Armes hypersoniques : les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie se lancent dans la course face à la Russie et la Chine

Par latribune.fr  |   |  1092  mots
L'armée américaine a annoncé mardi avoir testé pour la deuxième fois avec succès un missile hypersonique (Crédits : EVELYN HOCKSTEIN)
Le Royaume-Uni, les Etats-Unis et l'Australie ont annoncé mardi qu'ils allaient développer ensemble des armes hypersoniques dans le cadre de leur pacte de sécurité AUKUS visant à contrer l'influence grandissante de la Chine dans la région Pacifique. L'armée américaine a par ailleurs annoncé mardi avoir testé pour la deuxième fois avec succès un missile hypersonique.

Alors que la Russie a affirmé avoir tiré deux missiles hypersoniques en Ukraine, que la Chine a déjà procédé l'an dernier à un test de ce type de missiles et que la Corée du Nord affirme également avoir procédé à des tirs, le Royaume-Uni, les Etats-Unis (qui font déjà des tests) et l'Australie ont annoncé mardi qu'ils allaient développer ensemble des telles armes dans le cadre de leur pacte de sécurité AUKUS visant à contrer l'influence grandissante de la Chine dans la région Pacifique.

"Nous nous engageons (...) aujourd'hui à commencer une nouvelle coopération trilatérale en matière de moyens de guerre hypersoniques, contre-hypersoniques et électroniques", ont indiqué les dirigeants américain Joe Biden, britannique Boris Johnson et australien Scott Morrison dans un communiqué commun, en précisant qu'ils ont également convenu d'"étendre le partage d'informations et d'approfondir la coopération en matière d'innovation dans la défense".

Deuxième test pour les Etats-Unis

Cette annonce intervient alors que l'armée américaine a annoncé mardi avoir testé pour la deuxième fois avec succès un missile hypersonique. Ces missiles sont plus rapides, plus maniables que les missiles standard, et par conséquent plus difficiles à intercepter.

Bras scientifique de l'armée américaine, le Darpa a précisé que le missile lancé depuis un avion avait parcouru plus de 300 milles nautiques (550 km) à cinq fois la vitesse du son (au moins 6.100 km/h), et atteint une altitude de quelque 20.000 mètres. Il s'agissait du deuxième test de missile hypersonique HAWC (Hypersonic Air-Breathing Weapon Concept) à propulsion aérobie, c'est-à-dire qu'il utilise l'oxygène présent dans l'atmosphère pour sa combustion. Le précédent test, en septembre, avait été mené avec un lanceur différent, a précisé le Darpa. Selon CNN, l'essai a été mené à la mi-mars et tenu secret jusque-là pour éviter toute escalade après l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

"Cet essai du HAWC de Lockheed Martin a démontré le succès d'un deuxième modèle qui permettra à nos combattants de sélectionner le meilleur armement pour dominer le champ de bataille", a commenté le directeur du programme HAWC, Andrew Knoedler.

Le Pentagone développe également un planeur hypersonique appelé ARRW (prononcer Arrow, ou flèche en anglais), mais son premier test grandeur nature a échoué en avril 2020.

Les missiles hypersoniques sont conçus pour voler à grande vitesse et à basse altitude, et pour changer de direction en vol et non suivre une trajectoire linéaire et prévisible, ce qui rend leur interception plus difficile. La Chine a testé en août un missile hypersonique qui a fait le tour de la Terre en orbite avant de descendre vers sa cible, qu'il n'a manquée que de quelques kilomètres. Quatre ans après les avoir dévoilées, la Russie a affirmé avoir procédé en Ukraine à deux tirs de sa nouvelle génération de missiles, qualifiés d'"invincibles" par Vladimir Poutine. La Russie possède 7 missiles de ce type.

Sept missiles hypersoniques russes

- Avangard, missile "invincible"

Les missiles hypersoniques russes Avangard ("avant-garde" en russe) sont capables de changer de cap et d'altitude à très haute vitesse, les rendant "pratiquement invincibles" selon Vladimir Poutine, qui compare la percée scientifique et militaire de leur développement "à la création du premier satellite artificiel de la Terre", le fameux Spoutnik. Testés avec succès en décembre 2018, leur vitesse a alors atteint Mach 27 -- soit 27 fois la vitesse du son -- et touché une cible située à environ 6.000 km, selon le ministère russe de la Défense. Ils ont été mis en service en décembre 2019.

- Kinjal, "poignard" hypersonique

Utilisés pour la première fois vendredi par l'armée russe, les missiles hypersoniques Kinjal ("poignard" en russe) ont permis selon Moscou la destruction d'un entrepôt souterrain d'armements dans l'ouest de l'Ukraine. Ce type de missiles, très manœuvrable, est censé défier les système de défense anti-aérienne. Ils ont atteint, lors des essais, toutes leurs cibles à une distance pouvant atteindre 1.000 à 2.000 km. Ils équipent les avions de guerre MiG-31. Leur emploi en Ukraine est une première mondiale pour un armement hypersonique, selon des experts.

- Sarmat, du pôle Nord au pôle Sud

Le missile lourd balistique intercontinental de cinquième génération Sarmat est censé lui aussi échapper aux défenses antimissiles. D'un poids dépassant 200 tonnes, il est plus performant que son prédécesseur - le missile Voïevoda d'une portée de 11.000 km - et "n'a pratiquement pas de limites en matière de portée", selon Vladimir Poutine, qui l'a jugé à même de "viser des cibles en traversant le pôle Nord comme le pôle Sud".

- Peresvet, laser de combat

Les caractéristiques techniques des systèmes laser de combat Peresvet (du nom d'un moine guerrier du XIVe siècle) sont secrètes. Ils sont prêts au combat depuis décembre 2019, selon le ministère de la Défense.

- Poséidon, drone sous-marin

Le Poséidon, drone sous-marin élaboré pour la dissuasion nucléaire russe, sera capable de se déplacer à plus d'un kilomètre de profondeur, à une vitesse de 60 à 70 nœuds, tout en restant invisible pour les systèmes de détection, selon une source au sein du complexe militaro-industriel russe, citée par l'agence officielle TASS. Des tests du système Poséidon ont eu lieu au printemps 2020 pour équiper à terme le sous-marin nucléaire Belgorod, navire qui a été mis à l'eau en 2019 mais dont la mise en service a été repoussée, selon l'agence Tass, au moins jusqu'à l'été 2022.

- Bourevestnik, l'oiseau de tempête

Là aussi d'une "portée illimitée", toujours selon Vladimir Poutine, et capables de surmonter quasiment tous les systèmes d'interception, les missiles de croisière Bourevestnik (un oiseau de mer dont l'étymologie russe est le mot "tempête") à propulsion nucléaire sont en cours de développement par l'armée russe. Leurs caractéristiques techniques sont secrètes.

- Zircon, missile marin "invisible"

Le premier tir officiel du missile hypersonique Zircon (du nom d'un minéral utilisé en joaillerie) date d'octobre 2020. Il vole à Mach 9 pour atteindre des cibles maritimes comme terrestres. Fin décembre 2021, Vladimir Poutine a annoncé un premier tir d'essai réussi d'une salve de Zircon. D'autres essais ont eu lieu depuis octobre 2020 dans l'Arctique russe, notamment à partir de la frégate Amiral Gorchkov et d'un sous-marin immergé.

(Avec AFP)