Pour les Etats-Unis, les subventions chinoises à l'industrie sont un risque pour l'économie mondiale (Janet Yellen)

Par latribune.fr  |   |  967  mots
Ces dernières semaines, Janet Yellen a mis en garde contre les vastes subventions du gouvernement chinois dans le secteur des technologies, qu'il s'agisse des énergies vertes, des véhicules électriques ou encore des batteries. (Crédits : POOL)
Les Etats-Unis veulent des « conditions de concurrence équitables » pour les entreprises américaines, a déclaré vendredi la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen à des responsables chinois, mettant en garde contre le risque de « propagation mondiale » des excès de production chinoise dus aux subventions.

En Chine, la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen fait le job. Arrivée jeudi pour une visite de quatre jours - sa deuxième en moins d'un an - elle a martelé un message à l'adresse des dirigeants chinois : les Etats-Unis veulent des « conditions de concurrence équitables » pour les entreprises américaines.

Elle a rencontré vendredi matin le gouverneur de la province de Guangdong, la plus riche du pays et emblématique de la puissance manufacturière chinoise. Les Etats-Unis veulent « une relation économique saine » avec la Chine, lui a-t-elle assuré. Mais, a-t-elle souligné, cela requiert « des conditions de concurrence équitables pour les entreprises américaines et leurs salariés » ainsi « qu'une communication ouverte et directe sur les domaines où nous avons des désaccords ».

Des subventions qui risquent d'entraîner un excès de production

« Cela inclut le sujet de la surcapacité industrielle de la Chine : les Etats-Unis et d'autres pays sont inquiets de sa possible propagation mondiale », a déclaré la ministre des Finances.

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Ces dernières semaines, Janet Yellen a mis en garde contre les vastes subventions du gouvernement chinois dans le secteur des technologies, qu'il s'agisse des énergies vertes, des véhicules électriques ou encore des batteries. Ces subventions risquent d'entraîner un excès de production qui va inonder le marché mondial, menaçant la viabilité des entreprises américaines et d'autres pays.

Elle a de nouveau fait passer le message ce vendredi.

« L'aide directe et indirecte du gouvernement est en train de conduire à une capacité de production qui excède largement la demande intérieure de la Chine, ainsi que ce que le marché mondial peut supporter, a estimé la ministre des Finances devant la communauté du commerce américaine à Canton, affirmant que cela représente un risque pour la résilience économique mondiale. »

De son côté, Bruxelles a annoncé mercredi avoir ouvert deux enquêtes anti-subventions contre des consortiums d'entreprises dans l'énergie solaire, impliquant des filiales de groupes chinois dont Longi, un mastodonte du secteur.

Pékin a jusqu'à présent balayé ces inquiétudes. Le mois dernier, les autorités chinoises ont condamné comme du « protectionnisme » l'enquête lancée par l'Union européenne sur les subventions chinoises aux véhicules électriques. Ces inquiétudes sont formulées à un moment où le président Joe Biden veut doper la production des États-Unis dans les énergies vertes, espérant en faire un argument de campagne alors qu'il vise la réélection en novembre.

Sujet particulièrement sensible pour l'administration Biden: les craintes du secteur automobile américain face aux ambitions chinoises en matière de véhicules électriques, un sujet crucial en année électorale.

« Il est probable que l'administration (Biden) prenne des mesures pour montrer sa volonté d'agir de façon préventive pour éviter de futurs problèmes liés à la surcapacité chinoise en véhicules électriques », prédit Paul Triolo, spécialiste de la Chine pour la société de conseil américaine Albright Stonebridge Group. « Mais Pékin devrait alors réagir négativement » met en garde l'expert.

La Chine a déja contre-attaqué mardi en portant plainte contre les subventions accordées par les Etats-Unis au secteur américain des véhicules à énergies nouvelles auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Ces aides entrent dans le cadre du grand plan américain pour le climat IRA (Inflation Reduction Act), adopté en 2022.

Les deux pays désireux de renouer le dialogue

Janet Yellen doit aussi rencontrer le vice-Premier ministre He Lifeng, le ministre des Finances Lan Fo'an, ainsi que le Premier ministre Li Qiang et le gouverneur de la banque centrale Pan Gongsheng. Ils auront notamment l'occasion d'aborder des questions sensibles comme les restrictions américaines contre la Chine, prises au nom de la sécurité nationale, ainsi que le soutien économique de Pékin à Moscou.

Les relations bilatérales sont tendues ces dernières années en raison de plusieurs dossiers : Taïwan, rivalité dans les nouvelles technologies, lutte d'influence en Asie-Pacifique ou encore droits humains.  Mais les deux pays semblent désireux de renouer le dialogue, particulièrement depuis une rencontre réussie en novembre entre Joe Biden et le président chinois Xi Jinping en Californie.

La visite de Janet Yellen en Chine en juillet 2023 avait permis de stabiliser la relation bilatérale, notamment grâce à la création de groupes de travail bilatéraux sur l'économie et la finance. Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken est lui aussi attendu dans les prochaines semaines en Chine, un nouveau signe de la reprise des échanges normaux entre les deux puissances.

Pour Bruno Le Maire, l'Europe doit « montrer les dents » pour protéger ses intérêts économiques

Il faut désormais « montrer les dents » pour protéger les intérêts économiques de l'Europe, a estimé jeudi le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire, observant que « le temps de la mondialisation heureuse (était) fini ». Le ministre s'exprimait devant la presse avant une réunion lundi à Paris sur la politique industrielle européenne, avec ses homologues allemand et italien, Robert Habeck et Adolfo Urso. C'est le « moment d'affirmer un certain nombre d'ambitions des trois premières économies européennes devant la nouvelle Commission et devant le nouveau Parlement européen » a dit Bruno Le Maire.

Alors que l'UE connaît un déficit commercial de 200 milliards d'euros avec la Chine, le ministre français veut discuter, malgré « les réticences allemandes sur ce sujet » d'un « rééquilibrage des règles environnementales » de production, bien plus strictes en UE qu'en Chine.  Cela n'empêche pas la France de souhaiter que la Chine « reste un partenaire commercial majeur », selon Bercy.

(Avec AFP)