce au dollars donc elle peut se permettre ce genre de déficit à savoir que la dette des usa faisait 130% sont PIB pendant le covid aujourd’hui elle est à 120% le pib des États Unis a cru de 1 691 milliard...

le 05/02/2024 à 17:21
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@Chris Vous avez globalement plutot raison mais le problème est que la dette/pib des USA est donnée en augmentation en 2024 à 126% et pour les années suivantes. Les USA n'ont aucun plan de reduction du deficit à moyen terme. Tous les pays ont baissé...

le 05/02/2024 à 17:33
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Sans oublier l'épargne financière. Les ménages français ont 5 000 milliards d'euros dans leurs bas de laine. La France pourrait théoriquement payer cash sa dette publique (si besoin extrême). Pas les Etats-Unis où 7 Américains sur 10 ont moins de 1 0...

à écrit le 05/02/2024 à 13:53
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Un recent article sur la Tribune expliquait que si l'Allemagne avait une deficit public de 7% comme les USA elle aurait une croissance supérieure aux USA... La croissance des USA n'est donc pas virtuose du tout si 2 ans après la fins du covid ils on...

à écrit le 05/02/2024 à 13:38
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L'administration européenne garote le développement de l'UE. On est largué dans beaucoup de domaines. Les normes et autres règles amoindrissent le développement. Depuis des décennies, la forme de gestion de cet assemblage d'Etats indépendants a laiss...

à écrit le 05/02/2024 à 13:10
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Moins de croissance ce sera moins de pollution. Déjà ça de pris.😇

le 05/02/2024 à 13:20
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quand les dirigeants d'un pays ont pour vision du monde le commerce au lieu de produire la decadence est la finalite il y a plus de valeur a produire et vendre que d'acheter mais acheter ne pollue pas ou peut alors voter ecolos avec pour ideal la...

à écrit le 05/02/2024 à 13:02
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F35, Palantir, GAFAM, déficits dans les hydrocarbures, la soumission coute cher.

le 05/02/2024 à 13:28
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Du moment où elle arrange le peuple et l'establishment...

à écrit le 05/02/2024 à 12:11
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Logique, non? sachant qu'il y en a un qui a sa monnaie dans l'échange mondiale, qui même si d'ici deux ans, sa valeur sera moindre par le nombre de pays qui en sortent ! Pour l’Europe, c'est surtout les suites de de l'oléoduc nord stream avec 35% de...

le 05/02/2024 à 15:31
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Si c'était aussi simple, le problème serait facile à résoudre : il suffit à l'UE de lever l'embargo sur l'exploitation du gaz de schistes dans son sous-sol (la France en serait la première bénéficiaire).

le 06/02/2024 à 4:24
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@georges Même si ce gaz de schiste s'avérait facile à extraire, il est peu probable que la France puisse le faire de manière économique. Le niveau de technologie, de concurrence et de services pétroliers qui s'est développé aux États-Unis est inco...

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