Face à la Chine, Bercy dégaine ses propositions pour muscler l'industrie européenne

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire plaide pour une réforme des marchés publics européens afin de favoriser l'industrie du Vieux continent. Et prône une remise à plat du seuil de 250 salariés pour les obligations comptables et financières des entreprises. À la veille d'une réunion cruciale avec l'Allemagne et l'Italie, le ministre des Finances espère convaincre ses homologues face à la déferlante chinoise.
Grégoire Normand
Il faut désormais montrer les dents pour protéger les intérêts économiques de l'Europe, a estimé jeudi le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, observant que le temps de la mondialisation heureuse (était) fini.
Il faut désormais "montrer les dents" pour protéger les intérêts économiques de l'Europe, a estimé jeudi le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, observant que "le temps de la mondialisation heureuse (était) fini". (Crédits : Reuters)

L'Europe va-t-elle trouver la parade face à la déferlante industrielle chinoise ? À quelques semaines des élections européennes, les inquiétudes sont vives dans les milieux industriels du Vieux continent. Frappées de plein fouet par l'explosion des prix de l'énergie depuis la guerre en Ukraine, les usines européennes tournent au ralenti. L'indice des prix a certes ralenti depuis maintenant plusieurs mois mais les entreprises restent empêtrées dans de vastes difficultés. Les prix à la production ont marqué le pas d'environ 8% sur un an tout en restant bien au-dessus de leur niveau d'avant guerre selon les derniers chiffres d'Eurostat dévoilés ce jeudi 4 avril.

En première ligne dans la crise énergétique, l'Allemagne a payé un lourd tribut de sa dépendance au pétrole et au gaz russes. A cela s'est ajouté le ralentissement brutal chinois resté longtemps un débouché important pour le « Made in Germany ». Pendant ce temps, les entreprises chinoises inondent les marchés européens de voitures électriques et de panneaux photovoltaïques.

Dans ce contexte troublé, les ministres Bruno Le Maire, Robert Habeck (Allemagne) et Adolfo Urso (Italie) doivent se retrouver lundi 8 avril dans les Hauts-de-Seine à Meudon pour plancher sur la politique industrielle de l'Europe. « L'objectif est de définir une stratégie économique commune pour faire face à l'offensive de la Chine et des Etats-Unis », a déclaré Bruno Le Maire, lors d'une réunion avec des journalistes. « Il faut montrer les dents face à des adversaires qui ne font pas de cadeaux ».  « Le modèle de la Chine repose sur l'interventionnisme et les Etats-Unis comptent sur le protectionnisme, l'Inflation Reduction of Act (IRA) et un coût de l'énergie faible. L'Europe doit absolument défendre son modèle économique décarboné et compétitif », a tonné le ministre.

Bruno Le Maire Adolfo Urso Robert Habeck

Robert Habeck, Adolfo Urso et Bruno Le Maire lors de la dernière réunion triennale à Rome en octobre dernier. Crédits : Reuters.

Marchés publics et exemptions pour les ETI

Pour bâtir cette stratégie, la France va proposer plusieurs pistes aux deux autres grandes puissances économiques de la zone euro. Parmi les options mises sur la table par le ministre de l'Economie français, figure la réforme des marchés publics européens. « Faut-il réserver des parts de marché à des produits européens ? C'est déjà le cas en Chine et aux Etats-Unis. Des règles d'origine doivent faire partie des discussions pour protéger notre marché », explique Bercy. À ce stade, le ministère des Finances n'a pas évoqué d'objectifs chiffrés sur ce sujet sensible. Mais favoriser la production industrielle européenne pour les marchés publics pourrait constituer un levier important pour les entreprises.

L'autre piste évoquée par Bercy est de pousser une directive « omnibus » pour simplifier les normes environnementales. « L'Europe ne doit pas devenir le continent de la paperasse. Nous devons simplifier les normes et débureaucratiser le continent européen », explique Bruno Le Maire. Dans les couloirs de Bercy, les conseillers de Bruno Le Maire plaident pour une remise à plat des seuils dans les entreprises. « Un certain nombre de contraintes s'appliquent en Europe. Le seuil de 250 salariés est très bas. L'idée serait de passer d'un seuil de 250 à 500 salariés pour appliquer des exemptions de normes comptables, financières ou de reporting extra-financiers », explique l'entourage du ministre. En d'autres termes, le gouvernement veut simplifier les obligations pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Les industriels conviés

Plusieurs industriels ont été conviés à la réunion triennale de lundi prochain. Parmi les grands groupes doivent figurer Michelin, Materrup (ciments bas carbone) ou encore Waga Energy. Le thème de la réunion sera consacré à la mise en oeuvre de la législation européenne sur le Green Deal, « tout en exploitant pleinement le potentiel des industries de l'Union européenne ».

Contestées par plusieurs industriels, les règles du Green Deal européen doivent permettre d'atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 (-55% par rapport à 1990). Les milieux patronaux ont mis en garde contre de possibles délocalisations ces derniers mois. « La décarbonation ne doit pas se faire au détriment de la réindustrialisation », a prévenu Bruno Le Maire.

Lire aussiLe « faire mieux » risque de se traduire par du « faire ailleurs » (Alexandre Saubot, France Industrie)

Un déficit commercial vertigineux entre la Chine et l'Europe

La réunion entre la France, l'Italie et l'Allemagne est d'autant plus urgente que le déficit commercial de la Chine avec l'Europe s'établit à « 200 milliards d'euros » selon Bercy. La désindustrialisation qui a frappé la plupart des pays riches s'est accompagnée d'un basculement de la production industrielle vers la Chine. Résultat, Pékin est devenue une puissance commerciale de premier ordre dans le commerce mondial au détriment de l'Union européenne. Et la pandémie a jeté une lumière crue sur la dépendance de l'Europe à l'égard de la Chine sur un grand nombre de produits sanitaires de base (masques de protection, gel hydroalcoolique) et de médicaments. « Si nous restons les bras croisés, nous sommes morts », prévient Bercy. Reste à savoir si les prochaines élections européennes vont permettre ce virage.

Grégoire Normand
Commentaires 18
à écrit le 06/04/2024 à 9:54
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"Et prône une remise à plat du seuil de 250 salariés pour les obligations comptables et financières des entreprises". Il a déjà oublié que c'est la loi Pacte du 22 mai 2019 de son gouvernement qui a introduit une nouvelle catégorie d'entreprise, l...

à écrit le 05/04/2024 à 13:39
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Il a pris conscience du problème en 2015 et il va dégainer en 2024. A virer d'urgence !

à écrit le 05/04/2024 à 11:49
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L'Europe, l'Europe, l'Europe mais elle ne fait que du législatif. L'industrie Allemande restera Allemande et les autres resteront nationales sauf si elle se font bouffer par les USA comme c'est trop souvent le cas.

à écrit le 05/04/2024 à 9:30
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Si l'industrie européenne n'a pas de clients, elle fera un marché de dupe ! Cela ne risque pas de décoller seulement par médiatisation ! ;-)

à écrit le 05/04/2024 à 8:48
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Le marronnier. Non non pas le gars sur la photo qui certes ressemble à un bourgeon mais le thème de la réindustrialisation dont ils parlent trop tous pour être crédible.

à écrit le 05/04/2024 à 8:40
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Face à la déferlante industrielle chinoise il n'y a aucune réponse politique mais un constat économique, nous sommes incapables de lutter en terme de coûts de production avec la Chine . Le match est perdu depuis longtemps la France est foutue.

le 05/04/2024 à 21:58
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@Jason13. Je rejoins malheureusement ce constat.

à écrit le 05/04/2024 à 8:31
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Il fait un peu de la peine avec son casque ! pourra t'il calculer un hectare? Il semble avoir des problèmes de milliards qui valsent dans tous les coin, mais il semble vouloir faire image de crédibilité mais franchement, lorsque l'on regarde ceux qu...

à écrit le 05/04/2024 à 4:39
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L'ecrivain aime bien menacer avec ses petits bras, d'abord il a voulu mettre la Russie a genoux, puis desormsis il montre les dents face a un autre geant, la Chine. Vous avez de sacres numeros en France, d'ou votre situation actuelle, bientot sous c...

le 05/04/2024 à 8:32
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bientôt a genoux pour prier les agences de notations !

le 05/04/2024 à 8:51
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La Russie est à genoux et pour un bon bout de temps, mais elle n'a pas eu besoin de Le Maire pour ça, seulement d'un dirigeant complètement déconnecté de la réalité.

à écrit le 04/04/2024 à 21:17
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Déclarer urbi et orbi la réindustrialisation, alors que les nombreux Codes interdisent ou mettent de nombreux freins pour créer des installations de production, montre l'irrealisme et l'hypocrisie des dirigeants..... Pourvu que ça dure !

à écrit le 04/04/2024 à 19:30
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dérferlante chinoise..? on peut remercier nos gouvernements et industriels DE GAUCHE COMME DE DROITE qui ont monétisés a leur seul intérêt et a court terme notre sécurité économique financière et sociale...on en serait pas la si nos industriels sur ...

à écrit le 04/04/2024 à 19:25
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On a voulu la chaîne et la montre et désormais nous avons un collier et une chaîne dont le bout est tenu par la Chine. Il n'y a plus qu'une solution couper la chaîne et le collier.

à écrit le 04/04/2024 à 19:17
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Chaque fois la dernière don attaque contre les voitures chinoises le locataire de Bercy reçois la gifle chinoise. Exemple BYD s'installe en Hongrie l'anti européen MG regarde vers l'Espagne . Dans les affaires la discrétion est de rigueur le matador ...

à écrit le 04/04/2024 à 19:07
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"muscler l'industrie européenne" Mort de rire nous ne sommes plus compétitifs dans RIEN La seule façon c'est le protectionnisme avec les fous néo libéraux qui dirigent ,impossible

à écrit le 04/04/2024 à 18:04
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Passer d'un seuil de 250 à 500 salariés pour appliquer des exemptions de normes comptables, financières ou de reporting extra-financiers est un bon choix. Pour la Chine il faut arrêter de tourner autour du pot avec des mesures compliqués et inapplic...

à écrit le 04/04/2024 à 17:36
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La France ne sera JAMAIS compétitive tant qu'elle sera la championne des impôts avec des résultats nuls .nous sommes nul sur la sante sur le maintient de l'ordre , l'éducation par contre champion du monde en élus et toute l'équipe qui va avec, sec...

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